"L'Amérique qui tombe", d'Arianna Huffington

L'Amérique d'Arianna

"Comment les politiques ont trahi le rêve américain et abandonné la classe moyenne"

Livres-revues-arts 2011





L'Amérique n'est plus, qui en remontrait au monde entier par la vitalité de sa classe moyenne, prospère, entreprenante, confiante en son destin. La crise des subprimes (des prêts hypothécaires à haut risque) est passée par là. Simultanément ou presque, les Américains ont subi deux catastrophes qui témoignent de la dégradation de leurs infrastructures et de leurs procédures de sécurité : l'ouragan Katrina qui a submergé La Nouvelle-Orléans (1 800 morts) ; et l'effondrement de la plate-forme pétrolière de BP dans le golfe du Mexique.
Arianna Huffington, la star du site Huffington Post (36 millions de visiteurs uniques), s'inquiète de cette Amérique qui tombe - son quinzième livre, sous-titré : "Comment les politiques ont trahi le rêve américain et abandonné la classe moyenne".
Elle ne s'intéresse pas à l'autre Amérique, celle qui, de la Silicon Valley à Hollywood, d'Harvard au Massachusetts Institute of Technology (MIT) crée et innove. L'Amérique, combien de prix Nobel ? La patronne du "HuffPo" fait l'impasse sur cette Amérique-là. Evoquer ses succès et son rayonnement affaiblirait son raisonnement.
Ce parti pris admis, sa démonstration se tient. Les Etats-Unis, d'autres l'ont dit avant elle, peine à sortir de la "Grande Récession" dans laquelle les a plongés la faillite de la banque Lehman Brothers en septembre 2008. Les coupables ont-ils été sanctionnés ? Quelques-uns seulement, les plus cupides. Le système bancaire, lui, a survécu, mauvaises habitudes comprises, tandis que la classe moyenne se "tiers-mondialisait ". Endettement, chômage, rigidité du système éducatif. Cette Amérique-là, soutient Arianna Huffington, ne croit plus au "rêve américain".
Son pamphlet met en cause les élus qui, depuis des années, "pressurent sans relâche la classe moyenne pour défendre les entreprises qui financent leur réélection". Le ver s'est introduit dans le fruit sous la présidence de Ronald Reagan (1981-1989), explique-t-elle. Wall Street a pris alors le pas sur Main Street, l'économie financière sur l'économie réelle. Trente ans plus tard, force est de constater que "le libéralisme économique a été, dans les faits, un échec monumental" mais, en même temps, que "son idéologie tient bon".

Noir pessimisme

Avant de se faire, sur ce ton populiste, l'avocate de la middle class américaine, Arianna Stassinopoulos a milité avec fougue dans les rangs républicains. Née à Athènes en 1950, arrivée aux Etats-Unis en 1980, elle y a épousé en 1986 un ex-collaborateur de Ronald Reagan, Michael Huffington, dont elle est aujourd'hui divorcée. Le HuffPo, qu'elle a lancé en 2005 avec l'aide de blogueurs bénévoles et prestigieux, tel Bill Clinton, lui assure une influence politique, ancrée à gauche, dont elle use avec une passion de prosélyte.
Le chapitre "Eviter la chute" montre que, malgré son noir pessimisme, elle n'a pas perdu foi dans son pays d'adoption. Des solutions existent, argumente-t-elle, qui permettraient de briser "l'étreinte mortelle dans laquelle l'argent des intérêts particuliers tient (la) vie politique". La plus urgente : imposer le "financement public des campagnes politiques".
Faute de pouvoir "fermer le casino de Wall Street", elle croit aux vertus de la solidarité, du microcrédit, des réseaux sociaux, à ce qui peut fédérer les hommes de bonne volonté. Il y a du Mère Teresa chez Arianna, qui voit parfois l'Amérique comme Calcutta.
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L'AMÉRIQUE QUI TOMBE d'Arianna Huffington. Fayard, 372 p., 20 €.

Bertrand Le Gendre Article paru dans l'édition du 14.06.11


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