La «clarté» selon Philippe Couillard

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C'est plutôt d'opacité qu'il s'agit





Dans mon billet précédent, j’analysais la sortie prévisible par les libéraux de l’«épouvantail référendaire».


Prévisible, dans la mesure où le gouvernement Couillard a déjà les yeux rivés sur l'élection générale du 1er octobre 2018.


Prévisible dans la mesure où le Parti québécois se cherche à nouveau un chef.


Et, enfin, prévisible dans la mesure où le PQ se piège lui-même depuis 20 ans avec son propre flou référendaire.


Considérant que le gouvernement Couillard commence déjà à donner lui-même des leçons de «clarté» au PQ, voyons ce qu’il en est du côté libéral.


Pour ce faire, revenons à ce fameux communiqué de presse cité dans mon billet précédent.


Signé par Jean-Marc Fournier, leader parlementaire du gouvernement, son titre est : «Le Parti québécois complètement déconnecté des vraies affaires».


Rappelons qu' il se lit comme suit :


«Les Québécois et Québécoises ont été clairs lors de la dernière élection générale : ils ne veulent plus entendre parler de référendum sur la séparation.


Ne semblant pas capter le message, les cinq candidats à la chefferie du Parti québécois proposent cinq mécanismes référendaires différents. Issus d’une formation politique habituée à la division, ils se disputent sur le quand, le comment et le combien, quand la vraie question est : pourquoi?

Aujourd’hui, Martine Ouellet a encore échoué à y répondre. En dévoilant son plan pour la chicane, elle a tenté de faire croire aux Québécois que le français n’est pas déjà leur langue officielle et commune, que les femmes et les hommes ne sont pas égaux au Québec, que nos droits et libertés ne sont pas enchâssés dans un texte de loi et que la religion n’est pas séparée de l’État. Elle choisit délibérément de prendre congé de la vérité.

C'est la même candidate qui raconte qu'elle s'oppose au développement des hydrocarbures à Anticosti, alors que c'est elle, comme ministre de l'Énergie, ainsi que ses collègues Lisée, Cloutier et Hivon, à l'époque ministres, qui ont signé les contrats liant le Québec pour l'utilisation de la fracturation sur une île. À dénaturer à ce point les faits, il ne faut pas s'étonner que le Parti québécois soit déconnecté des réalités vécues par les Québécois.

« Pendant ce temps, le gouvernement formé du parti libéral s'occupe des vraies affaires. Nos comptes sont bons, nous contrôlons les dépenses et les revenus sont au rendez-vous », a déclaré le ministre Fournier.

« Notre gouvernement prépare le Québec des prochaines générations. On ne veut pas leur passer nos dettes; on veut moderniser notre économie et innover en santé et en éducation. Nous voulons bâtir un Québec où tout est possible pour chacun de nos concitoyens. Nous ne le ferons pas en nous repliant sur nous-mêmes dans un climat de méfiance. Nous le ferons en nous appuyant sur notre fierté et notre confiance, en bâtissant des alliances et en nous ouvrant à la diversité », a conclu le ministre.»


***


Or, qu’en est-il vraiment de la «clarté» du premier ministre sur la même question nationale québécoise? Voyons voir...


Nul besoin d’épiloguer longtemps sur les convictions fortes du premier ministre quant au maintien du Québec dans la fédération canadienne. Tel est l’option de son parti, le Parti libéral du Québec (PLQ). La chose est convenue.


Nul besoin d’épiloguer non plus sur le virage post-nationaliste et post-bourassien déjà entrepris au PLQ sous Jean Charest et confirmé sous Philippe Couillard. La chose est également convenue.


Ce «virage» s’expliquant en grande partie par trois ondes de choc successives subies par les fédéralistes québécois. Soit l’échec des accords constitutionnels du Lac Meech (1990) et de Charlottetown (1992), de même que la victoire très serrée du Non au référendum de 1995.


Pour les fédéralistes québécois le moindrement lucides, ces trois ondes de choc les ont convaincus de deux éléments déterminants pour eux.


De un, qu’«ouvrir» la constitution canadienne pour renforcer les pouvoirs du Québec - ou même pour lui octroyer une «reconnaissance» distincte -, est voué de facto à l’échec dans le reste du pays.


De deux, que tout échec sur le front constitutionnel provoque un effet domino en nourrissant inévitablement l’option souverainiste.


D’où la formule prisée par Jean Charest voulant qu’un jour, le Québec signerait la constitution canadienne, mais qu’en attendant, il n'y rien à faire puisque «le fruit n’est pas mûr». Sûrement l’euphémisme du siècle en politique québécoise...


