« Ici, au Canada et au Québec, on prône le multiculturalisme… »

«On comprend que la défense du multiculturalisme fait partie du mandat de Radio-Canada... mais pas au prix de l'exactitude des faits.»


Le premier ministre français Manuel Valls est en visite au Canada (et accessoirement au Québec – mais ce sera pour une autre fois) et l’essentiel de son propos ici est d’appuyer l’Accord économique et commercial global (AECG). Pour s’assurer de donner impression que cette entente commerciale jouit d’un large appui ici, les PM Valls, Trudeau et Couillard ont prêché devant des convertis, soit les chambres de commerces et des gens d’affaires; ceux-là même qui instituent et réclament à grands cris ce type de traités commerciaux.


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Ironique quand on considère que le Canada a tout fait pour tenter d’empêcher la venue sur son territoire du député européen José Bové, ardent pourfendeur de ce traité. Peut-être voulait-on éviter tout contre-discours qui puisse entaché la belle unanimité des PM, des chambres de commerce et des affairistes…


Si le PM français a eu la vie assez facile quand il était question de mousser l’AECG, il n’a pu éviter les questions sur la laïcité et l’identité, des dossiers chauds autant en France qu’ici, au Québec. On lira d’ailleurs le compte-rendu de la correspondante parlementaire du Devoir Hélène Buzetti sur la question. le PM français a répondu aux questions sur le sujet en deux temps. D’abord en petit groupe au cours d’un déjeuner en matinée hier :


« Au cours d’un déjeuner de presse en matinée jeudi, auquel a participé Le Devoir, il a été invité à se prononcer sur le débat entourant les voiles islamiques. Tout en disant respecter les divergences canadiennes sur la question, il souligne à gros traits à quel point ces voiles ne sont pas neutres et doivent être combattus.


« Il y a une bataille politique, culturelle qu’il faut mener. Et je pense en effet que les signes religieux sont souvent moins des signes religieux que des revendications politiques ou culturelles, a déclaré M. Valls aux quelques journalistes présents. Comment on le traite ? Chacun a son modèle, chacun a sa réponse. Mais je considère, moi, que la burqa, le voile intégral, est un élément profond de la négation de la femme. Cacher la femme de l’espace public, c’est la négation de la femme, et ça, ce n’est plus un problème de religion. C’est un problème de valeurs démocratiques. »


Selon Manuel Valls, pour justifier de « laisser les femmes s’habiller ainsi avec le niqab, le voile intégral, la revendication de la seule liberté ne m’apparaît pas suffisant ». Il rappelle que le voile a déjà été l’apanage, à une certaine époque, de « toutes les femmes du pourtour méditerranéen, quelle que soit la religion ». Mais le voile d’aujourd’hui doit se comprendre dans un contexte géopolitique large. « Dans les territoires délivrés en Irak par les forces kurdes ou les forces arabes, les gens de ces villages qui ont subi le joug de Daech [le groupe État islamique] enlèvent les voiles, écoutent de nouveau de la musique et se coupent la barbe. Parce qu’ils ont vécu avec ce joug. Qu’en Occident on puisse défendre comme un élément d’émancipation et de liberté, notamment la liberté de la femme, de porter un voile intégral ou un burkini sur la plage, personnellement, ça m’étonne toujours. »


D’ailleurs, lorsqu’on lui demande s’il voit le port de la burqa ou du burkini comme le précurseur d’une certaine radicalisation, le premier ministre français répond sans hésitation : « Oui, bien sûr. […] Oui, ce sont des signes politiques qui sont parfois, pas toujours, l’avant-garde de ce mouvement. » »


On se demande, quand on prend conscience des réponses franches du PM français, comment Philippe Couillard a daigné rencontré un homme aux positions si « radicales », si « proches des mouvements d’extrême-droite », si « promptes à prôner le repli identitaire ». Le sang du PM Couillard devait bouillir à la seule vue d’un être aussi intolérant!


Trêve d’ironie, le PM français, comme le rapporte Buzetti, a tempéré ses propos en présence de ses hôtes pour ne pas les froisser. Si en matinée il rejetait le multiculturalisme si cher aux Trudeau et Couillard, Manuel Valls a renchéri, certes, mais de façon polie, en insistant plutôt sur la nécessité de « de faire la démonstration que l’islam est profondément compatible avec la démocratie, l’égalité femmes-hommes et, pour ce qui concerne la France, la laïcité« .


