Jean-Marc Léger - Visionnaire et bâtisseur de la francophonie

2011 - nos disparus

Michel Guillou et Michel Gervais - Présidents d'honneur de l'AUPELF - Antoine Robitaille a, dans ces colonnes, rappelé l'œuvre «colossale» de Jean-Marc Léger au service de l'idée francophone, et tout particulièrement de la construction de la francophonie multilatérale des États et gouvernements. Indépendantiste pour son pays, formidable lanceur et «concrétisateur» d'idées au service d'un engagement clair, solide en faveur de la langue française et de la solidarité francophone, il n'a jamais cessé d'agir en ce sens.
Aux côtés des Senghor, Bourguiba, Diori et Sihanouk qui, au niveau des chefs d'État, mènent combat, au coeur du foisonnement associatif pré- et post-indépendances africaines qui porte en lui le rassemblement francophone, il milite, dès 1953, pour cette construction et lance l'Union culturelle française. C'était, comme il l'écrit dans Le Temps dissipé (Hurtubise), «la francophonie avant la lettre».
Mais si la naissance de la francophonie politique, celle des États, sera d'un accouchement difficile et lent qui ne s'achèvera qu'en 2006 au Sommet de Bucarest, il y a un champ d'action où tout ira très vite du fait de Jean-Marc Léger: c'est celui de l'université.
Cette partie de son oeuvre est essentielle par son importance, car Jean-Marc Léger est indiscutablement à l'origine de la francophonie universitaire. De plus, elle caractérise parfaitement l'homme dans sa double dimension de visionnaire et de bâtisseur. C'est ainsi qu'il crée, le 13 septembre 1961 à Montréal, avec André Bachand, compagnon de toujours, alors directeur des relations extérieures de l'Université de Montréal, l'Association des universités partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF), devenue en 1998 l'Agence universitaire de la Francophonie, aujourd'hui le plus grand réseau universitaire au monde.
Trente-cinq universités manifestent à Montréal leur volonté d'établir des relations étroites en matière de coopération et d'échanges entre universités francophones. Pour ce faire, Jean-Marc Léger a su obtenir le soutien de Mgr Irénée Lussier, recteur de l'Université de Montréal, du Français Robert Mallet et du Marocain Mohammed El Fasi. Il sera le premier secrétaire général de l'AUPELF jusqu'à son départ à Bruxelles en 1978 comme délégué général du Québec.
La réussite est rapide. L'AUPELF voit le nombre de ses membres augmenter sans cesse. Ce succès, elle le doit à l'énergie déployée par ses fondateurs qui mettent en place un projet innovant, mobilisateur et cohérent. Pendant ces années, Jean-Marc Léger va littéralement inventer la coopération universitaire en langue française. Dès sa création, l'AUPELF prend le virage de l'interculturalité en introduisant l'adverbe «partiellement», qui lui a permis d'accueillir des universités non exclusivement francophones. Jean-Marc Léger veille à ce que, forte de sa diversité, l'association s'attache à mettre en oeuvre le principe du dialogue des cultures.
Avec lui, elle se veut non seulement un lieu de rencontre et d'échanges entre responsables universitaires, mais aussi une structure opérationnelle, utile à ses membres. Elle crée en 1967 le Fonds international de coopération universitaire où se retrouvent bailleurs de fonds publics et privés et qui préfigure le mandat actuel de l'Agence universitaire de la francophonie comme opérateur des Sommets francophones.
Très vite, Jean-Marc Léger régionalise et délocalise l'AUPELF en ouvrant un bureau à Paris en 1965 et à Dakar en 1974. Il crée la première Conférence francophone régionale de recteurs, celle d'Afrique, et invente la coopération Sud-Sud en finançant les mobilités interuniversitaires des enseignants des universités africaines. S'ouvrant progressivement à tous les établissements universitaires, l'AUPELF amorce, par ailleurs, un rapprochement avec les différents départements d'études françaises sous l'impulsion de Michel Tétu. (...) «Son AUPELF» est forte aujourd'hui de 9 bureaux régionaux, de 66 implantations à travers le monde francophone et de plus de 750 établissements membres.
La francophonie universitaire vient de perdre le plus éminent de ses bâtisseurs.
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Michel Guillou et Michel Gervais - Présidents d'honneur de l'AUPELF


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