La voie de la justice et de la paix est loin d’être militaire

La bêtise du Canada est de devenir un frère-d’armes des États-Unis

Non à la coalition militaire américaine au Moyen-Orient

Tribune libre

De passage à Ottawa, John Kerry, le secrétaire d'État américain a exprimé ses condoléances à la suite de la mort de deux soldats canadiens, la semaine dernière. Il a profité de cette occasion pour réitérer la détermination des États-Unis et de la nouvelle coalition de se débarrasser du groupe armé « État islamique ».

Cependant il y a lieu de se poser la question suivante, quel est l’intérêt du Canada de s’allier militairement aux États-Unis dans cette coalition dite « internationale » ? La participation du Canada à cette coalition devrait-elle se faire par des frappes militaires, non approuvées par les Nations Unies, ou plutôt en intervenant dans des démarches diplomatiques avec les gouvernements en place (Irak et Syrie), au niveau du renseignement, de l’assistance aux armées locales, de la lutte contre le commerce lucratif des armes, le recrutement et financement de groupes djihadistes ? Comme vous voyez la voie de la justice et de la paix n’est pas que militaire.

Il est vrai que tout le monde connait l’existence de l’État islamique via la presse écrite et les médias sociaux. Actuellement le Moyen-Orient vit un moment historique et crucial. Ces groupes terroristes représentent un réel danger pour le démembrement de l’Irak, de la Syrie, du Liban, de la Jordanie et même de la Turquie. Ces groupes constituent une menace pour tous les peuples, tous les gouvernements, toutes les confessions, toutes les minorités, toutes les populations de cette région. Ces terroristes tuent et massacrent pour divers motifs : une guerre sainte pour le pouvoir absolu, le rejet des politiques occidentales, l’intégrisme religieux ou le nettoyage ethnique, etc. Toutes ces raisons attirent un bon nombre de jeunes de différents pays.

Cependant en bout de ligne, une fois les bombardements passés, qu’arrivera-t-il ? Quel en sera l’issue ? Les conflits auront-t-ils cessé ? La paix sera-t-elle revenue ? Ou est-on en train de répéter les bombardements destructeurs d’Israël à Gaza qui n’ont pas réussi à détruire le Hamas. Que faisons-nous en Syrie où il y a une véritable armée, un gouvernement légitime et un président élu, Bachar El Assad ? On peut lui reprocher des gestes de dictateur par le passé, mais il y a trois ans, les différentes populations vivaient en paix en Syrie et y régnait un certain respecte envers les minorités.

Aujourd’hui, la question sérieuse à se poser est la bêtise de la participation « militaire » du Canada. Pour les raisons qui suivent, le Canada n’aurait pas dû s’engager dans cette guerre au Moyen-Orient.

Premièrement, depuis la deuxième guerre mondiale, les États-Unis ont à leur actif plus de 200 interventions militaires dans différents pays du monde. Depuis quelques décennies, les forces d’Opérations Spéciales Américaines se sont déployées dans 60 pays. En 2010, ce chiffre s’élevait à 75, selon [Karen DeYoung et Greg Jaffe, du Washington Post.

En 2013, selon le commandant Matthew Robert Bockholt, des Relations Publiques de la SOCOM, les forces d’élite des USA se seraient déployées dans plus de 134 pays de la planète . Ont-ils toujours respecté le Droit international ? Serions-nous devant une réalité qui nous échappe, celle de 134 possibilités de représailles contre notre monde unipolaire ?

Deuxièmement, les États-Unis ont toujours soutenu l'État sioniste d’Israël, sans égard aux 37 résolutions des Nations Unies condamnant cet État depuis le 29 novembre 1947. Au nom du droit de se défendre, Israël ne respecte pas le Droit international et bafoue les droits humains des Palestiniens. Pour le kidnapping de trois jeunes Juifs, l’armée israélienne a tué plus de 2,500 personnes et détruit les infrastructures de la bande Gaza.

