En matière d’environnement, Philippe Couillard est loin d’être le premier chef de gouvernement au pays dont les bottines suivent rarement les babines. Ce qui, une fois dit, ne rend pas la chose plus acceptable.
Prenez la très controversée usine de ciment McInnis à Port-Daniel–Gascons, inaugurée hier en présence de Philippe Couillard. Ce vieux projet repris par l’empire Beaudoin-Bombardier est aux antipodes du « virage vert » promis en 2015 par le premier ministre, au sortir de la Conférence de Paris sur le climat.
Gavée généreusement à même les fonds publics, cette cimenterie serait le projet industriel le plus polluant de l’histoire moderne du Québec. Résultat : l’émission annuelle de 1,76 million de tonnes de CO2 pour une augmentation de 6 % des gaz à effet de serre au Québec.
Son coût faramineux d’un milliard et demi de dollars comprend la rondelette somme de 600 millions $ en fonds publics et de 450 millions $ en dépassements de coûts.
Pour un projet polluant, approuvé sous l’ère Marois et officialisé sous l’ère Couillard, comme on disait jadis, c’est du gros bidou. Subventionner des emplois en régions est nécessaire, mais pourrait-on le faire sans sacrifier l’environnement en même temps ?
Métamorphose
Le passage de Philippe Couillard à la Conférence de Paris l’avait pourtant métamorphosé. Du moins, c’est ce qu’on en disait. Il s’était découvert une fibre pro-environnement doublée d’un dédain prononcé pour les hydrocarbures. Son cri du cœur était à l’avenant : « L’avenir du Québec ne repose pas sur les hydrocarbures. Absolument pas. »
Finalement, son épiphanie verte n’aura duré que ce que durent les roses. Pendant que la cimenterie McInnis engrange les « investissements » publics, c’est aussi Noël pour les pétrolières.
Le Devoir rapporte en effet que les lacs et rivières du Québec seront ouverts « aux projets d’exploration et d’exploitation de pétrole et de gaz. Les forages en milieu hydrique, mais aussi ceux en milieu terrestre pourront d’ailleurs être réalisés avec des opérations de fracturation, à proximité de secteurs habités, d’écoles, d’aires protégées et de parcs nationaux. »
Lobbys
Comme quoi, l’influence des lobbys pétroliers dans les coulisses du pouvoir, tous partis confondus, ne se dément pas. Le bar des fonds publics était déjà grand ouvert pour les médecins, mais il l’est aussi pour les pétrolières et la famille Bombardier-Beaudoin. Comme le notait mon collègue Michel Girard, pour la multinationale Bombardier et Ciment McInnis, les engagements financiers de Québec dépassent les 5 milliards de dollars.
Or, du même souffle, après trois ans d’austérité, le gouvernement néglige les plus vulnérables de la société. Comme s’il s’agissait d’une bénédiction, il lance des grenailles préélectorales à nos aînés en CHSLD pour un possible deuxième bain par semaine. Sa « réforme » de l’aide sociale cible également les plus pauvres parmi les pauvres.
Donner peu à ceux qui ont peu pendant qu’il donne beaucoup à ceux qui ont déjà beaucoup, serait-ce là la « transformation » du Québec dont Philippe Couillard se targue ? Si oui, ça fait drôlement « siècle dernier », circa Reagan-Thatcher.