Libéralisation des armes à feu

Ils sont fous ces Américains !

Des leçons à tirer pour la Constitution d'un Québec indépendant

Chronique de Richard Le Hir


La Cour suprême des États-Unis a rendu aujourd'hui une décision qui vient encore consolider l'emprise du lobby des armes à feu sur la vie politique américaine. En effet, dans un vote partagé de 5 à 4, la Cour a tranché que le 2e amendement à la Constitution qui reconnaît aux Américains « the right to keep and bear arms », soit d'avoir en leur possession des armes à feu et de les porter sur eux dans le but de se défendre, devait être respecté non seulement par le gouvernement fédéral mais également par les États et leurs créatures les municipalités, en l'occurrence Chicago, qui avait banni les armes à feu sur son territoire.
Sur le plan juridique, la décision se défend parfaitement. La Constitution s'applique à tous les paliers de gouvernement, c'est une évidence. Sur le plan sociologique et politique, c'est une catastrophe.
La propension des Américains à faire usage de leurs armes n'est plus à démontrer, non plus que les ravages que cause chaque année leur fascination morbide pour les armes à feu. La vraie mauvaise nouvelle, c'est le signal de légitimation envoyé par cette décision, tant de l'usage des armes à feu que du caractère absolu de la liberté d'en faire usage.
Par crainte d'aborder de front le puissant lobby des armes, les législateurs américains n'ont jamais osé poser le geste nécessaire d'abroger le 2e amendement pour cause de désuétude. Si cet amendement pouvait se justifier en 1791 au moment de son adoption, cela fait déjà un bon moment qu'il a perdu toute raison d'être pour cause de non conformité aux exigences de la vie en société dans un monde moderne.
Au fil des années, la Constitution américaine a été modifiée à vingt-sept reprises. Un seul de ses amendements a été abrogé, celui qui mettait fin à la prohibition des boissons alcoolisées (1919 à 1933). Il existe donc un précédent pour l'abrogation, mais, sur le plan politique, le recours à cette mesure exigerait soit des circonstances exceptionnelles telles qu'un drame ayant des proportions jusqu'ici jamais atteintes qui ébranlerait profondément l'opinion publique, soit une poussée de courage quasi suicidaire de la part des législateurs, soit une évolution des moeurs que rien à l'heure actuelle ne laisse présager.
En attendant, le lobby des armes à feu continuera à exercer son emprise en l'élargissant, ce qui, vu sa nature franchement réactionnaire voire même fascisante, n'a rien pour nous assurer sur l'état de santé de la démocratie américaine.
Il y a tout de même pour nous une leçon à tirer de l'expérience constitutionnelle américaine et de notre propre expérience avec les chartes des droits. La constitutionnalisation des droits leur confère un caractère absolu qui finit par handicaper le bon fonctionnement et l'épanouissement de la société. Il faut réintroduire une mesure d'équilibre pour responsabiliser l'individu dans l'exercice de ses droits et empêcher que finisse par s'imposer une dictature de la minorité, tout aussi condamnable qu'une dictature de la majorité. Et qu'on ne vienne surtout pas me dire que c'est le but visé par la recherche d'accommodements raisonnables.
Voilà un beau défi pour ceux qui auront à plancher sur le texte de la Constitution d'un Québec indépendant.
Auteur : Richard Le Hir


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