L'existence de l'État d'Israël, créé artificiellement depuis 1948 pour des Juifs étrangers venus de l’Europe, ne serait-il pas une des causes, sinon la principale, du terrorisme dans cette la région du Moyen-Orient ? Jusqu’à tout récemment, Barack Obama a réitéré le droit d’Israël à se défendre. Benyamin Netanyahou bénéficie d'un soutien total des États-Unis : sur les plans militaire, sécuritaire, politique, économique, financier, légal, et la moindre condamnation d’Israël est interdite au Conseil de Sécurité des Nations Unies par le véto américain. Ce modus operandi est inacceptable.

Troisièmement, selon les récentes déclarations d’Edward Snowdon, la coopération entre les agences, CIA, Mossad, SOF (commandement des forces spéciales) et NSA aurait débuté en 1968 et aurait permis la création de mouvements ou de groupes terroristes takfiris, sous l’égide de Ben Laden (Al-Qaïda). Les objectifs visés de ces services secrets auraient été et sont toujours de prendre le contrôle des pays d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient, du golfe Persique, du Sud-est asiatique et les Républiques islamiques de l’ex-Union soviétique. Dans de nombreux cas, la NSA et l’ISNU ont collaboré avec les agences de renseignements britanniques et canadiennes, le GCHQ et le CSEC. On découvre aussi l’aide de certains pays arabes comme la monarchie jordanienne, et le rôle des forces de sécurité de l’ANP dans la fourniture de services d’espionnage essentiels pour identifier et frapper des « objectifs palestiniens. » The Intercept montre également un reçu de paiement daté du 15 avril 2004. »

Quatrièmement, comme corollaire aux raisons précédentes, les États-Unis n'ont pas l'autorité morale nécessaire pour être dignes de diriger une coalition contre le terrorisme. En réalité, pour disposer d’autorité morale, il faut être un modèle et mériter le respect. Voici une déclaration de Sayed Hassan Nasrallah sur la coalition contre l'État Islamique. « Ceux qui ont lancé des bombes atomiques contre le peuple japonais, commis des atrocités au Vietnam, qui ont toute cette histoire... Ceux qui tout dernièrement soutenaient Netanyahu durant la guerre de 50 jours contre la bande de Gaza et contre le peuple de Gaza, bombardant, détruisant, tuant des milliers de personnes, blessant des milliers de personnes, et déplaçant de leurs foyers des dizaines de milliers de personnes, ceux-là, cette administration américaine est moralement indigne de se présenter comme combattant le terrorisme ou comme étant à la tête d'une coalition internationale contre le terrorisme. »

Cinquièmement, ce qui est toujours troublant est de constater ce que déclare le Président Obama dans chacun de ses discours, affirmant que son seul objectif est de défendre les intérêts des Etats-Unis. En quoi consiste cette défense des intérêts américains et en quoi cela nous importe et engage ? D'autant plus que la majorité de ces intérêts américains, se font aux dépens des intérêts des peuples, contre leur souveraineté et la légitimité de leurs dirigeants politiques. Barack Obama ne cesse de parler de sécurité nationale et des intérêts américains. Par contre, il ne parle jamais de défendre les minorités, les chrétiens, les musulmans, etc., jamais ! Ce n’est pas parce que la situation géopolitique s’est aggravée des dernières années au Moyen-Orient que les intérêts des États-Unis soient menacés ? Comme Canadiens nous n’avons aucun intérêt à soutenir une coalition qui sert les intérêts américains.

Sixièmement, depuis l’assassinat de Mouammar Kadhafi de Libye, la pendaison de Saddam Hussein d’Irak, les printemps arabes loupés de Tunisie et d’Égypte, est-ce que la conscience canadienne et québécoise s’est éveillée ? Est-ce que vraiment nos sentiments humanitaires ont été moussés ? Est-ce que notre pays a été choqué par les tueries, les massacres, les déplacements de populations contraintes à fuir leurs maisons, les destructions de mosquées, d'églises, de mausolées, les crucifixions et les décapitations, etc. ? Avons-nous pris conscience de ces réalités ?

