Bonjour Me Daniel Turp,
1. Comment qualifier votre article conjoint avec Renaud Lapierre contenant 5 questions destinées à l'avocat Lucien Bouchard? Votre article est très louable, mais probablement trop "poli". Comment un avocat payé 700$ de l'heure par Talisman Energy de Calgary peut-il ne pas prendre fait et cause pour son client qu'est l'APGQ, l'Association pétrolière et gazière du Québec? Les loups sont les gardiens de la bergerie!
2. Reportons-nous à quelques extraits du Code de déontologie du Barreau du Québec.
2.00.01. L'avocat doit agir avec dignité, intégrité, honneur, respect, modération et courtoisie.
2.04. L'avocat peut entreprendre la défense du client quelle que soit son opinion personnelle sur sa culpabilité ou sa responsabilité.
3. Reprenons les 5 questions que MM Lapierre et Turp posent à Lucien Bouchard concernant son mandat à titre de président de l'APGQ, une à une:
1) «Êtes-vous prêt à convaincre les entreprises que vous représentez de respecter les normes d’exploitation mondiales les plus sévères en la matière?» réponse OUI, mais engagement sans conséquence à moins de faire signer par les gazières et pétrolières un devis précis de normes d'exploitation, avec un contrat signé et rendu public.
2) «Êtes-vous disposé à convaincre les entreprises que vous représentez de recéder à l’État, à l’instar de la situation qui prévaut en Norvège, 50% de la propriété des permis d’exploration contre un engagement ferme de celui-ci de rembourser à celles-là 50% des coûts qu’elles ont supportés jusqu’à ce jour ?» Plus loin dans votre texte, vous répondez NON à votre question. Oups!
3)« Prendrez-vous le parti de les convaincre que reviennent dans les coffres de l’État 51% des revenus nets générés par l’exploitation de ces ressources ?» Si la réponse est OUI, cela signifie que l'avocat BOUCHARD, en contradiction avec les lois et règlements existants, demande la "charité en pure bonté" aux compagnies privées membres de l'APGQ.
La réponse la plus vraisemblable à cette question dans la bouche de Me L. Bouchard est NON. Les auteurs LAPIERRE et TURP semblent faire une sérieuse confusion entre "avocat" et "négociateur". L'avocat défend son client envers et contre tout à moins que la partie adverse ait un pouvoir de négociation, dans un rapport de force. Quel est le pouvoir de négociation de la population du Québec lorsque son gouvernement s'est donné poings et mains liés aux compagnies gazières et pétrolières?
4) « Si ces entreprises refusent un partenariat avec l'État à 49%-51%, vous sentez-vous prêt à leur faire comprendre qu’elles doivent indiquer précisément le niveau minimal qu’elles considèrent que ces revenus nets devraient revenir à la collectivité ?» Il est contre nature de demander à un prédateur de ne pas profiter au maximum de sa proie. Plus les gazières et les pétrolières avancent dans leur exploration, plus elles se rapprochent de leur proie et plus leur appétit augmente. Regardez le bon de 120% que l'action de Pétrolia (le potentiel de pétrole à l'Île Anticosti) a fait depuis une semaine avec des annonces du président Proulx. Les actionnaires veulent du rendement et l'appréciation des actions de la compagnie l'aide dans sa recherche de financement. C'est le meilleur des mondes pour une entreprise "très risquée" sous l'angle de l'investissement comme une pétrolière.
5) « Auriez-vous l’obligeance de nous rassurer que vous interviendrez auprès des entreprises pour les convaincre à ne s’engager à exploiter commercialement ces ressources (gaz ou pétrole) que lorsque le prix courant permettra à l’État de récolter un niveau de revenus minimum visé par ce dernier et qui serait encadré dans la loi ?» Quelle question diffuse pour ne pas dire alambiquée: nous rassurer comme la chenille dans son cocon, exploiter commercialement ces ressources si... le prix. Mais, il faut préciser des chiffres. Comme a écrit le professeur aux HEC-Montréal, Jacques FORTIN, c.a., dans Le Devoir du 9 février courant, je cite: «Gaz de schiste - Les promesses ne valent pas des analyses chiffrées.»
4. Vous reprenez quelques points contenus dans le communiqué de presse qui a annoncé le remplacement d'André Caillé par Me Lucien Bouchard à la présidence de l'Association pétrolière et gazière du Québec. Je vous cite, «Plusieurs passages importants du communiqué de presse annonçant votre nomination et, particulièrement, ceux où l’on vous fait parler semblent confirmer que vous entendez exécuter ce mandat dans le sens de vos engagements antérieurs envers les Québécois. Citons-en quelques mots : « contribution réelle à l’enrichissement public », « un atout très important pour le financement des missions de l’État » et « dans le meilleur intérêt de notre collectivité »
Il y a longtemps que Me Lucien Bouchard n'est plus aux affaires de l'État. Je me souviens qu'il se soit compromis pour le développement du canal Lachine et de la navigation de plaisance. Il a fait une sainte colère contre ceux qui comparaît son frère Gérard à Elvis Gratton. Le texte qui vous citez tiré du communiqué de presse n'est que "paroles, paroles!" comme dans la chanson de Dalida.
5. Me Lucien Bouchard, excellent négociateur: bon pour le Québec lorsqu'il exécutait un mandat du Gouvernement du Québec. Mauvais pour le Québec lorsqu'il accepte un mandat des compagnies prédateurs des ressources naturelles du Québec, droits d'exploration acquis pour des miettes. Vous écrivez,
«Comme négociateur aguerri, vous savez mieux que quiconque que toute négociation réussie doit satisfaire chaque partie.» Ben oui, chaque partie est satisfaite: le mandataire et fiduciaire du peuple, le Gouvernement, donne nos ressources naturelles et ceux qui les ramassent obtiennent le gros lot. Les deux parties sont satisfaites.
Daniel Turp, où allez-vous avec vos 5 questions? Éclairez-moi. J'ai l'impression que vous vous faites avoir par la confrérie des disciples de Thémis. Dites-moi: lorsque Lucien Bouchard a apporté sa contribution au message adressé aux québécois, Pour un Québec lucide, l'a-t-il fait à titre gratuit? Je pense qui oui. Corrigez-moi si j'erre. Dans le cas présent à la présidence de l'APGQ en remplacement d'André Caillé, payé autour de 700$ l'heure, alors qu'André Caillé était payé par 600 000 options d'achat d'actions de Junex sur 3 ans, adieu le bénévolat. Me Lucien Bouchard doit gagner sa vie, garnir son patrimoine familial pour ses deux garçons et ses futurs petits-enfants. Quoi de plus légitime pour un futur grand-père, veuf, que de se projeter dans ses descendants. Ça c'est du concret qui rejoint le grand émotif qu'est Me Lucien Bouchard. Pour le bien commun du Québec, Lucien Bouchard peut répondre "j'ai déjà donné".
MM Lapierre et Turp, je vous donne sous la note de passage. Vous devez recommencer votre approche à la lumière du premier principe de négociation: quel est mon pouvoir de négociation? S'il est nul, allez vous cachez!