Élections et corruption

La juste note

Élection Québec 2012 - Bilan


À croire Jean Charest, cette campagne électorale estivale ne doit rien à la crainte des révélations qui viendront cet automne de la commission Charbonneau, et son gouvernement mérite un huit sur 10 pour sa lutte contre la corruption! Heureusement, le projet de loi 1 qu’un éventuel gouvernement caquiste consacrerait à l’intégrité nous a ramenés hier dans la réalité.

Si Jean Charest s’accordait le même traitement implacable qu’il réserve à ses adversaires, il taillerait en pièces le premier ministre sortant. Pendant des mois, il a complètement ignoré la majorité silencieuse — celle qui lui plaît tant aujourd’hui — qui réclamait sondage après sondage une enquête publique sur l’industrie de la construction, dont des enquêtes journalistiques solides témoignaient de la nécessité. Après avoir banalisé la situation et raillé l’opposition, il n’a bougé que pour mieux se retrancher derrière des enquêtes policières qui, par leur nature même, se déroulaient dans l’ombre et ne pouvaient dresser un portrait global de la situation.

Il a fallu que Jacques Duchesneau coule son rapport dans les médias pour que, acculé au mur, M. Charest se décide à créer une commission d’enquête. Et il a fallu que la commissaire France Charbonneau mette le pied à terre et réclame les pouvoirs que le premier ministre ne lui avait pas donnés pour que les travaux puissent débuter.

Oui, le premier ministre sortant a lutté fort et a consacré bien des efforts dans le dossier de la corruption et de la collusion. Mais cette énergie a passé à se traîner les pieds. M. Charest ne faillit d’ailleurs pas à la tâche en cherchant encore à endormir les Québécois à ce sujet. À cet égard, il mérite un huit sur dix.

Il faut surtout retenir que le gouvernement libéral a plongé le Québec dans un tel cynisme envers la politique que les autres partis ont cru nécessaire, avec raison, de débuter leur campagne en mettant l’accent sur l’honnêteté, comme l’a fait la chef péquiste Pauline Marois mercredi, ou comme le déclinait hier le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault.

L’honnêteté et l’intégrité sont des vertus difficiles à tenir en politique, et la tolérance zéro dont M. Legault se faisait le chantre hier est un idéal plus qu’un objectif. Peu de partis, CAQ comprise, peuvent se targuer de ne pas avoir de squelettes dans leur placard. Mais il est clair que ces dernières années, la situation a dérapé: glissements éthiques, copinage, collusion, corruption ne sont plus des cas exceptionnels.

En voulant faire du respect de l’intégrité dans la vie publique la première loi de son gouvernement, François Legault pose un jalon bienvenu. Son projet ratisse large, incluant l’examen des finances de toutes les municipalités du Québec et l’obligation pour le vérificateur général de se pencher tant sur Hydro-Québec que sur la Caisse de dépôt et placement du Québec qui échappent présentement à son contrôle.

M. Legault entend aussi moderniser la Loi sur le lobbyisme, et créer un poste de commissaire à l’intégrité qui regrouperait les fonctions du commissaire au lobbyisme et du commissaire à l’éthique. Il s’inscrit dans une dynamique que l’actuel commissaire au lobbyisme a déjà enclenchée, lui qui déposait en mai dernier 105 recommandations pour renforcer la loi qui le gouverne.

Mais le plus grand obstacle à l’efficacité de la loi vient de la résistance à s’y soumettre, qui touche firmes de génie-conseil comme regroupements de médecins. François Legault devra aussi dire ce qu’il entend faire pour mettre un terme à cette attitude, qui touche l’un de ses candidats vedettes, Gaétan Barrette. Bienvenue dans la réalité.


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