L'impossible pays

Canada-Québec : "un dialogue de sourds"

En 1864, le Haut-Canada débattait du nom à donner à ce territoire qui allait découler de l'Union du Haut et du Bas-Canada avec peut-être deux ou trois provinces atlantiques. Les noms suggérés du côté du Haut-Canada étaient : Cabotia, Borelia, Tupona, Norland, Canadia, Columbia, Nova Britannia, New Britain et Aqua terra. Du côté du Bas-Canada, on trouvait ça ridicule. Le journal La Minerve faisait campagne pour deux noms possibles: Laurentide ou Canada. Devinez qui a gagné?
Récemment, parce que j'ai du temps, j'ai beaucoup lu sur cette époque de notre histoire. Par curiosité d'une part, mais aussi parce que la lecture du roman historique de Micheline Lachance Lady Cartier m'a donné envie d'approfondir ma connaissance de Sir George Étienne Cartier, père de la Confédération et dont le monument situé au beau milieu du parc Jeanne-Mance, au pied du mont Royal, est en pleine réfection en ce moment au coût de quelques millions de dollars.
Mes lectures m'ont conduite de Lionel Groulx à Pierre Elliott Trudeau avec quelques autres entre les deux, et en cherchant à mieux cerner Sir George Étienne, je m'accroche les pieds aussi bien dans John A. MacDonald que George Brown ou Darcy McGee. Le rôle de chacun dans les intenses négociations qui ont précédé l'union, alimente ma réflexion sur ce vaste territoire qu'on appelle le Canada.
Les jeux du pouvoir
Il y avait deux propositions sur la table à l'époque. Celle de MacDonald recommandait un fédéralisme avec un gouvernement central tout puissant qui réduisait les gouvernements des provinces au rang de ce que sont aujourd'hui les municipalités. C'était irrecevable pour le Bas-Canada qui tenait à conserver les pouvoirs qui lui garantissaient sa survie en matière de langue, de religion et de droit.
Sir George Étienne Cartier et les autres pères issus du Bas-Canada durent lutter jusqu'au dernier moment pour sauver ce qui fait, encore aujourd'hui, la spécificité du Québec. Même au dernier moment, à Londres, une fois que tous les intéressés eurent donné leur accord au contenu de la demande présentée au Parlement anglais, MacDonald, en coulisse, essayait encore d'obtenir, sans en informer ses partenaires, le Canada qu'il désirait et qui éliminait pratiquement les gouvernements provinciaux. Il a échoué.
Le jugement du temps
C'est dans un livre de Pierre Elliott Trudeau (Le Fédéralisme, publié chez Beauchemin en 1970) que j'ai trouvé une phrase qui exprime le mieux comment les choses se sont passées par la suite. Il écrit:.. «je ne sache pas que le gouvernement central ait bien souvent pris les devants pour redresser quelque injustice dont souffraient les Canadiens français. Ottawa n'a jamais cru au caractère bi-ethnique du Canada et nos petites victoires en ce domaine n'ont jamais été obtenues qu'à la suite de déploiements qui suscitassent dans les entrailles outaouaises la crainte de notre force électorale.» Disons que ça n'a pas beaucoup changé.
La Confédération, dont l'objectif était d'unifier un immense territoire d'un océan à l'autre, a été décidée par une poignée d'hommes politiques qu'on a appelés les Pères de la Confédération. Les discussions ont eu lieu à huis clos et les populations du Haut et du Bas-Canada n'ont jamais été appelées à donner leur avis sur son contenu. La démocratie n'étouffait personne à l'époque.
140 ans plus tard, peut-être que MacDonald avait raison finalement. Fait comme il est maintenant, le Canada ne fonctionnera jamais. Pas seulement à cause du Québec. Il suffit de voir la tour de Babel que sont devenues les discussions autour du déséquilibre fiscal, le silence antidémocratique autour des dépenses militaires et du rôle de nos soldats, le refus de Kyoto, pour comprendre que ce pays, né dans la controverse, ne va pas bien.


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