Sébastien Bilodeau, Génération nationale

Illusion et fuite chez les souverainistes

L’Action Nationale, octobre 2014-11-20

Tribune libre

Un autre penseur jeune, qui mérite d’être mis en lumière. Il développe rapidement un débat qui anime depuis le 7 avril les milieux militants du souverainisme : la valorisation de l’indépendance. Les deux camps du débat seraient les « étapistes » et les « puristes ». Outre le bien-fondé des deux stratégies, il développe plutôt une faiblesse qui habite ces deux clans.

Selon lui, les deux clans s’entendent sur un élément central : la lutte pour l’indépendance n’est qu’une histoire de prise de parole : parler de souveraineté. Pour les étapistes, parler de souveraineté plus tard; les puristes, parler maintenant. Ainsi, pour le mouvement souverainiste, choisir les bons mots et le bon moment pour défendre la souveraineté seraient les seules questions importantes. L’illusion serait que ces attitudes rallieront automatiquement une majorité de citoyens et gagneront automatiquement la lutte. C’est nier qu’une multitude de citoyens et groupes s’opposent à l’indépendance comme par une vaccination contre un argumentaire souverainiste (ignorance, préjugés, intérêts égoïstes ou idéologies).

On nie la réalité qui caractérise tout enjeu politique : la dualité ami-ennemi. Selon un penseur cité, Julien Freund, le politique existe parce que des groupes d’individus sont animés par des intérêts fort divergents, n’en déplaise aux « inclusifs »… Ainsi, la Confédération canadienne, qui nous oppose, n’est pas mise en parole, elle est imposée à la population, preuve à l’appui, les multiples actes d’intimidation de la GRC. En s’obstinant à croire à une souveraineté qui n’a qu’à être bien dite, les souverainistes refusent ce qu’engage effectivement le politique.

Exemples : Marois refusant de débattre en anglais sous prétexte d’une pauvre maîtrise, elle rate une occasion idéale de marteler que ses opposants méprisent le fait français. Aussi, les deux derniers gouvernements péquistes ne livrèrent une défense que très timide et discrète de la question nationale, défense qui vira en retraite désordonnée dès que se présenta l’habituel épouvantail référendaire libéral.

Bilodeau effleure aussi les ON et Solidaires pour affirmer que les souverainistes de toute allégeance refusent le combat politique, laissant ainsi le champ libre à leurs adversaires. Ce refus implicite du combat politique réel est l’une des principales faiblesses du souverainisme. Selon sa référence Schmitt, les peuples qui adoptent une attitude pacifiste face aux conflits politiques ne sont pas épargnés. Pris pour cibles par des forces plus belliqueuses.

L’auteur conclut ainsi : « Pour redevenir une force politique, l’indépendantisme doit creuser ses racines dans l’essence du politique : réaliser qu’il a des ennemis et ne pas hésiter à les traiter comme il se doit. Comme des adversaires à vaincre.
À tout prix. »

Imaginons-nous PKP affronter l’ennemi dans l’armure actuelle du PQ non renouvelé, la risée générale?

Squared

Ouhgo (Hugues) St-Pierre196 articles

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Fier fils de bûcheron exploité. Professeur retraité d'université. Compétences en enseignement par groupes restreints, groupes de réflexion, solution de problèmes. Formation en Anglais (Ouest canadien), Espagnol (Qc, Mexique, Espagne, Cuba), Bénévolat latinos nouveaux arrivés. Exploration physique de la francophonie en Amérique : Fransaskois, Acadiens, Franco-Américains de N.-Angl., Cajuns Louisiane à BatonRouge. Échanges professoraux avec la France. Plusieurs décennies de vie de réflexion sur la lutte des peuples opprimés.





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2 commentaires

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    22 novembre 2014

    M. Haché,
    Tout comme Sébastien Bilodeau, vous le dites souvent, les ennemis doivent être nommés, et affrontés: le West-Island... et les allophones qui s'y joignent comme on se joint à une "majorité". Ils n'ont pas immigré au Canada pour se coller à un groupuscule de résistants... Car elle vient de là, notre difficulté à s'affirmer comme nation forte: non seulement on ne nous a jamais vus comme peuple fondateur égalitaire mais ce qui est dit de nous, c'est un peuple vaincu et en perpétuelle récidive de revendication.
    L'ennemi ne s'est même jamais caché pour tenter de nous nuire. La dernière vidéo de J.-J. Nantel le démontre à profusion: les lois mêmes du Canada mettant entre les mains du fédéral tous les grands transports de façon à nous empêcher de jouir de notre position centrale pour collecter des droits de passage comme le font tous les pays du monde. En plus des voies de contournement du port de Montréal au profit de celui de Halifax, les droits maritimes versés par les passeurs vont à Ottawa et nos propres taxes fédérales ne sont pas comptabilisées dans la construction des ponts au-dessus des bateaux...
    Tout chef indépendantiste devrait faire ressortir cette animosité de l'ennemi au lieu "d'éviter la chicane", comme le répètent les Canadians, utilisant notre côté conciliant de minoritaires et endormant cette lucidité qui nous ferait réclamer justice. Ce sont justement toutes ces injustices que devrait mettre au jour un nouveau chef indépendantiste pour se gagner le respect du peuple au lieu de se cacher encore derrière un masque de "bon gars".
    Les Canadiens-français, parce que Canadiens, ont habitué le ROC aux sourires des grands rassemblements politiques "from coast to coast" et s'ils manifestaient des insatisfactions, ils étaient vite catalogués comme racistes, repliés, traîtres... Minoritaires, ils n'ont jamais pu se défendre de ce mépris colonisateur. Or, les Québécois éduqués ont perdu ce complexe. Ils savent maintenant que l'ennemi les tient dans la réserve parce que libres, ils tireraient richesse de leur position géographique centrale, en plus des ressources naturelles dont ils jouiraient de la maîtrise d'oeuvre.
    Le prochain chef indépendantiste doit s'adjoindre les Québécois férus de la science géopolitique et rebâtir tout cet argumentaire de peureux qu'on s'apprête encore à nous servir, dans les vieilles habitudes de losers de la politique provinciale.

  • Marcel Haché Répondre

    21 novembre 2014

    Prendre le pouvoir à Québec pour parler éventuellement d’Indépendance, c’est une avenue bien différente de cette autre voie qui consiste à parler d’indépendance et ne jamais prendre le pouvoir à Québec.
    Les indépendantistes seront bien plus redoutables lorsqu’ils renonceront au Grand Soir. Pas facile, j’en conviens. Grosse job de conversion, certes, mais c’est le prix à payer pour que nous cessions d’être les losers de la politique provinciale. Eh oui, eh oui hélas, c’est bien malgré eux que les indépendantistes ont été les idiots utiles de la politique provinciale des canadiens-français.
    Ce sont les canadiens-français parmi Nous qui ont cru et qui croient encore qu’ils sont un des « deux peuples fondateurs ». Les indépendantistes qui croient à cette sornette s’attachent les mains dans le dos. Et ceux parmi nous qui croient encore au Grand Soir ne s’imagine pas qu’ils portent une camisole de force.