La Banque du Canada pourrait être tentée d’abaisser son taux directeur

Ce n’est plus tant l’endettement des ménages qui inquiète Stephen Poloz que l’inflation qui se tient près du plancher

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Un signe que ça va très mal

Le faible taux d’inflation amène de plus en plus la Banque du Canada à se demander si son prochain geste ne devrait pas être une réduction plutôt qu’une hausse des taux d’intérêt. Elle laisse pour le moment son taux directeur inchangé, espérant, peut-être, que le recul du dollar canadien, et donc du prix des exportations canadiennes, fera une partie du travail à sa place.

La banque centrale canadienne a maintenu comme prévu, mercredi, son taux directeur au niveau exceptionnellement bas de 1 % où il se trouve depuis plus de trois ans. L’institution, dirigée par le gouverneur Stephen Poloz, en a profité pour faire savoir que, pour une rare fois, elle s’en faisait moins avec le fameux problème du niveau d’endettement des consommateurs qu’avec le taux d’inflation.

« Les risques associés aux déséquilibres élevés dans les secteurs des ménages n’ont pas changé sensiblement, alors que les risques à la baisse touchant l’inflation semblent plus grands », a-t-elle expliqué dans le bref communiqué accompagnant sa décision sur le niveau de son principal outil d’intervention. De seulement 0,7 % en octobre, a-t-elle fait remarquer, ce taux d’inflation est, entre autres, tiré vers le bas par « une importante offre excédentaire et par les effets de la concurrence accrue dans le commerce de détail » et s’entête à se maintenir sous la barre inférieure de la cible fixée entre 1 % et 3 %.

Ce commentaire a été interprété, par la plupart des observateurs, comme un petit pas de plus vers une politique monétaire plus accommodante après l’abandon, dans son communiqué précédent, au mois d’octobre, de l’indication que le prochain changement apporté à son taux directeur irait vraisemblablement vers un relèvement du loyer de l’argent.

« Les dirigeants de la Banque du Canada restent à l’aise avec un taux neutre pour l’instant, bien qu’ils songent davantage à une baisse de taux qu’auparavant », a noté Sébastien Lavoie, économiste à la Banque Laurentienne. « Il est encore trop tôt pour prévoir des réductions de taux » bien qu’on « semble plus près de l’envisager », ont observé les économistes de la Banque Nationale Krishen Rangasamy et Paul-André Pinsonnault. Chose certaine, la Stephen Poloz « pourrait patienter un peu plus longtemps que prévu avant de rehausser ses taux d’intérêt directeurs », a observé l’économiste au Mouvement Desjardins Benoit P. Durocher, qui ne s’attend plus, désormais, à ce que la première augmentation de taux vienne avant septembre 2015.

Les marchés semblent avoir fait la même lecture de la situation. La devise canadienne a perdu 0,31 ¢US, à 93,6 ¢US, dans les minutes qui ont suivi la décision de la Banque du Canada. Le huard affichait ainsi son plus faible niveau depuis mai 2010 et poursuivait une tendance amorcée en septembre 2012.
Se servir du huard

Cette dépréciation du dollar pourrait aider les exportateurs canadiens en réduisant le prix de leurs biens et services à l’étranger, ont rappelé des analystes. « Si je ne connaissais pas mieux la Banque du Canada, je dirais qu’elle essaie de pousser le huard encore un peu plus bas. Mais disons seulement qu’elle n’est pas attristée par la faiblesse de notre devise », a commenté Doug Porter, économiste à la Banque de Montréal. Avery Shenfeld dit les choses plus crûment. « La Banque du Canada laisse le huard faire le sale boulot », a résumé Avery Shenfeld, de la Banque CIBC. Ce ne serait pas la première fois, a-t-il fait valoir, que la banque centrale se contente de laisser planer la possibilité d’un changement de taux d’intérêt pour arriver à ses fins. « Rappelez-vous qu’en 2012 et durant presque toute cette année, la Banque a mis en garde les ménages [qui avaient tendance à trop s’endetter] contre une hausse des taux d’intérêt qui n’est jamais venue. »

Dans son communiqué, la banque centrale a invité à ne pas se laisser tromper par la croissance économique réelle plus forte que prévu au troisième trimestre (2,7 % en rythme annualisé contre une prévision, en octobre, de 1,8 %). Cette croissance n’est pas encore le fruit du « rééquilibrage vers les exportations et les investissements » espéré.

En fait, note-t-elle, « les exportations hors produits de base restent décevantes et le prix du pétrole produit au Canada a de nouveau baissé ». Les investissements des entreprises continuent, quant à eux, « à se redresser plus lentement qu’anticipé ».

Atterrissage immobilier en douceur

La Banque du Canada a cherché, par ailleurs, à rassurer ceux, comme l’OCDE, qui craignent l’éclatement d’une bulle immobilière au pays. « Le secteur du logement a été plus vigoureux qu’escompté, a-t-elle admis, mais son évolution concorde avec les nouvelles données démographiques et un devancement des achats de maisons compte tenu des conditions de financement avantageuses. La Banque continue à s’attendre à un atterrissage en douceur. »

Le Canada ne doit pas compter, pour le moment, recevoir beaucoup d’aide de l’économie mondiale, qui continue à croître à « un rythme modeste ». Comme le Canada, les États-Unis ont eu un 3e trimestre plus vigoureux que prévu, mais « ce raffermissement était attribuable à des facteurs temporaires ». La situation devrait toutefois continuer de s’y améliorer.

Dans son Livre beige, publié mercredi, la Réserve fédérale américaine a rapporté que l’économie des États-Unis a continué de croître de façon « modeste à modérée » au cours des deux derniers mois. La Fed doit procéder à sa propre annonce des taux directeurs dans deux semaines.

La prochaine annonce du genre pour la Banque du Canada est prévue à la fin de janvier, en même temps que la mise à jour de ses prévisions économiques. En octobre, elle avait été obligée de réviser à la baisse ses projections de croissance pour 2013 (de 1,8 % à 1,6 %), 2014 (de 2,7 % à 2,3 %) et 2015 (de 2,7 % à 2,6 %).


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