La cavale de Snowden, une aubaine pour les détracteurs de l’empire américain

Sebastian Seibt

6018aaad2e79e61856256c94397a75d0

C'est maintenant reconnu par la presse mainstream : l'impérium américain remis en cause

Edward Snowden, l’ex-consultant de la CIA à l’origine des fuites concernant le programme de surveillance Prism, cherche à trouver asile en Équateur. Plusieurs pays profitent de cette cavale pour mettre les États-Unis face à leurs contradictions.
Hong Kong, la Russie, Cuba et l’Équateur... le tout avec le soutien de WikiLeaks : Edward Snowden est en train de faire un tour du monde des plus fervents détracteurs de la diplomatie des États-Unis. L’homme par qui le scandale Prism (le vaste programme de la NSA de surveillance des communications électroniques) est arrivé espère obtenir l’asile diplomatique en Équateur. Le ministre équatorien des Affaires étrangères, Ricardo Patino Aroca, a fait savoir, lundi 24 juin, que “le respect des droits de l’Homme primait sur le reste dans l’étude de la demande d’Edward Snowden”. Le pays s’est déjà fait connaître en hébergeant depuis un an dans son ambassade à Londres Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks qui a lui aussi divulgué des petits secrets américains.
Edward Snowden, recherché par la justice américaine pour espionnage, a quitté Hong Kong, dimanche 23 juin, pour Moscou où il a passé une nuit en transit afin de pouvoir s’envoler pour La Havane. Mais ce lundi, l’ex-consultant de la CIA ne semblait pas, d’après la compagnie aérienne Aeroflot, se trouver sur le vol à destination de Cuba sur lequel il était enregistré.
Washington furibond
S’il réussit à atterrir à La Havane, Edward Snowden, dont le passeport américain a été annulé par Washington, espère ensuite pouvoir rejoindre Quito directement ou en passant par Caracas, au Venezuela. Cette improbable feuille de route défraye la chronique médiatique depuis 24 heures sous l’œil furibond de Washington. L’administration américaine tente, à chaque étape de ce périple, d’obtenir des pays hôtes qu’Edward Snowden soit arrêté et expulsé vers les États-Unis. Sans succès pour l’instant : Hong Kong a fait savoir que les documents envoyés par les États-Unis n’étaient pas conformes au droit local. Moscou, de son côté, a fait savoir par la voix de Dmitry Peskov, porte-parole du président Vladimir Poutine, n’avoir "aucune information sur Snowden”.
“Le cas Snowden est en train d’être instrumentalisé par plusieurs pays pourtant peu réputés pour être en faveur de la liberté d’expression afin de dénoncer les entraves américaines à cette même liberté d’expression”, souligne Thomas Snégaroff, spécialiste des relations internationales des États-Unis à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), contacté par FRANCE 24. Une véritable aubaine pour ces États qui “ne craignent pas grand-chose dans cette affaire”, rappelle le spécialiste. Il juge que le risque diplomatique pris par la Chine ou encore la Russie reste faible et qu’en se posant en défenseur du droit d’asile ces pays s’inscrivent en outre parfaitement dans la légalité internationale. “Ils ont tout intérêt à faire durer cette séquence en leur faveur le plus longtemps possible”, estime ainsi Thomas Snégaroff.
Déclin de l’empire américain ?
D’autant que Washington, de son côté, doit à tout prix chercher à mettre un terme à cette débâcle médiatique. “Les Américains s’épuisent à courir après Snowden et leur échec à obtenir son expulsion montre à quel point les États-Unis peinent à imposer leur propre tempo sur la scène internationale”, analyse Thomas Snégaroff.
Histoire d’enfoncer le clou de ce front anti-américain, Edward Snowden a demandé et reçu le soutien de WikiLeaks pour échapper au bras vengeur de la justice américaine. “Il est escorté par des diplomates et des conseillers juridiques de WikiLeaks”, souligne dans un communiqué de presse publié dimanche 23 juin l’organisation à l’origine de plusieurs fuites majeures dont les fameux câbles diplomatiques confidentiels américains publiés à partir de novembre 2010. L’ancien juge anti-terroriste espagnol Baltasar Garzon, qui s’occupe déjà de la défense de Julian Assange, a affirmé avoir été contacté par Edward Snowden pour le représenter.
Car au-delà du jeu du chat et de la souris, l’affaire Snowden n’est pas loin, pour cet expert, d’illustrer ce que certains appellent le déclin de l’empire américain. L’affaire Prism met en lumière “un pays qui se crispe de plus en plus sur les questions de sécurité nationale au détriment des principes fondateurs des États-Unis comme la liberté d’expression”, analyse Thomas Snégaroff. Qu’un Américain - qui ne s’est jamais présenté comme anti-patriotique - soit à l’origine des fuites au sujet de ce programme de surveillance montre, d’après l'expert, “que l’imperium américain est remis en cause”. Même de l’intérieur.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé