Élections et corruption

L’effet Duchesneau

Élection Québec 2012 - Bilan



Peu importe le résultat de cette campagne - on en est si loin ! -, on dira plus tard qu’il y a eu un effet Duchesneau. Que l’homme soit élu ou non, et même si un homme ne fait pas une élection, il faut admettre qu’il galvanise, bouscule, brouille les cartes, même de la Coalition avenir Québec, et qu’il oblige à recentrer les enjeux.
Hier à Montréal, trois candidats du Parti québécois convoquaient la presse pour lui raconter une bonne histoire : une affaire qui sent le favoritisme à plein nez, qui avait déjà circulé mais pour laquelle Bernard Drainville, Nicolas Girard et Bertrand St-Arnaud avaient de nouveaux éléments à apporter. Deux ministres libérales et une députée sont visées par leurs allégations.
À l’Assemblée nationale, cette affaire aurait fait des flammèches. Hier, en dépit de son intérêt (un terrain destiné à un usage public qui prend 1 million de plus-value en un an et qui revient dans le giron du privé, cela soulève des questions), elle est restée un feu contenu. D’abord parce qu’elle n’est pas claire. Surtout à cause de Jacques Duchesneau.
Il sautait aux yeux que la sortie du trio péquiste, aussi compétent soit-il, devait tout au souci de faire concurrence au nouveau candidat caquiste sur le terrain de la lutte contre la corruption. Que sans son arrivée, les révélations qu’on brûlait de nous faire auraient attendu quelques jours de plus.
À quoi s’ajoutait l’esquive de Pauline Marois, qui la veille avait fui les questions sur l’arrivée de M. Duchesneau à la CAQ. Hier après-midi, c’est l’impression de précipitation qui dominait, même si M. Drainville répétait que des vérifications à compléter expliquaient l’agenda.
Il est essentiel, nous l’avons déjà écrit, que le thème de l’intégrité, qu’il se décline sous l’angle du copinage, des décisions troubles ou carrément de la corruption, soit marquant dans cette campagne électorale. On ne peut balayer sous le tapis les années de scandales révélés par les journalistes et l’opposition et mettant en cause le monde politique municipal ou des membres du gouvernement libéral.
Le Parti québécois, la CAQ, Québec solidaire ont d’ailleurs rappelé dès le début de la campagne électorale l’urgence de lutter contre la corruption et la collusion. Mais Jean Charest pouvait les ignorer royalement puisqu’il avait les étudiants pour servir de paravent. Le carré rouge lui suffisait pour détourner le regard de l’électorat de son bilan.
Ce temps du déni est bel et bien terminé. Par sa seule présence, sans même ouvrir la bouche, Jacques Duchesneau est un rappel permanent de ce qui ne tourne plus rond au Québec. Et comme l’homme parle et n’a pas la langue dans sa poche, et que la controverse ne lui fait pas peur, M. Charest ne pourra plus s’attribuer des mirifiques 8 sur 10 qui ne sont pas mérités, ni faire semblant que tout va pour le mieux. Un simple froncement de sourcils de Monsieur Net servira de rappel à l’ordre.
Il ne s’agit pas de croire que M. Duchesneau est sans défaut : François Legault a bien vu hier à qui il avait affaire, avec cette maladroite déclaration de son candidat qui se voyait nommer des ministres. M. Duchesneau a su rattraper sa gaffe, mais il faudra voir si l’électeur lui pardonnera ce genre de faux pas. Mais même s’il les multipliait, cela ne redonnera pas aux libéraux une blancheur politique.
Cet homme est une plaie pour Jean Charest, une épine au pied pour le Parti québécois, un défi pour François Legault, une curiosité pour les électeurs et un plaisir pour les journalistes. C’est bien ainsi qu’on fait de l’effet.


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