CONTRATS PUBLICS

L’art de ne rien retenir

Le seuil maximal pour procéder de gré à gré devrait être lié au nombre d’habitants d’une municipalité

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A contre-courant

Les travaux de la commission Charbonneau ont duré près de trois ans, en plus du fait qu’elle a été réclamée pendant des années avant de voir le jour. Son rapport final ? Décevant. Et pourtant, malgré tout cela, le gouvernement libéral a annoncé la semaine dernière qu’il hausserait le seuil d’octroi des contrats de gré à gré, c’est-à-dire des contrats sans appel d’offres, des villes et municipalités du Québec. Il passera de 25 000 à 100 000 $. Quoi de mieux pour les retours d’ascenseurs ?

Avant cette annonce, les municipalités et les villes pouvaient accorder sans appel d’offres un contrat de moins de 25 000 $. De 25 000 $ à 99 999 $, elles devaient demander des soumissions à deux entreprises de leur choix. À 100 000 $ et plus, elles devaient obligatoirement utiliser le Système électronique d’appel d’offres (SEAO). Ce système n’était certes pas parfait, mais préférable à celui que propose le ministre Coiteux.

Les raisons invoquées pour opérer ce changement sont la réduction de la paperasse, la mise à niveau entre les modalités qui doivent être respectées par le système d’éducation et le système de santé et le resserrement des règles de financement des partis politiques municipaux. Le ministre soutient aussi que les montants sont gelés depuis 2001. Ces arguments ne tiennent pas la route.

Balises nécessaires

Premièrement, un système démocratique a besoin de se donner des balises pour s’assurer qu’il reste démocratique. Ces dernières ont évidemment un coût. Le dispositif actuel constitue une sécurité supplémentaire contre les tentatives de corruption, de malversation, de fraude, etc. En ce qui a trait à la « paperasse », ce système a probablement un coût plus élevé que l’octroi de gré à gré d’un contrat. Cependant, à long terme, les avantages qu’il procure ne sont pas à négliger, car il limite ces comportements indésirables. L’harmonisation de ce seuil à celui du système de santé et d’éducation constitue un nivellement vers le bas, puisqu’il s’agit d’une diminution des balises de protection de la démocratie municipale.

Deuxièmement, l’inflation entre 2001 et 2016 n’a certainement pas atteint les 400 %. Le 25 000 $ ne constitue donc certainement pas un seuil « anachronique » comme le prétend le ministre Martin Coiteux. Une position plus réaliste aurait été une hausse de ce seuil au niveau de l’inflation, suivie d’une indexation par la suite.

Troisièmement, le financement maximal impose une limite de contribution aux citoyens de bonne foi et limite les possibilités de prête-noms. En revanche, ces règles ne pourront jamais empêcher un individu mal intentionné de mettre sur pied une caisse occulte ou d’utiliser d’autres moyens illégaux. Le resserrement des règles de financement des partis politiques municipaux ne peut donc pas être une garantie qu’une hausse à 100 000 $ des contrats de gré à gré ne mènera pas à des abus, contrairement à ce qu’affirme le ministre, encore une fois.

Impact variable

À la rigueur, une telle annonce pourrait être compréhensible pour les villes qui disposent de budget considérable. Pour Montréal et Québec, il s’agit respectivement de 0,002 % et de 0,007 % de leur budget de 5 et de 1 milliard chacun. Il en va toutefois autrement pour les petites municipalités. Par exemple, Sainte-Cécile-de-Milton, un village de 2000 habitants situé entre Saint-Hyacinthe et Granby, dispose de 2 millions de dollars annuellement; 100 000 $ équivalent donc à 5 % de son budget.


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