L'affaire Hérouxville déchaîne les passions

Hérouxville - l'étincelle


Mario Girard -

«C’est bien beau les accommodements raisonnables, mais moi dans tout ça, je ne me sens pas du tout respectée par les immigrants qui veulent faire régresser le Québec». Des commentaires comme celui-là, on en découvre à la pelle depuis le début de «l’affaire Hérouxville». Depuis qu’il a créé son propre «code de vie», le petit village de la Mauricie déchaîne les passions et fait s’entrechoquer les sentiments.
Le débat sur les accommodements raisonnables a atteint un nouveau sommet au Québec. À l’origine de cette tempête, un document rassemblant des normes rédigées et adoptées par les conseillers municipaux d’Hérouxville à l’intention des immigrants qui auraient le dessein de venir s’établir dans leur petit village de la Mauricie.
Sur le site Internet de la municipalité, qui a reçu depuis samedi 1900 courriels, des citoyens saluent très majoritairement cette démarche. «Espérons que votre initiative va réveiller nos élus au provincial et fédéral pour que cesse l’horreur de l’envahissement de nos valeurs traditionnelles. Ce ne sont pas leurs ancêtres qui se les ont gelées pour faire de cette terre l’un des derniers pays libres du monde», écrit Jean-Pierre Labbé.
«S’ils veulent s’établir ici, qu’ils fassent comme nous. Sinon, qu’ils reprennent le bateau en sens inverse, point à la ligne. Au Québec, on mange ce que l’on veut dans n’importe quelle cafétéria. S’ils veulent de la viande cachère, qu’ils se la fassent venir de chez eux», pense pour sa part Diane Frégeau
«Si les gens désirent abandonner leur pays, c’est parce qu’il ne leur convient plus. Alors, pourquoi vouloir changer le nôtre afin de le rendre pareil à ce qu’ils ont quitté», écrivent Robert Delorme et Francine Demers de Côteau-du-Lac.
D’autres citoyens, en revanche, désapprouvent la démarche des conseillers d’Hérouxville. «Vous tombez, selon moi, dans la grossière exagération et votre réaction est extrémiste, voire un peu puérile», écrit André Martel, de Québec.
À la suite de la parution d’articles samedi et hier, La Presse a aussi reçu plusieurs courriels passionnés. «Si le gouvernement de cette belle province mettait ses culottes, chaque immigrant se fondrait à la masse et à la culture québécoise», a rédigé Anouk.
«Le conseiller André Drouin dit les choses avec du gros bon sens. Il n’y a rien de raciste dans ses propos. Il dit simplement qui nous sommes. Et nous sommes chez nous ici», dit Christiane Masson.
Sur Cyberpresse, le blogue de notre collègue Patrick Lagacé, qui a qualifié la démarche des conseillers d’Hérouxville de «débilité déraisonnable», a été inondé de commentaires.
«Entièrement d’accord avec Hérouxville. Au moins c’est clair. Si quelqu’un veut y immigrer, c’est comme ça que ça marche, point final», dit Martin.
«De quoi avoir honte d’être québécois», pense de son côté Maxime. «Faut-il être épais pour accoucher d’un tel règlement qui va à l’encontre de la réalité québécoise», déplore Marcel Charland.
La réalité des régions
Cette controverse, qui a comme effet de susciter un débat enflammé, inquiète au plus haut point Marie McAndrew, titulaire de la chaire en relations ethniques de l’Université de Montréal. Selon elle, cette affaire démontre bien la différence de points de vue entre les citoyens des grands centres et ceux qui vivent en région.
«Ces gens se font une idée de la réalité pluriethnique qu’à travers les médias, dit-elle. Ils sont mal outillés car ils entendent parler d’un phénomène qu’ils ne peuvent expérimenter. Ils n’ont pas l’expérience que connaissent les gens des villes. Moi si j’étais musulmane, je dirais au gens d’Hérouxville : Je vais aller vous expliquer qui nous sommes avec d’autres femmes.»
La ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles, Mme Lise Thériault, a récemment déposé son plan d’immigration pour l’année 2007. On y apprend que le Québec prévoit accueillir en 2007 environ 48 000 immigrants. De ce nombre, une grande majorité choisira de s’établir à Montréal. Selon le recensement de 2001, 70% des personnes nées à l’étranger et vivant au Québec habitaient la grande région de Montréal.
Mme McAndrew trouve que le geste des conseillers d’Hérouxville, tout en étant louable à certains égards, manque cruellement d’assises. «Comment des conseillers municipaux peuvent-ils se lancer dans une telle entreprise sans se renseigner davantage sur le plan juridique et constitutionnel?» se demande-t-elle.
Marie McAndrew pense surtout que ce débat tombe au plus mal. «Il survient à la veille d’élections, dit-elle. Et ça c’est mauvais. Il y a un flou autour de la majorité civique et la majorité ethnique. Il faudrait que quelqu’un prenne le leadership pour expliquer cela à toutes les populations du Québec. Mais comme on est presque en période électorale, personne n’ose prendre ce risque.»


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