Israël : Netanyahu perd la main, des élections en septembre

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Malgré de nouvelles élections en septembre, Netanyahu devrait être réélu

Le magicien "Bibi" a perdu la main. Sur le papier, celui qui s'était forgé ce surnom après cinq victoires électorales dont la dernière en date remonte à peine au mois de mars avait toutes les cartes en mains pour rester au pouvoir. Benjamin Netanyahu pensait avoir dans sa poche Avigdor Lieberman, le chef d'un petit parti ultra-nationaliste avec ses modestes troupes de cinq députés sur 120. Mais à la surprise générale, celui-ci lui a fait faux bond. Résultat : Benjamin Netanyahu a été incapable de constituer une majorité et de former un gouvernement dans les délais impartis par la loi. Pour la première fois, la Knesset à peine élue a inauguré la législature en votant une loi sur sa propre dissolution. Les prochaines législatives auront lieu le 17 septembre. Bref, un coup pour rien et tout est à recommencer. Difficile de comprendre comment un as de la politique israélienne a pu à ce point rater son tour de manipulation.


Avigdor Lieberman est présenté par le Likoud, le parti de Benjamin Netanyahu, comme le "traître" à la droite et le grand coupable de ce fiasco. Il est accusé d'avoir voulu se venger en refusant tout compromis sur le dossier Ô combien épineux du service militaire des "haredim", les ultra-orthodoxes juifs, qui en sont exemptés. Avigdor Lieberman a endossé cette fois sérieusement les habits de champion de la laïcité en accusant Benjamin Netanyahu de coupable faiblesse vis-à-vis des partis religieux dont le Likoud ne veut pas se passer pour former une majorité. Le Premier ministre sortant pensait qu'il s'agissait d'un simple bluff.


Pour comprendre cette erreur, il faut remonter à l'an dernier lorsque la Knesset a adopté en première lecture un projet de loi prévoyant de fixer des quotas annuels de jeunes ultra-orthodoxes qui devront effectuer un service militaire de près de trois ans comme les laïcs. Mais petit problème : les rabbins ont mis leur veto, si bien que le texte soutenu par Avigdor Lieberman est resté en carafe. La plupart des rabbins refusent que leurs ouailles endossent l'uniforme en expliquant que les jeunes qui étudient la Thora dans les Yechivot, les séminaires talmudiques, défendent mieux Israël que les soldats. Autre argument : une armée qui pratique la mixité avec des jeunes filles en uniforme risquerait de "pervertir" les ultra-orthodoxes habitués à vivre strictement séparés des femmes. De plus, le projet de loi prévoit des sanctions financières sous forme de coupes dans le budget des Yechivot qui ne respecteraient leur quota de mobilisables, ce qui a provoqué l'ire des rabbins.


Pour Avigdor Lieberman, ce texte devait permettre de mettre progressivement fin à la discrimination dont sont victimes les laïcs, seuls a supporter le "fardeau" de la sécurité du pays. L'armée elle-même est intervenue en publiant des statistiques selon lesquelles, dans un pays qui cultive l'image d'un peuple "en armes", seuls 72% des jeunes remplissent leur devoir militaire et ce pourcentage, sur la lancée actuelle, va tomber a 60% d'ici une décennie. Le poids démographique des ultra-orthodoxes ne cesse en effet de croître avec leurs familles beaucoup plus prolifiques que celles des laïcs. "A terme, cela risque de nous poser de gros problèmes d'effectifs", a expliqué un officier cité par la radio de l'armée.


Avigdor Lieberman a également agité le spectre d'une "haredisation" de la société israélienne, autrement dit d'un pays qui s'acheminerait vers un État entièrement régi par des lois religieuses. Jusqu'à présent au nom du "réalisme", Avigdor Lieberman a longtemps accepté en échange de portefeuilles aussi prestigieux que la Défense ou les Affaires étrangères de transiger. Mais à la fin de l'an dernier, il a démissionné. Une décision que les lecteurs recrutés en grande partie parmi les immigrants russophones et leurs descendants (Avigdor Lieberman est lui-même originaire de Moldavie et parle hébreu avec un très fort accent russe) ont jugé trop tardive, si bien que son parti, Israel Beitenou, a perdu près de la moitié de ses députés en mars.


Il en a tiré les leçons, ce qui explique sans doute son intransigeance, qui a surpris tous les commentateurs qui s'attendaient à d’habituels marchandages qui auraient dû aboutir à une coalition la plus à droite que le pays ait connue. Ce scénario a complétement déraillé. Les Israéliens vont devoir de nouveau aller aux urnes. Mais il n'est pas du tout certain que la prochaine équation politique sera plus facile à résoudre.


Selon des sondages Benjamin Netanyahu devrait l'emporter mais le parti d'Avigdor Lieberman devrait lui aussi progresser. En attendant, cette crise politique aura eu au moins l'avantage de reporter un projet de loi cousu sur mesure qui devait assurer une immunité à Benjamin Netanyahu, impliqué dans plusieurs affaires de corruption présumée pour lesquelles il est sous le coup de trois inculpations. Maigre consolation pour l'opposition centriste qui ne parvient toujours pas à trouver une recette "anti-Bibi" efficace.