Québec -- L'Assemblée nationale avait parfaitement le droit d'adopter une motion dénonçant les propos d'Yves Michaud le 14 décembre 2000 puisque les députés ne faisaient qu'exercer leur droit à la dissidence, un des volets de leur liberté de parole garantie par le privilège parlementaire.
En outre, le privilège parlementaire n'est pas assujetti aux chartes des droits et libertés, qui ne peuvent pas en limiter la portée.
C'est ce qu'a soutenu en substance hier Me Raynold Langlois, le procureur du président de l'Assemblée nationale qu'Yves Michaud poursuit en Cour supérieure. M. Michaud a présenté une requête en jugement déclaratoire à la Cour supérieure visant à affirmer que l'Assemblée nationale n'avait pas le pouvoir constitutionnel d'adopter une motion désapprouvant les propos d'un citoyen, à moins que celui-ci n'ait atteint les privilèges d'un député. Me Langlois a plaidé que la requête était irrecevable prima facie.
La cause de M. Michaud, entendue par le juge Jean Bouchard, en était à sa deuxième journée d'audition. Le juge a pris la requête en délibéré et ne rendra jugement que dans plusieurs mois. Après que tout eut été dit, Yves Michaud a haussé le ton, s'indignant que Me Langlois, au nom de l'Assemblée nationale, eût plaidé froidement à l'encontre d'une demande de Me Bois, qui souhaitait que l'Assemblée nationale assume les frais juridiques de M. Michaud : la cause dépasse en portée son propre cas et elle est d'intérêt pour la gouverne de l'institution, a-t-on allégué. «C'est honteux et c'est mesquin», s'est écrié M. Michaud en s'adressant à Me Langlois.
Dans sa réplique à l'argumentation de la défense, Me Bois est revenu sur son argument fondamental : s'il est vrai que les députés jouissent de l'immunité parlementaire et ne sauraient voir leur liberté de parole entravée au Parlement, l'Assemblée nationale, en sa qualité d'organe de l'État, ne peut limiter la liberté d'expression d'un simple citoyen.
Le privilège parlementaire existe dans le mesure où il s'inscrit dans les fonctions dévolues à l'Assemblée nationale, soit la fonction législative, la surveillance du pouvoir exécutif et la régie interne de l'institution. L'Assemblée nationale jouit de l'immunité au regard de ces trois fonctions, a soutenu la poursuite, mais quand elle en sort, ses actes peuvent être soumis aux chartes.
Or la motion contre les propos de M. Michaud énonce un blâme de portée individuelle, et ce pouvoir de blâmer un simple citoyen n'est pas nécessaire pour permettre à l'Assemblée nationale d'accomplir ses fonctions légitimes dans l'ordre constitutionnel. Aussi, le blâme public infligé à M. Michaud en raison de ses opinions est contraire à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, a-t-on plaidé.
Mais pour Me Langlois, le fait que l'Assemblée nationale exprime son opinion sur une question d'intérêt public fait partie de ses fonctions législatives. Pour sa part, le juge Bouchard s'est mis à penser tout haut, énonçant une hypothèse : «La réaction de la Chambre, c'est une réaction politique à une situation politique. La fonction législative peut s'entendre dans un sens large.»
Affaire Michaud
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