L'adoption de la Charte de la langue française en 1977 est un acte fondateur pour la nation québécoise. Il serait pertinent, comme l'exprime à juste titre Guy Rocher, d'y voir une «loi de la dignité québécoise». Il y a maintenant 45 ans, par l'entremise de leur Assemblée nationale, les Québécoises et les Québécois ont exprimé dans cette loi fondamentale leur volonté d'exister et de se développer collectivement dans leur langue, le français.
Les années qui ont suivi l'adoption de la Charte ont toutefois été marquées par son amputation progressive et systématique par les tribunaux canadiens.
Dès 1979, les juges de la Cour suprême invalident l’essentiel du chapitre de la loi 101 sur la législation et la justice et imposent un bilinguisme législatif et judiciaire.
Quelques années plus tard, en 1982, le Juge Deschênes de la Cour supérieure du Québec fait preuve d'un profond mépris en comparant la loi 101 aux kolkhozes de l’URSS; autrement dit, au totalitarisme et au communisme.
Deux ans plus tard, la Cour suprême du Canada confirme son jugement en accordant un passe-droit aux Canadiens et Canadiennes qui s'établissent au Québec, allant ainsi à l'encontre de la règle voulant que l'accès à l'école anglaise soit réservé aux anglophones du Québec.
En 1988, c'est au tour de l'affichage français d'être mis à mal.
Au nom d'une interprétation douteuse de la liberté d'expression, la plus haute cour de la fédération rouvre la porte à l'affichage bilingue, au détriment du visage français du Québec.
Enfin, le travail d'affaiblissement des clauses scolaires se poursuit dans les années 2000, alors que deux arrêts de la Cour suprême ouvrent davantage l’accès à l’école anglaise.
De sérieux reculs
Loin d'être sans conséquence, ces décisions judiciaires ont imposé de sérieux reculs à notre langue officielle en fragilisant, voire en déconstruisant, plusieurs des remparts prévus légitimement par les élus de la nation québécoise pour en assurer la pérennité.
Ces rebuffades sont d'autant plus révoltantes que le Québec est, et de loin, l'État fédéré au Canada qui traite le mieux sa minorité linguistique (anglophone, dans le cas présent), et ce, à tous les niveaux.
À la lumière de ces précédents, peut-on réellement s'étonner de la décision du juge Christian Immer, nommé par le gouvernement de Justin Trudeau, concernant le bilinguisme des juges?
En permettant à la Cour du Québec d’exiger systématiquement la maîtrise de l’anglais pour la sélection d’un candidat ou d’une candidate à la fonction de juge, il ne fait que perpétuer une attitude à laquelle les tribunaux nous ont habitués dans les dernières décennies.
Le tout, évidemment, dans un contexte où l’exigence du bilinguisme semble être pour la nomination des juges par Ottawa une responsabilité du gouvernement fédéral, pendant qu’au Québec, en raison de l’interprétation d’un règlement par le juge Christian Immer, les exigences linguistiques seraient sous le contrôle absolu des juges... nommés par Ottawa!
Hypocrisie
Double standard, mais une seule hypocrisie. Une fois de plus, les juges ont pris position sur une question politique et ils l'ont fait au détriment du français au Québec.
Le gouvernement du Québec, qui a fait de l’exemplarité de l’État un pilier de la promotion du français, dit analyser ses différentes options.
Dans les circonstances et dans le meilleur intérêt de notre nation, nous demandons à la députation québécoise, unie par une motion de l’Assemblée nationale portant sur la question du bilinguisme des juges, de ne pas abdiquer et de prendre tous les moyens nécessaires pour défendre, dans toutes les sphères de la société, notre seule langue officielle et commune, le français.