La Caisse peut-elle vendre le REM?

D26eb931d9690eeb714dee1e832ca368

La Caisse de dépôt : un cheval de Troie pour nous déposséder de nos services publics ?

Nous sommes plusieurs à avoir accueilli le projet de Réseau express métropolitain (REM) de la CDPQ avec espoir : enfin, ça bouge à Montréal !


Mais, depuis lors, les révélations inquiétantes s’accumulent sur les avantages consentis à la Caisse : la ligne de train de banlieue Deux-Montagnes est cédée, il y a monopole sur le tunnel du mont Royal, exigence de non-concurrence et de rabattement obligatoire pendant 99 ans sur la Rive-Sud, etc.


La révélation la plus inquiétante n’a pas été publicisée encore : la Caisse va vendre le REM, rapidement selon nous. Plusieurs signes pointent dans cette direction.


D’abord, notons que, pour que son REM soit rentable, la toute-puissante Caisse n’a pas besoin de monopoles ni de contrats à très long terme. Ce qu’elle ne pourrait obtenir elle-même d’une ville ou d’une société de transport, le gouvernement du Québec a l’intérêt et le pouvoir de le lui accorder. Mais en fait, la Caisse a besoin de ces garanties en béton pour le futur acquéreur du REM : meilleures sont les garanties, plus élevé sera le prix obtenu par la Caisse au moment de la vente.


Ensuite, la vente est explicitement prévue par la loi, et surtout, la transmission des avantages au futur acquéreur est protégée. La Loi sur les transports modifiée en 2015 est claire là-dessus (nous soulignons) : « 88.13. Les modalités et conditions relatives à l’exploitation de l’infrastructure de transport collectif stipulées dans une entente conclue en vertu de l’article 88.10 lient tout acquéreur subséquent. »


Et la Loi sur la fiscalité municipale, qui a aussi été modifiée en 2015, protège le futur acquéreur contre les taxes municipales (nous soulignons) : « 68.0.1. Ne sont pas portées au rôle les infrastructures publiques qui sont visées par le règlement pris en application du paragraphe 12.1° du premier alinéa de l’article 262, en quelques mains qu’elles se trouvent. Il en est de même des terrains qui constituent l’assiette de telles infrastructures. »


Les terrains hors taxes obtenus pour le REM seront vendus, mais pas immédiatement (Loi sur les transports) : « 88.12. La Caisse de dépôt et placement du Québec ne peut céder en tout ou en partie ses droits, titres et intérêts dans les terrains constituant l’assiette d’une infrastructure de transport collectif visée à l’article 88.10 avant la fin des travaux de construction. »


Le parfait promoteur


Si le promoteur du projet avait été un fonds souverain chinois, norvégien ou arabe, ou encore une société de transport public française, est-ce que la population accepterait toutes les concessions consenties ? Non ! Mais la Caisse, oui. La Caisse, c’est nous, nous avons le sentiment de la contrôler, qu’elle ne peut agir que dans notre intérêt.


La Caisse est ainsi le parfait promoteur, le parfait « middleman ». Toutefois, elle n’est pas le parfait opérateur d’un point de vue strictement financier. Elle est sensible à sa cote auprès de la population. Les effets du REM sur l’augmentation des titres de transport en commun, ou la qualité du service offert, expose la Caisse à des problèmes de relations publiques. À un conflit de travail sérieux encore davantage. Un futur acquéreur n’aura pas ces scrupules et, rassuré par les lois et les contrats en béton, il pourrait même augmenter la rentabilité au détriment des intérêts des Québécois.


Il faut maintenant remettre en question le REM à la lumière de sa vente prochaine. Par exemple, la Caisse, propriétaire à 51 % du projet, bénéficie par entente avec les gouvernements d’un rendement prioritaire de 8 % sur ses fonds investis. Jusqu’à ce que la Caisse touche ses centaines de millions annuellement, les gouvernements n’obtiennent rien pour leur participation. Il s’agit d’un rendement très appréciable dans l’environnement économique actuel. Le futur acquéreur majoritaire conservera-t-il son rendement prioritaire de 8 % ? Pourra-t-il augmenter unilatéralement sa participation dans le REM, diluer la part des gouvernements et augmenter ainsi son capital sujet à un rendement prioritaire de 8 % ? Sommes-nous en face d’une privatisation aux conditions rêvées ? Quels sont les risques en matière de corruption, ou pour l’intérêt national, posés par cette prochaine vente aux enchères ?


Observons que le gouvernement libéral n’a posé aucun obstacle législatif ou contractuel à la vente prochaine du REM. Il n’est probablement pas trop tard pour bien faire.


> La suite sur Le Devoir.



-->