L’opinion artistique

Serait-ce le signe qu’il existe dans les milieux de la culture une pensée unique à laquelle il vaut mieux ne pas déroger ?

La "remarquable convergence" fédéraliste des journalistes de GESCA "ne cesse de surprendre. Et, franchement, d’inquiéter un peu."... Une autre "intenable bizarrerie"!...

Le comédien Pierre Gendron s’affiche comme fédéraliste et partisan du Parti libéral du Canada, pour lequel il apparaît dans une pub électorale. Or, qu’un artiste québécois professe un tel contre-discours apparaît à ce point extraordinaire que cela lui vaut l’attention des médias ! Serait-ce le signe qu’il existe dans les milieux de la culture une pensée unique à laquelle il vaut mieux ne pas déroger ?

On le subodore…
Chose sûre, au sujet du statut du Québec, l’homogénéité de l’«opinion artistique» a été historiquement stupéfiante.
Moins de 1 % des artistes s’identifient simplement comme Canadiens. Au référendum de 1980, les artistes ont voté oui à hauteur de 86 % ; c’est plus du double de la population générale (40 %) et cela équivaut à une quasi-unanimité, anomalie politique unique en Occident. De fait, au référendum de 1995, cette intenable bizarrerie a été légèrement atténuée.
Pourquoi en est-il ainsi ? La pression des pairs – en clair : le conformisme – semble un facteur important. «Un artiste (a) 96 % des chances de partager les idées d’un collègue admiré», a établi Alexandre Brassard Desjardins, de l’Université York à Toronto, qui a compilé ces chiffres dans Les artistes québécois comme acteurs politiques : une analyse quantitative des facteurs associés à l’attitude nationaliste. De fait, on sait ce qu’il en a coûté aux rares artistes qui ont un jour perdu la foi souverainiste : ils ont été littéralement crucifiés sur la place publique.
Mais la remarquable convergence de l’«opinion artistique» ne s’arrête pas là.
Quelle image vient instantanément à l’esprit lorsqu’on évoque un artiste dit engagé ? Sans même connaître son identité, on pariera – avec une probabilité de succès avoisinant les 99,9 % – qu’il est de gauche, pacifiste, antiraciste, féministe, écologiste, altermondialiste, anti-états-uniens, pourfendeur de la société marchande. Comment ferait-il autrement ? Avoir d’autres idées et revendiquer d’autres engagements condamne à être reçu dans un 5 à 7 culturel comme un… bébé phoque dans un bassin aux requins.
Tout ça n’a rien à voir avec l’émoi des artistes face aux compressions opérées par Ottawa dans les programmes culturels. Certes, s’en prendre à un gouvernement de droite est pour eux un naturel. Mais il s’agit d’un conflit économique dans lequel, comme on l’a déjà noté ici, les artistes ne sont pas dépourvus de bons arguments. À commencer par le taux élevé de pauvreté prévalant chez eux.
L’affaire est autre, et plus grave. Si on les écoute, il n’y a pas de principes plus chéris par les 23 000 artistes québécois que ceux de la diversité, au nom de laquelle ils ont mené des luttes épiques à l’échelle internationale ; de la non-violence et de la tolérance, qui ont inspiré des recueils complets de chansons.
Or, les voir après cela atteints d’une telle unicité de pensée – parfois belliqueuse et intolérante – par rapport aux enjeux sur lesquels la société, elle, est profondément divisée ne cesse de surprendre.
Et, franchement, d’inquiéter un peu.


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