L'introspection

des mots...


Quel est le plus grand échec du Québec? La défaite au moins temporaire du projet souverainiste? Le naufrage d'un État inefficace et corrompu? L'anémie du développement économique, paralysé par le «nonisme» ? L'inféodation des médias, soit à la gauche, soit à la droite, au choix de chacun? Notre incapacité à défendre nos valeurs - et, au fait, lesquelles? Le manque d'estime de soi en tant que nation?
Ou peut-être, après tout, le Québec ne connaît-il pas de véritables échecs?
Questionnés à ce sujet, les gens donnent toutes ces réponses. Et d'autres encore. Même diversité dans l'avalanche d'ouvrages introspectifs publiés à ce jour en 2012. Certes, le Québec a toujours aimé s'étendre sur le divan du psychanalyste! Mais c'est aujourd'hui devenu une véritable frénésie qui confirme, si besoin est, qu'on se trouve à un carrefour.
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Un des phénomènes marquants de l'époque est certainement la mise en jachère du projet souverainiste.
Bien avant que le caquiste François Legault n'endosse cette idée, la «cause» était déjà largement disparue de l'écran-radar politique... sauf dans les cénacles dédiés, bien entendu, que la réalité ne trouble pas. Un souverainiste comme Mathieu Bock-Côté le reconnaît dans Fin de cycle (un ouvrage dense sur lequel nous reviendrons). Il prône un «ressaisissement national» qui se contenterait pour l'instant de préserver les «conditions de possibilité» de l'indépendance.
Dans ce contexte, la récente querelle d'auteurs ayant pour toile de fond - ou comme prétexte - la consistance de la fibre nationaliste de Robert Bourassa paraît anachronique.
Cette brouille est alimentée d'un côté par Jean-François Lisée*, dont le récent ouvrage traite pourtant de bien autre chose. Le mérite de Comment mettre la droite K.-O. en 15 arguments est en effet de confirmer que la confrontation gauche-droite, pivot de toutes les démocraties, a désormais acquis le même statut chez nous. Lisée estime donc que la nation est, sur sa droite, marquée par la «détestation de soi». Ce qui l'étonne, puisque le Québec (ah, le bon vieux modèle!) a, selon lui, largement échappé aux échecs.
Or, cette position est pour le moins... contre-intuitive. Car chacun est à même de constater que la nation est bel et bien statufiée, appauvrie, démoralisée, par une redoutable force d'inertie systémique.
Rien d'étonnant alors à ce qu'une partie non négligeable des critiques les plus carrées du statu quo naisse aujourd'hui hors système. Et naisse à droite, parce que c'est elle qui est sommée de présenter ses arguments par 50 ans de gouvernance social-démocrate presque ininterrompue!
Ainsi apparaît la réflexion citoyenne (dans le vrai sens de ce terme galvaudé) de Joanne Marcotte, qui signe Pour en finir avec le gouvernemaman. Il s'agit d'un inventaire (auquel il faudrait rendre davantage justice) des lubies politiciennes, dilapidations publiques et déresponsabilisations privées qui nous minent. Dans L'État contre les jeunes, Éric Duhaime enfonce le même clou, mais d'un angle différent et moins rassembleur.
Et encore ne parle-t-on ici que d'une seule des écoles de pensée se situant à la droite du centre. Et que d'un seul débat, celui opposant étatisme et libéralisme, parmi d'autres également.
Il est impératif de n'en négliger aucun, ce que nous verrons, demain.
*L'autre auteur est Georges-Hébert Germain, qui lance Robert Bourassa, un portrait de l'ex-premier ministre.


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