Londres — L'ancienne première ministre Margaret Thatcher est décédée lundi à l'âge de 87 ans. Le porte-parole officiel de Mme Thatcher, Tim Bell, a confirmé que l'ancienne première ministre est décédée lundi matin d'un accident vasculaire cérébral.
Le premier ministre David Cameron a écourté un déplacement en France et en Espagne pour rentrer au pays.
Le gouvernement britannique a indiqué que la reine Élisabeth II a autorisé la tenue de funérailles officielles, une coche en-dessous des funérailles d'État, à la cathédrale Saint-Paul.
La cérémonie sera suivie d'une incinération privée. On ne sait pas à quel moment ces funérailles seront célébrées.
Margaret Thatcher a dirigé le Royaume-Uni à la tête du Parti conservateur entre 1979 et 1990. Elle était devenue la première femme à occuper le poste de premier ministre du pays.
Une géante parmi les dirigeants mondiaux
Le premier ministre Stephen Harper n'a pas fait économie de superlatifs pour saluer Margaret Thatcher. «Avec la disparition de madame la Baronne Thatcher, le monde a perdu une géante parmi les dirigeants mondiaux», peut-on lire dans un communiqué diffusé par le bureau de M. Harper.
Il attribue à celle qui était surnommée la Dame de fer un rôle majeur dans la chute de l'Union soviétique et, selon lui, «l'ère de paix et de prospérité qui a suivi la fin de la Guerre froide doit donc être considérée comme l'un de ses grands et durables dons à notre génération».
«Des millions de personnes vivent maintenant dans la dignité et la liberté qu'elle avait imaginées pour eux aux moments les plus sombres des années de l'après-guerre», dit encore le premier ministre.
M. Harper raconte aussi que lorsqu'il est devenu premier ministre, en 2006, il a reçu des conseils «sages et élégants» de Mme Thatcher.
Jean Chrétien, qui l'a connue alors qu'il était ministre de la Justice, lors du rapatriement de la Constitution, se souvient qu'elle a su résister aux pressions des provinces canadiennes. «Les gouvernements provinciaux faisaient du lobby. Ils avaient des délégations à Londres. Ils recevaient tous les députés, tous les lords à déjeuner et à dîner», a-t-il raconté lors d'un point de presse à Ottawa, lundi matin.
En rappelant qu'ils n'appartenaient pas au même courant politique, il a parlé d'une «femme très déterminée, qui savait exactement ce qu'elle voulait faire». «On pouvait la critiquer tant qu'on voulait, ça ne la dérangeait pas beaucoup», a-t-il dit.
Puis, ne ratant pas une occasion de s'en prendre à ses adversaires politiques d'hier, il a convenu que Mme Thatcher devait applaudir lorsque son gouvernement libéral a éliminé le déficit. «Maintenant, nous avons à nouveau un déficit et ils sont conservateurs. Imaginez! Si elle pouvait commenter la chose, je suppose qu'elle ne serait pas très satisfaite d'eux», a lancé M. Chrétien.
L'opposition à Ottawa a utilisé peu de mots pour réagir au décès.
Le communiqué publié par le chef néo-démocrate Thomas Mulcair se contente de transmettre ses condoléances au peuple britannique. Et il reconnaît Mme Thatcher comme «une figure de proue» de la politique britannique et mondiale du siècle dernier.
«Sa grande détermination et sa ténacité étaient légendaires et même ses adversaires politiques ne pouvaient qu'admirer sa capacité à maintenir le cap qu'elle avait fixé pour son parti et son pays», a pour sa part souligné le chef par intérim des libéraux fédéraux, Bob Rae, dans un communiqué. Plus tôt, sur Twitter, il avait salué «sa détermination et sa ténacité», tout en rappelant qu'il n'a jamais partagé ses opinions politiques.
Celle qui a transformé le Royaume Uni
La Dame de fer, qui a régné pendant 11 années remarquables, a imposé sa volonté sur un pays divisé et déprimé, brisant des syndicats, triomphant dans une guerre lointaine et bradant des industries d'État à un rythme record. Elle a laissé derrière elle un gouvernement plus maigre et une nation plus prospère au moment au moment où une mutinerie l'a évincée du 10, Downing Street.
Pour ses admirateurs, Mme Thatcher est celle qui a sauvé le Royaume-Uni des ruines et qui a jeté les bases d'une renaissance économique extraordinaire. Ses détracteurs diront qu'elle était une tyranne sans coeur qui a inauguré l'ère de la cupidité, jetant les pauvres à la rue et laissant les riches devenir encore plus riches.