Manuel Valls est bien mal tombé pour jaser islam, démocratie, égalité hommes-femmes quand on constate qu’il a à ses côtés un PM du Canada qui fréquente les mosquées ségréguées sexuellement, qui plaisante et envoie la main aux sisters en haut, bien loin sur la balustrade. C’est encore pire si le PM français regarde de l’autre côté et qu’il apprend que le PM du Québec est grand ami et ex conseiller et employé du régime des Saoudiens, un politicien qui cautionne sans gêne l’intégrisme religieux personnel. Côté laïcité… on repassera.


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« Ici, au Canada et au Québec, on prône le multiculturalisme… »


Comme il se doit, le PM français Manuel Valls a été reçu par la présentatrice du Téléjournal à la société Radio-Canada. Une entrevue on ne peut plus formelle. La question de la laïcité a occupé la majeure partie de l’entrevue et le PM français a trouvé devant lui une farouche défenderesse du multiculturalisme. D’ailleurs, en préambule de sa question à Manuel Valls, Céline Galipeau a voulu établir qu’au Canada et au Québec, on prône le multiculturalisme (à partir de 1:54).


Un citoyen français qui s’intéresse à la visite de son PM au Canada en déduira alors que le Québec prône le multiculturalisme alors que c’est tout à fait faux. Doit-on rappeler que le Québec n’a jamais signé la constitution de 1982 qui consacre le multiculturalisme, doit-on rappeler que le Québec n’a toujours rien réglé sur cette question suite à la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables, suite au projet de loi 60 du parti Québécois (la charte), suite au retrait -en partie- de la réponse du parti Libéral à la velléité de laïcité du PQ, le liberticide PL 59… Rien n’est réglé et en grande majorité, les enquêtes et les sondages sur la question le prouvent chaque fois, les Québécois rejettent le multiculturalisme de Trudeau père et fils.


On comprendra que ce format d’entrevue ne permet pas toutes les nuances, mais d’établir en bloc que le Québec prône le multiculturalisme alors qu’on débat ici de la question depuis presque une décennie, voilà qui manque de rigueur factuelle la plus élémentaire. La question de la laïcité traverse le débat public quotidiennement, c’est pousser fort le café de prétendre que l’appui au multiculturalisme est chose entendue au Québec. Ce qui réjouira l’auditeur québécois par contre c’est la réponse du PM Manuel Valls aux questions de Céline Galipeau quand elle insiste, à plus d’une reprise, que la burka, le burkini, ne sont que « choix vestimentaires », « déclinaisons de la liberté individuelle des femmes », que les « contraindre de ne pas porter ces vêtements stigmatise les femmes ».


La réponse de Manuel Valls fera consensus au Québec :


« Car vous pensez qu’une femme couverte c’est signe de liberté? Qu’une femme entièrement couverte c’est signe d’émancipation? Invitez la prix Nobel de la paix iranienne, invitez-là et demandez-leur si c’est liberté »


À n’en point douter, il y a une volonté assumée chez certain médias de tout faire pour défendre le multiculturalisme. Les débats qui font rage au Québec sur la question l’ont démontré à plus d’une reprise. Des journalistes de la société d’état ont été sanctionné par l’ombudsman suite à des reportages sur ce dossier. On comprend que la défense du multiculturalisme fait partie du mandat de Radio-Canada… mais pas au prix de l’exactitude des faits.


Et ici, il est capital de rappeler que le Québec ne prône pas le multiculturalisme. En revanche, le PM du Québec aimerait beaucoup imposer le multiculturalisme au Québec par la petite porte législative arrière, sans en faire le débat tant il sait que ce serait peine perdue. C’est précisément ce que le PLQ de Couillard tentait par ses projets de loi 59 et 62. Le premier a été battu tant il était nocif pour la liberté d’expression. Que Radio-Canada explique maintenant clairement à ses auditeurs pourquoi un avocat comme Julius Grey, pourquoi l’ex bâtonnière du Québec Julie Latour, pourquoi ces sommités du droit s’opposent-elles avec vigueur au projet de loi 62…





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