Joseph Facal en Catalogne: inquiétude, tristesse et frustration

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Référendum catalan : quelle sera la suite des choses dans une Espagne divisée ?





« J’ai bien peur que ça finisse mal, très mal... »


Mes parents ont une amie de longue date en Catalogne qui se souvient de moi quand j’étais adolescent. Imaginez !


C’est elle qui exprime son inquiétude avec la phrase du haut. Croyez-moi, elle est tout sauf radicale, mais là...


Elle me dit : « Citez-moi si vous voulez, mais anonymement. »


Colère


« Historiquement, dit-elle, les Catalans n’ont jamais été “séparatistes”, mais “nationalistes”. Fiers de leur langue, de leur culture et de leur société moderne et progressiste. En lutte depuis des siècles pour se faire reconnaître en Espagne. Depuis plus d’une dizaine d’années, ils attendent les négociations qu’on leur avait promises avec le gouvernement central de Madrid. »


« D’un côté, la Catalogne, qui n’en peut plus d’attendre que Madrid se mette à la table de négociations et qui, à cause de cela, devient une société de plus en plus radicale. De l’autre, un gouvernement central fermé pour la Catalogne. »


Je mets ici mon grain de sel avec un exemple concret.


Au Pays basque, le gouvernement régional collecte tous les impôts, puis envoie à Madrid sa part pour les services fournis par le gouvernement central.


Le gouvernement régional contrôle donc le robinet fiscal. Les Catalans voudraient la même chose. Refus net de Madrid.


Le propos de la dame rejoint ce que me disait la veille le professeur


Ferran Requejo : « Le système politi­que espagnol est une mauvaise copie du système français : encore plus centralisé, hiérarchique, top-down. C’est un système complètement inadapté à une société diversifiée, hétérogène et pluraliste. »


Constitution


Madrid se réfugie aussi derrière une lecture ultralégaliste de la Constitution espagnole, qui établit l’indivisibilité du territoire espagnol. Là-dessus, Mariano Rajoy dit vrai, mais il ne dit pas toute la vérité.


La dame remet les pendules à l’heure : « Cette constitution espagnole a été écrite rapidement après la mort du dictateur (Franco) pour pouvoir passer sans heurts à une démocratie. Considérée comme provisoire, on l’appelle souvent la “Constitution de la transition”. Il est entendu qu’elle peut et doit être réformée. »


« Malheureusement, le gouvernement au pouvoir entretient une vision passéiste de l’Espagne, encore “Una, Grande, Libre”. Même les Catalans modérés vont se radicaliser... alors que la majorité est pacifique et, en temps normal, voterait non à la séparation ! »


Puis, elle lâche une phrase terrible : « L’Espagne n’apprend rien de ses erreurs historiques ! »


Pour les personnes âgées, les événements actuels viennent remuer des souvenirs très profonds.


« Lorsque Franco a pris le pouvoir, la première chose que les phalangistes ont faite a été d’emprisonner tous les membres élus de la République espagnole, non seulement au gouvernement de la capitale et dans les gouvernements des provinces, mais aussi ceux des villes et des villages (les maires, échevins, etc.). Il semble que l’histoire des arrestations se répète. »


Évidemment, Franco les faisait souvent exécuter...


Partout


On aurait tort de croire que tout se passe à Barcelone. La dame âgée qui me parle est à Sant Cugat, une petite ville située à 20 km au nord-ouest de Barcelone.


« Des jeunes et moins jeunes ont installé des tentes pour dormir dans la rue à des endroits stratégiques. Très tôt, des tables de muffins, madeleines et beignets, avec du café et du lait, ont été installées dans les rues par des bénévoles. Ceux qui ont passé la nuit dehors et d’autres pouvaient se servir. (...). Des personnes enveloppées dans le drapeau catalan chantent l’hymne des “Segadors” et scandent “Votarem” ».


Elle entend des jeunes chantant L’estaca, une chanson antifranquiste de Lluis Llach, sortie en 1970. Interdite lors des spectacles de Llach, lui et ses musiciens jouaient la musique et les spectateurs ajoutaient les paroles.


Le référendum aura-t-il lieu le 1er octobre ?


Elle répond : « La situation est telle que, présentement, le référendum n’a plus vraiment d’importance.


« Par leur attitude à courte vue, Madrid et “les vieux partis” au pouvoir ont ouvert une boîte de Pandore. Un effet de boomerang va frapper. J’ai la sensation de vivre un moment historique et je crois bien qu’après le 1er octobre l’Espagne ne sera plus la même. »