«Elle était une vrai dure, explique celui qui a agi comme attaché de presse pendant toute sa carrière, Bernard Ingham. Elle était une patriote qui adorait son pays en plus de d'améliorer la réputation du Royaume-Uni à l'étranger.»
Margaret Thatcher était la première – et reste la seule – femme première ministre de l'histoire du Royaume-Uni.
Née le 13 octobre 1925, Margaret Hilda Roberts apprend l'importance de l'économie, de la discipline et du labeur en observant l'exemple de son père Alfred, un petit épicier et pasteur méthodiste qui deviendra maire de la ville de Grantham, à 180 kilomètres au nord de Londres.
Sa personnalité, comme celle de plusieurs de ses contemporains, sera en partie façonnée par les événements traumatisants de son enfance. Sa ville sera une des premières à être bombardées par la Luftwaffe et elle développera une détermination farouche à résister aux agresseurs en voyant le premier ministre Neville Chamberlain tenter d'apaiser Hitler plutôt que de lui tenir tête.
Éduquée à Oxford, elle débute sa carrière politique dans la mi-vingtaine avec une campagne malheureuse dans le château-fort travailliste de Dartford. Malgré sa défaite, elle se fait connaître à travers le pays en tant que plus jeune femme à briguer les suffrages à ce moment.
Elle essuie une nouvelle défaite l'année suivante, mais sa campagne lui permet de rencontrer Denis Thatcher, un homme d'affaires qu'elle épousera en 1951. Leurs jumeaux, Mark et Carol, arrivent deux ans plus tard.
Margaret Thatcher est élue pour la première fois en 1959 et, en 1970, elle est nommée ministre de l'Éducation. Une fois première ministre, elle vend les sociétés d'État une après l'autre: British Telecom, British Gas, Rolls-Royce, British Airways, British Coal, British Steel... Elle était fière du rôle de son gouvernement dans la privatisation de certains logements sociaux, ce qui a permis à des locataires d'accéder à la propriété.
Sa confiance en elle-même et son manque de tolérance pour les gens plus timides ou prudents ne lui valent pas que des amis. Elle fait ainsi fi de l'avis de ses conseillers militaires pour lancer une opération militaire dans les Malouines en 1982, refusant de tolérer qu'un «dictateur de jardin puisse [...] prévaloir par le biais de la fraude et de la violence».
En 1984, elle survit à une audacieuse tentative d'assassinat perpétrée par l'Armée républicaine irlandaise. Une bombe explose dans l'hôtel où elle se trouve, à Brighton, tuant et blessant plusieurs membres de son gouvernement. Elle et son mari s'en tirent toutefois indemnes.
Elle reconnaîtra aussi très rapidement en Mikhail Gorbachev un leader soviétique d'une trempe complètement différente. Elle affirmera que l'Occident «peut faire affaire avec lui», une opinion qui influencera les relations du président américain Ronald Reagan avec Gorbachev au moment où l'ère soviétique tirait à sa fin.
Mais cette confiance ultime en ses moyens la mènera aussi à sa perte. Réélue pour un troisième mandat en 1987, Mme Thatcher fait fi de l'avis de ses ministres et met en place un nouvel impôt en 1989 et 1990. Des dizaines de milliers de manifestants descendent dans les rues de Londres et d'autres villes, menant à certaines des pires émeutes à s'être jamais produites dans la capitale britannique.
La scène choquante de la place Trafalgar transformée en champ de bataille le 31 mars 1990 aide à convaincre certains conservateurs que le temps de Mme Thatcher est révolu. Les parlementaires conservateurs ont commencé à craindre le châtiment des électeurs lors du prochain scrutin et huit mois après les émeutes, la Dame de fer est évincée de Downing Street, les larmes aux yeux.
Elle a écrit plusieurs livres et prononcé plusieurs conférences à travers le monde avant d'être victime de plusieurs petits accidents vasculaires cérébraux en 2002, ce qui a grandement freiné ses apparitions publiques. Son mari Dennis est mort l'année suivante après plus de 50 ans de vie commune.
Mme Thatcher souffrait de démence depuis quelques années et n'était pratiquement jamais vue en publique.
Elle laisse derrière elle ses enfants, Carol et Mark, et de nombreux petits-enfants.
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