(Québec) Yves Michaud a perdu sa bataille devant les tribunaux et n'a pas eu gain de cause à l'Assemblée nationale, mais il a gagné la guerre aux yeux de l'histoire.
Cela fait 10 ans, aujourd'hui, que l'ancien député a fait l'objet d'une motion de blâme sans précédent de l'Assemblée nationale, pour des commentaires présumés antisémites.
Le 14 décembre 2000, cette motion, appuyée par Jean Charest et par le premier ministre Lucien Bouchard, a été adoptée à 109 voix contre 0, sans même que les députés ne prennent connaissance des propos reprochés à Michaud. Et sans que l'intimé n'ait eu une chance de s'expliquer. «Audi alteram partem», répétait pourtant Bernard Landry en 2003, lorsque Jacques Parizeau a été accusé d'avoir tenu des propos méprisants à l'endroit du vote ethnique... «Il faut entendre la version de l'autre»
Michaud n'a pas eu ce privilège. Il a porté sa cause jusqu'en Cour suprême, qui a refusé de l'entendre. Il a fallu la publication de L'affaire Michaud, cet automne, sous la plume de l'historien Gaston Deschênes, pour jeter un éclairage plus complet sur cet épisode.
Robin des banques
Yves Michaud n'inspire pas la pitié. Il n'est pas tendre dans ses batailles politiques. Parlez-en à Sylvain Simard, qu'il a déjà qualifié «d'olibrius», une injure tirée du nom d'un empereur romain incapable et fanfaron. Sa croisade contre les pratiques des institutions bancaires lui a mérité le surnom de «Robin des banques».
Mais le livre de Deschênes établit clairement qu'on lui a imputé des propos qu'il n'a pas tenus et qu'on l'a jugé sans vérifier la véracité des accusations portées contre lui.
Sa victoire face à l'histoire constitue une leçon pour les parlementaires. Mais elle prend une plus grande importante encore dans le contexte du climat malsain qui prédomine depuis un an en politique québécoise. Le risque est bien réel, dans un tel contexte, de lyncher des gens sans raison sur la place publique.
On en a eu un bel exemple, hier, à la lecture d'une [«Lettre à Patrick Bourgeois»->33414] publiée dans Le Devoir.
L'auteur, Michel Trudeau, le conjoint de Fabienne Larouche, fait partie des donateurs au Parti libéral dont les identités et les adresses personnelles ont été publiées par le Réseau de résistance du Québécois (RRQ) dirigé par Bourgeois. Ces donateurs ont reçu une lettre d'avertissement du RRQ, avec en filigrane l'image du patriote utilisée dans les messages du FLQ.
La contribution de Trudeau s'y trouve ainsi associée à la générosité douteuse ou intéressée des entreprises qui utilisaient des prête-noms pour contourner la Loi sur le financement des partis. Or, l'auteur raconte que son don était un appui à Line Beauchamp, qu'il apprécie beaucoup, et qu'il appuie également Pierre Curzi, pour les mêmes raisons. Il a été membre du Parti québécois pendant plusieurs années. «Outre la violation de ma vie privée, me qualifier de "grand argentier libéral" publiquement est diffamatoire», conclut-il.
Tout comme Yves Michaud, Trudeau a été jugé sans procès, sur la foi d'informations incomplètes. C'est le genre de «lynchage» public que dénonçait également Luc Beauregard, le fondateur de National, hier dans une lettre à La Presse. Quelques jours à peine après la publication d'un discours sympathique à Jean Charest, Beauregard a vu sa compagnie prise à partie par le PQ à l'Assemblée nationale. Coïncidence? Peut-être. Mais dans une société qui chérit la liberté, les cas Michaud, Trudeau et Beauregard sont autant de rappels que les jugements hâtifs sont dangereux et peuvent porter atteinte non seulement à des réputations, mais également à nos droits fondamentaux.
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