Les Européens éprouvent un sentiment d'impuissance face à la volonté de Donald Trump de renverser le régime au pouvoir à Téhéran, car ils n'ont aucune influence sur le président américain et sont jugés peu crédibles à Téhéran en raison de leur incapacité de compenser les conséquences des sanctions américaines sur l'économie iranienne.
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Les chances de sauver l'accord sur le nucléaire conclu en 2015 avec Téhéran sont «de plus en plus faibles», ont confié plusieurs responsables européens.
«Nous n'avons aucune discussion possible avec l'administration américaine sur l'Iran, sur le climat, sur le projet de gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l'Allemagne, parce que le président Trump refuse de changer de position», a déploré l'un d'eux après une passe d'armes à Bruxelles entre le commissaire à l'Énergie Miguel Arias Canete et le secrétaire à l'Énergie américain Rick Perry.
Le seul espoir de sauver le Plan d'action global commun (JCPOA) est de convaincre les Iraniens de continuer à respecter leurs engagements.
«Pour le moment les annonces iraniennes ne sont pas une violation ou une sortie de l'accord nucléaire», soutient un haut responsable européen. Mais «la situation est extrêmement préoccupante».
L'Iran a en effet manifesté son intention de ne plus respecter «aucune limite» à ses activités d'enrichissement d'uranium (alors que pour l'instant il n'enrichit pas ce minerai à plus de 3,67%) si dans soixante jours les Européens, la Russie et la Chine, ses partenaires dans l'accord, n'ont pas trouvé une solution pour permettre à l'Iran de surmonter les conséquences économiques des sanctions imposées par les États-Unis.
«L'AIEA dira fin mai dans son rapport si l'Iran continue de respecter ses engagements ou s'il les viole», a expliqué le responsable européen.
«On n'impose pas des sanctions sur la base d'annonces, mais les Iraniens savent parfaitement ce qu'ils risquent s'ils franchissent la ligne», a-t-il souligné.
Il y a encore de la marge pour les Européens. L'Iran a actuellement 124 tonnes métriques d'eau lourde quand la limite acceptée par le JCPOA est de 130 tonnes et son stock d'uranium enrichi est de 163,8 kg pour 202,8 kg autorisés, selon les données de l'AIEA.
Compréhension et agacement
L'Union européenne a qualifié l'ultimatum adressé par le président iranien de mauvaise méthode de négociation, mais Hassan «Rohani est dans une situation très difficile pour des raisons économiques», a expliqué un de ses représentants à Bruxelles.
Le président iranien doit montrer aux durs du régime, partisans de la sortie du JCPOA, qu'il est écouté par les Européens et, pour cette raison, il doit adopter un ton ferme, analyse-t-il.
Il a été déçu par l'absence de réaction des Européens au refus du gouvernement Trump de reconduire les exemptions accordées à certains pays pour leurs achats de brut iranien afin de tarir cette source de revenus.
Les exportations iraniennes sont tombées de 1,5 millions de barils/jour à 700 000, ce qui est «insuffisant pour permettre au pays de maintenir une économie viable», reconnaît-on de source européenne.
Mais l'Europe achetait peu de pétrole iranien : neuf milliards de dollars en 2017, selon les données de la Commission européenne. L'énergie représentait toutefois l'essentiel des 10 milliards d'importations européennes. L'Iran pour sa part a acheté pour 10 milliards de dollars de biens à l'Union européenne.
«L'Union européenne ne s'est pas engagée à compenser les effets économiques des décisions américaines», soutiennent ses représentants à Bruxelles. «Pour les revenus pétrolier, Téhéran doit s'adresser à la Chine et à l'Inde, ses deux principaux acheteurs», expliquent-ils.
Un agacement certain pointe face aux critiques de Téhéran. Les Européens ont adopté la législation pour mettre en oeuvre l'Instex, un mécanisme créé par la France, l'Allemagne et le Royaume Uni pour favoriser les échanges commerciaux avec l'Iran sans utiliser le dollar et ainsi contourner les sanctions américaines.
L'Iran déplore qu'il n'ait encore permis aucune transaction. «L'Iran doit finaliser la mise en oeuvre de son entité miroir», rétorquent les Européens.
Une réunion mardi à Bruxelles «a permis d'avancer», mais le mécanisme n'est pas encore opérationnel car «les Iraniens n'ont pas fini leur travail», s'est agacé un responsable européen.