Le Canada a emboité le pas aux États-Unis, suite au discours de Barack Obama le 24 septembre à l’Assemblée générale de l’ONU, identifiant les trois plus grandes menaces actuelles pour l’humanité. Pour lui, la menace numéro un est la fièvre provoquée par le virus Ébola, la deuxième place revient à "l'agression russe en Europe", c’est-à-dire en Ukraine et la troisième concerne l’État islamique, Al-Qaïda et autres terroristes qui sévissent actuellement au Proche-Orient. C’est ce qui est ressorti officiellement de son discours mensonger. Pour lui et les Etats-Unis, c’est l'occasion, le moyen, le prétexte d'occuper à nouveau la région du Moyen-Orient et d’établir de nouvelles bases militaires en vue d’encercler leur pire ennemi, la Russie et son président Vladimir Poutine ?

Tous les pays qui s’unissent à la coalition américaine ne sont-ils pas les nouveaux Croisés du vingt unième siècle ? Le principal danger qui guette la lutte contre le terrorisme est l’exagération de la menace.

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Marius Morin130 articles

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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    3 novembre 2014

    @ M. Réal Croteau
    Dans le texte de M. Clode Hamelin du 21 octobre 14 intitulé: "Attentat de St-Jean-sur-Richelieu", au 22e commentaire, daté du 23/10/14, j'exprimais presque mot pour mot le même commentaire que le vôtre. C'est de la vraie prostitution politique!
    André Gignac 3/11/14

  • Marius Morin Répondre

    2 novembre 2014

    @Croteau
    Votre point vue élargit les perspectives et est très juste et interpellant. Bravo et merci !

  • Archives de Vigile Répondre

    1 novembre 2014

    "Cependant il y a lieu de se poser la question suivante, quel est l’intérêt du Canada de s’allier militairement aux États-Unis dans cette coalition dite « internationale » ?" M. Morin, je réponds de façon laconique et brève: l'acceptation du pipeline Keystone par les USA.
    C'est la priorité du Canada pour son développement futur et il est prêt à toutes les courbettes, que dis-je, les aplatventrismes et les bassesses nécessaires pour y parvenir: guerres, soutien à Israël etc... Les USA le voient très bien et ils vont le traîner en longueur pour en tirer le maximum de bénéfices en leur faveur et vont même en faire un enjeu pour les élections de mi-mandat qui se déroulent actuellement. En politique internationale, c'est du donnant-donnant mais ça doit toujours être à l'avantage du maître qui règne sur ses sujets... On sait qu'en politique, il n'y a pas d'amis que des intérêts à géométrie variable...

  • Ivan Parent Répondre

    1 novembre 2014

    M. Morin, votre texte est, on ne peut plus perspicace et bien senti. Permettez-moi cependant d'ajouter quelques nuances. Le terrorisme est un invention américaine et l'organisation la plus connue en ce sens, Al Qaeda, est, ou était financée par les USA via la CIA ou par le MOSSAD israélien. C'est pourtant connu. Le Canada n'a rien à faire avec les malfaiteurs en bas du 45ième paralèlle. La lutte au terrorisme est une arnaque de première, un mensonge plus gros qu'eux mêmes. Mais il y en a qui croient encore à ça. Pitoyable!
    Stephen Harper, collé aux Israélien et aux ordres des USA, nous place de plus en plus dans un position de grande vulnérabilité. Nous ne sommes plus des gens de paix, nous envoyons des soldats, formés pour massacrer sans état d'âme. Ce que nous avons vu dernièrement n'est qu'un tout petit apreçu de ce qui nous attend grâce à ses politiques militaristes. On ne massacre pas impunément les autres sans raisons, on doit s'attendre à des "réprimandes".
    Ivan Parent