«Le magasin général est fermé», avait aussi lancé un certain Jean Chrétien pour illustrer, du côté fédéral, la même fin de non-recevoir.


D’où l’étonnement lorsque Philippe Couillard, une fois de retour en politique québécoise et au PLQ, s’est dit soudainement convaincu de voir le 150e anniversaire du Canada, en 2017, paver la voie à une «réaffirmation» de l’appartenance du Québec au «pacte» fédératif...


Nul besoin de rappeler que 2017, c'est pour très bientôt...


Ce désir – considérant que l’Assemblée nationale, tous partis confondus, n’a toujours pas ratifié l’Acte constitutionnel de 1982 -, le premier ministre Couillard l’a répété à quelques reprises et l’a même exprimé clairement en septembre 2014 devant un Stephen Harper de toute évidence pris de court :


«À l’aube du 150e anniversaire du Canada, les Québécois souhaitent que le pacte qui lui a donné naissance soit réaffirmé. Et contrairement à ceux qui croient que la fuite, le déni ou l’isolement sont une solution valable, je dirais que nous devons plutôt nous inspirer de la vision de George-Étienne Cartier, celle d’un partage unique et envié d’une destinée commune dont l’identité québécoise forte et affirmée fait partie


Les sceptiques peuvent visionner ici cette même déclaration de M. Couillard.


Mais oups...


Dès le lendemain, constatant sûrement la bévue commise devant son homologue fédéral, rapidement,  le premier ministre Couillard a voulu corriger le tir...


Se disant mal interprété, il niait tout lien entre sa déclaration faite devant M. Harper et une quelconque intention, inexistante semblait-il même, de signer un jour la constitution canadienne en échange d'on ne sait trop quelles «conditions»:


Comme le rapportait Le Devoir:


«En fait, a-t-il assuré, il ne parlait que d’un fait : le Québec et les Québécois sont des partenaires fondateurs du Canada. Il faudra véhiculer ce fait, « reprendre ce thème-là », pour le 150e anniversaire de la Confédération. Son discours ne faisait pas allusion « à autre chose que cela », a-t-il insisté sur un ton sans appel, alors qu’il se trouvait au Festival western de Saint-Tite.»


Le dossier constitutionnel, lança-t-il aussi, «n’est pas une priorité quotidienne» pour son gouvernement.


***


Et pourtant, en mars 2013, soit dès son élection à la succession de Jean Charest, il réfléchissait à voix haute sur la possibilité pour le Québec, s’il devenait un jour premier ministre, de signer la constitution canadienne par «approbation parlementaire», donc, de l'Assemblée nationale.


Disant déjà souhaiter voir le Québec ratifier la constitution de 1982 à temps pour le 150e anniversaire du Canada – soit en 2017, pas question cependant, disait-il, de tenir un référendum sur le sujet.


Disant se refuser à tomber dans la «mécanique» d’une telle réconciliation constitutionnelle, il s’est aussi refusé à lister les «demandes» qu’il présenterait au nom du Québec en échange de sa signature au bas de l’acte fondateur du Canada post-82.


Selon M. Couillard, disait-il alors : «C’est toujours la technique qu’on connaît bien du PQ. On vise à établir une liste de demandes le plus rapidement possible pour en faire une liste d’échecs successifs le plus rapidement possible. Ce n’est pas la façon dont nous allons procéder».


Alors comment?


Toujours en mars 2013, il en disait ceci : «Je pense qu’on doit d’abord se rassembler autour de la définition de notre caractère distinct et spécifique, qu’on a laissé un peu définir par différents groupes selon leurs orientations politiques».


Comprenne cette déclaration, qui peut...


***


En d’autres termes, sur la question constitutionnelle – un enjeu de taille au Québec -, M. Couillard est de toute évidence aussi capable de «flou» que le Parti québécois l’est sur sa propre option depuis le référendum de 1995.


Bref, pour les «leçons» de clarté sur la «mécanique», que ce soit pour la  ratification de la constitution canadienne ou la souveraineté, quand le flou règne de part et d’autre, ça devient franchement gênant à la longue.


Pour les électeurs, le message reçu est encore plus troublant.


Ce message étant celui d’une double impasse. Impasse sur le fédéralisme renouvelé. Impasse sur la souveraineté.


Et tant que les deux camps n’assumeront pas leurs options respectives de manière concrète – réformer le Canada ou le quitter -, la «clarté» manquera invariablement à l’appel...


 


 




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