Hier soir, Carles Puigdemont, le président de la Catalogne, a annoncé devant son Parlement qu’à la suite des résultats du récent référendum, il proclamerait l’indépendance de son pays.
On devine l’émotion de ceux qui militent pour cette cause et pour tous ces Catalans qui se demandent pourquoi leur pays ne serait pas souverain comme tant d’autres le sont.
Il faut toutefois demeurer lucide. C’était peut-être un moment historique. C’était surtout une déclaration stratégique et symbolique, tout à la fois. L’indépendance, mais pas maintenant.
Puigdemont sait que s’il proclame l’indépendance d’un coup, il s’isolera terriblement. Il veut donc susciter des négociations. Quand on n’a pas la force avec soi, on essaye d’avoir l’avantage moral.
En gros, il veut forcer l’Espagne à négocier. On ne sait pas ce qui sortirait de ces négociations. Peut-être davantage d’autonomie pour la Catalogne ? Si l’Espagne ne négocie pas, il agira probablement unilatéralement. Le chemin vers l’indépendance n’est jamais simple.
Catalogne
Nous entendrons dans les prochains jours les nations indépendantes expliquer aux nations qui ne le sont pas encore que l’indépendance ne vaut pas le coup. Les Québécois connaissent la chanson.
Mais redisons-le, il faut éviter de plaquer sur la situation catalane une grille de lecture qui ne lui convient pas. La Catalogne n’est pas le Québec. Toutes les questions nationales ne sont pas interchangeables.
Ce n’est pas parce qu’on est favorable à l’indépendance du Québec qu’on doit être systématiquement en faveur de celle de la Catalogne, de l’Écosse, ou de n’importe quel territoire aspirant à la souveraineté.
L’Espagne n’est pas comme le Canada un État artificiel construit à la manière d’une fédération broche à foin. C’est un vrai pays et on constate qu’il est prêt à tout pour conserver son unité, même à utiliser la force de manière décomplexée.
Les Catalans risquent de tout perdre en se jetant dans le vide sans filet. En fait, ils pensaient en avoir un : l’Union européenne. Ils s’imaginaient que cette dernière forcerait Madrid à négocier avec Barcelone.
Ce n’est manifestement pas ce qui arrive pour l’instant. Elle s’en lave les mains. Mais ce n’est pas surprenant. Le réflexe le plus fort, c’est celui de l’ordre établi. On redoute une épidémie de séparatismes. En sera-t-il de même dans les prochains jours ?
Cela en pousse plusieurs à déverser leur mépris sur la Catalogne, en réduisant ses aspirations à une pulsion archaïque presque raciste.
Conflit
La meilleure manière de nier le droit à l’autodétermination d’une nation, c’est encore de prétendre que ce n’est pas une nation. On lui prête au mieux une identité régionale plutôt folklorique.
Certains ajoutent que les Catalans ne sont pas vraiment opprimés. Mais doit-on pour autant réserver l’indépendance aux peuples écrasés par un occupant sans pitié ? Faut-il avoir une botte sur la joue pour avoir le droit d’accéder au concert des nations ?
Nous sommes devant un conflit de légitimité entre un État souverain qui veut conserver son unité à tout prix et une nation qui veut être reconnue à part entière et qui croit que son heure historique est enfin arrivée.