L’homme qu’on n’arrive plus à suivre

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Charles Taylor : une véritable girouette intellectuelle sans grande consistance


Avant-hier, dans un amphithéâtre bondé de l’Université McGill, Charles Taylor a dit du projet de loi sur la laïcité : « J’ai honte. »


Puis, il en a appelé à la lutte « tous ensemble », ajoutant que « l’anxiété » des partisans du projet de loi « n’est pas fondée ».


Fin de l’histoire ? Pas dans son cas.


Relisons


Un homme a rappelé à M. Taylor que c’était lui qui avait ouvert le bal avec son rapport de 2008.


Il a esquivé la remarque avec une pirouette : il est, lui, partisan d’une « laïcité ouverte ».


Le rapport Bouchard-Taylor­­­­­ expliquait longuement en quoi le Québec ne saurait adopter un régime de laïcité comme celui de la France.


Mais il expliquait aussi pourquoi le multiculturalisme canadien – qui implique une liberté religieuse quasi absolue – ne convenait pas davantage au Québec.


Sur ce malaise identitaire du Québec francophone, qu’il nie ou minimise aujourd’hui, M. Taylor notait : « Minorité culturelle, la francophonie québécoise a besoin d’une identité forte pour calmer ses inquiétudes et pour se comporter comme une majorité tranquille (p. 79 du résumé). »


Sur l’interdiction des signes religieux pour certaines catégories d’employés de l’État, il écrivait à l’époque : « En soupesant toutes ces considérations, nous croyons que l’imposition d’un devoir de réserve à cette gamme limitée de postes représente le meilleur équilibre pour la société québécoise d’aujourd’hui. Il s’agit de postes qui représentent de façon marquée la neutralité de l’État ou dont les mandataires exercent un pouvoir de coercition (p.151 du rapport). »


Or, le projet de loi fait sienne cette vision, en y incluant les enseignants.


Il le fait au nom de la neutralité de l’État. Sur cette neutralité, M. Taylor écrivait jadis :


« En vertu du principe de neutralité, l’État ne peut faire siennes les visions du monde et les croyances profondes de tous les citoyens, qui sont multiples et parfois contradictoires (p.46 du résumé). »


À l’époque, il écrivait : « Nous ne proposerons pas de ruptures ni de virages radicaux (p. 10 du résumé). »


Aujourd’hui, il a « honte » d’un projet de loi dont la logique de base est la sienne, hormis son extension aux enseignants, à propos desquels il n’est pas déraisonnable de dire qu’ils sont des figures d’autorité avec pouvoir de coercition.


Vaste chantier


Tout être humain, direz-vous, a le droit de changer d’avis.


C’est vrai, sauf que le rapport Bouchard-Taylor, dont tous avaient relevé la modération, n’avait pas été rédigé dans la précipitation. Ce n’était pas un coup de tête irréfléchi.


Souvenons-nous : 5 millions $ de budget, 14 mois de travaux, 900 mémoires reçus, 241 témoignages, des audiences dans 15 régions, 22 forums régionaux, 4 forums nationaux, des mandats de recherche confiés à des spécialistes, et j’en passe.


Et aujourd’hui, rien de cela ne devrait déboucher sur une suite concrète ?


M. Taylor pourrait au moins, comme on dit, se garder une petite gêne. Mais non, monsieur en appelle à la mobilisation générale !


Disons poliment que cet homme est difficile à suivre.


Son comportement justifierait pourtant des mots beaucoup plus sévères.