L'unilinguisme pour les pauvres

Berniérisme...


Voici une nouvelle qui devrait faire réfléchir les péquistes qui veulent interdire l'accès des cégeps anglais aux francophones et aux immigrants: on apprenait cette semaine que Brébeuf et Marianapolis, deux collèges privés, ont mis sur pied un programme d'échange qui permettra aux francophones de Brébeuf, et aux anglophones de Marianapolis, de passer leur dernier trimestre en immersion dans l'autre langue.
Cette initiative, du reste parfaitement louable, met en relief une réalité que les péquistes n'ont pas l'air de comprendre.
C'est que, dans un contexte où l'enseignement de l'anglais est très mal dispensé (et cela ne changera pas de sitôt, quoi qu'on en dise), ce sont les jeunes des régions, de même que ceux des milieux économiquement faibles, qui seront pénalisés si un futur gouvernement péquiste décide, comme Pauline Marois s'y est engagée, d'étendre la loi 101 au niveau collégial.
La petite bourgeoisie montréalaise, au contraire, aura toujours le loisir de procurer à ses rejetons des immersions en anglais. Soit par des échanges entre institutions privées, comme justement celui qui vient d'être conclu entre Brébeuf et Marianapolis, soit en leur offrant des cours privés hebdomadaires, soit enfin en envoyant les chers petits passer l'été, à grands frais, dans des colonies de vacances ontariennes ou américaines.
Pour les familles moins nanties, le seul espoir d'apprendre un peu d'anglais, si l'on sort du secondaire sans connaissance valable, c'est une immersion de deux ou trois ans dans un cégep public et gratuit.
En fait, les francophones de souche ne se précipitent pas sur les cégeps anglais, loin de là. Ils ne forment que 4% de la clientèle des cégeps anglophones... ce qui, en chiffres absolus, représente tout de même un bon groupe. La proportion serait certainement plus élevée s'il y avait plus de cégeps anglophones en dehors de la région montréalaise.
Mais l'on peut croire que les francophones tiennent quand même à garder cette option ouverte, les jeunes en particulier, qui à ce stade ont l'âge de choisir eux-mêmes leur institution d'enseignement. Personne n'aime se voir privé d'un droit, même quand on ne l'a pas encore utilisé.
Quant aux immigrants, première cible de cette mesure, deviendront-ils plus «québécois» - et, dans les rêves du péquiste militant, plus susceptibles de voter «oui» à un référendum -, si l'État les force, d'autorité et contre leur gré, à ajouter deux ou trois ans à une formation en français qui s'est échelonnée sur les 11 ans du primaire et du secondaire?? Ces jeunes parlent, lisent et écrivent déjà le français. On voit mal comment cette conscription en ferait par miracle de bons petits Québécois sur le modèle péquiste.
Hier, dans ces pages, une enseignante souhaitait l'application de la loi 101 au collégial, sous prétexte que les gens qu'elle reçoit dans ses classes d'accueil sont souvent des gens arrivés au Québec à 16 ou 17 ans, qui ont fait leur cégep en anglais et qui, plus tard, se retrouvent au chômage parce qu'ils ignorent le français. Mais il s'agit ici d'une minorité. De toute façon, les cégeps n'ont pas pour mission de franciser les immigrants, c'est une tâche spécialisée, dévolue aux classes d'accueil comme la sienne.
En vertu du même principe, faudrait-il alors interdire à un immigré arrivé au Québec à 20 ans (l'âge de s'inscrire à l'université) de fréquenter McGill ou Concordia, la même interdiction s'appliquant alors, bien sûr, aux francophones de souche?
Le fait que plus de 60% des enfants d'immigrants fréquentent actuellement un cégep français sans y être obligés n'est-il pas déjà un formidable succès? Quand on réussit à assimiler une bonne majorité d'immigrants sans douleur, et tout naturellement, pourquoi diable faudrait-il recourir à la coercition?


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