Jean-Pierre Chevènement : «Nous sommes l’un des pays fondateurs de l’Europe et même le pays fondateur par excellence. Cela nous donne un devoir de responsabilité pour la suite»

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J.-P. Chevènement, l'un des pères du souverainisme français et un homme de gauche, commente le Brexit

La répartition du vote montre que les populations jeunes et urbaines étaient plus favorables à un maintien dans l’Union européenne. Le résultat des urnes peut-il s’expliquer par la division de la société entre d’une part ceux qui bénéficient de la mondialisation et ceux qui en sont, que cela soit perçu ou réel, les victimes ? Et comment analysez-vous cette fracture générationnelle ?


Il y a d’abord une fracture sociale. Il suffit de regarder la carte de l’Angleterre. La City, Oxford, Cambridge d’un côté ; le reste du territoire de l’autre. La fracture générationnelle se résorbe avec le temps.

Ce qui est en question, c’est en effet la globalisation. Un processus qui n’a d’autre fin que lui-même et qui oublie l’humain.


L’Europe aura tenu plusieurs décennies sans projet politique rassembleur, malgré plusieurs coups de semonce comme le résultat du référendum de 2005. Voyez-vous des similitudes avec la France et l’absence de vision de la part de ses élites nationales ?


Je ne suis pas d’accord avec vous. L’Europe a eu un projet, mais purement économiciste… Marché unique, monnaie unique. Il n’y a jamais eu de vision stratégique. Nos élites portent une lourde responsabilité dans le déni de démocratie qu’a été le Traité de Lisbonne en 2008, traité qui reprenait le texte du projet constitutionnel rejeté en 2005 à 55%. Chacun sait que le traité de Lisbonne n’a pu être adopté par le Congrès que par la connivence du PS et de l’UMP. On pourrait dire la même chose du traité budgétaire européen de 2012 négocié par Nicolas Sarkozy et signé par François Hollande sans avoir été renégocié.


Dans un contexte de fortes pressions migratoires et de terrorisme, et selon plusieurs sources, François Hollande aurait le projet de raviver l’Union européenne par la relance d’une défense commune entre les pays membres. En tant qu’ancien ministre de la Défense, qu’est-il possible d’envisager concrètement, alors que l’Union européenne a largement délégué sa défense aux Etats-Unis et à l’OTAN ?


Le Traité de Lisbonne répond à votre question. La défense des pays européens membres de l’OTAN est élaborée et mise en œuvre dans le cadre de cette alliance. La défense européenne ? Pipeau ! Bien sûr, à l’avenir, quand il y aura une volonté de défense de l’Europe en tant que telle, notamment en Allemagne, on pourra en reparler.



En France, le gouvernement est empêtré dans les négociations sur le projet de loi El Khomri. Partagez-vous le procès en démocratie fait à François Hollande, notamment sur l’utilisation du 49-3 ?


L’erreur du gouvernement a été de laisser entendre dès le départ qu’il allait utiliser le 49-3 pour faire passer la loi El Khomri avant tout débat au Parlement. La suite était écrite.


De même, les manifestations ont donné lieu à de nombreuses violences de la part de militants d’extrême-gauche. Cette semaine, le directeur de la DGSI exprimait sa crainte d’une "guerre civile", pointant du doigt la montée "des extrémismes". La réponse de l’Etat a-t-elle été selon vous à la hauteur des différentes fractures de la société, qu’elles soient d’ordre confessionnelles, sociales ou idéologiques ?


Le peuple français a répondu avec sang froid jusqu’à présent aux attentats et à toutes les provocations à la surenchère, d’où qu’elles viennent. C’est à son honneur. Bien sûr, il y a des risques d’escalade, mais il ne faut pas y céder. J’ai lu dans La Revue des deux mondes une excellente interview de Bernard Cazeneuve qui faisait appel à l’esprit de responsabilité de chacun. Le peuple français a un fond républicain solide. Il comprend spontanément qu’il ne doit pas faire le jeu des extrémismes s’il veut éviter les risques d’une guerre civile dont l’heure, heureusement, n’est pas encore arrivée. J’ai confiance dans le patriotisme républicain et dans la résilience du peuple français.


Les pouvoirs publics n'ont-ils pas également une réponse à formuler à ceux qui tiennent des propos anti-républicains, que ce soit chez les partisans d'un islam fondamentaliste, ou ceux qui appellent à un conflit social ou confessionnel ouvert ?


Il faut employer des mots précis pour désigner des maux bien réels. Les casseurs, par exemple, doivent être mis hors d’état de nuire. Quant à l’islam, il doit comprendre ce que la laïcité implique. Celle-ci n’est pas tournée contre la religion mais elle signifie que chacun dans l’espace public fasse un effort pour donner à ses opinions une forme rationnelle et argumentée.


Il faut éviter les affirmations identitaires qui pourraient être ressenties comme agressives par nos concitoyens.


Qui, parmi les candidats probables à la présidentielle de 2017, vous paraît le plus capable de résoudre les fractures de la société française ?


La campagne, pour le moment, n’est pas encore ouverte. Il y a un président de la République qui est en fonction. Il doit pouvoir aller au terme de son mandat. A ma connaissance, à ce jour, il n’est pas candidat. Ni à l’élection, ni même à la primaire.



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