Entrevue avec Jacques Parizeau - LE FONDS DE SOLIDARITÉ DE LA FTQ

"Heureusement qu'on l'a fait!"

Crise mondiale — crise financière



Rodgers, Caroline - Aux commandes des finances du Québec il y a 25 ans, Jacques Parizeau était aux premières loges lors du lancement du Fonds de solidarité. Et il en est fier!
Dès le départ, le gouvernement du Québec a prêté 10 millions, en plus de donner des crédits d'impôt.
Le gouvernement fédéral a emboîté le pas en prêtant 10 millions à son tour et en accordant des avantages fiscaux similaires.
"Assez rapidement, on s'est rendu compte qu'il n'y avait pas de raison de limiter l'actionnariat aux membres de la FTQ et qu'on devrait l'ouvrir au grand public, ce qui fut fait. Le succès a été très rapide", dit l'ancien premier ministre du Québec.
Aux critiques soulignant que ces mesures fiscales risquaient de coûter cher au gouvernement, le grand argentier répliquait: " Plus ça me coûtera cher, mieux c'est! Car c'est en fait de l'argent qui va dans le développement industriel du Québec. Aujourd'hui quand je vois le succès, je pense à ces critiques, je souris et je me dis: heureusement qu'on l'a fait!"
Le Fonds a joué un rôle particulièrement important en continuant d'investir à un moment où d'autres institutions devenaient plus prudentes, croit Jacques Parizeau.
"Après 2001, on a vu la Caisse de dépôt geler presque toutes ses opérations de financement industriel, dit-il. En 2003 ça a été la SGF après l'affaire Magnola, et ensuite Innovatech. Qu'est-ce qu'il restait? Le Fonds de solidarité, qui pendant deux, trois ans, a joué un rôle absolument majeur. Les entreprises cognaient à toutes les portes et on leur disait non. Si le Fonds n'avait pas été là, beaucoup auraient fermé."
À savoir si la mission du Fonds devrait changer au cours des prochaines années, le réputé économiste, diplômé du London School of Economics, répond par un proverbe anglais: "When it's not broken, don't fix it."
"Ça s'applique vraiment bien au Fonds, dit-il. Bien sûr, on peut lui adresser quelques critiques. Par exemple, j'aurais aimé que les fonds régionaux soient plus actifs. Mais dans l'ensemble, quelle réussite!"
Un modèle révolutionnaire
Quand Jacques Parizeau évoque ses souvenirs de la naissance du Fonds de solidarité, il aime souligner le côté révolutionnaire de ce modèle inédit pensé par Louis Laberge, le président de la FTQ à l'époque.
"L'idée du Fonds, ce n'était pas seulement de faire de l'argent et de protéger des emplois, mais c'était aussi de donner de la formation économique à des milliers de personnes, dit-il. Avoir dans une même salle 50 syndiqués en train de bosser sur les états financiers de la compagnie, dans l'atmosphère de l'époque, on n'aurait jamais imaginé une chose pareille!"
Pourtant, Louis Laberge l'a imaginée, et ce, en pleine crise économique. En 1982, nombre d'usines fermaient leurs portes et des centaines de travailleurs se retrouvaient au chômage.
En allant voir Jacques Parizeau, ministre des Finances, et Pierre Marois, ministre d'État au développement social dans le cabinet Lévesque, le chef syndical avait deux choses en tête: protéger des emplois, et créer un système dans lequel on apprendrait aux employés d'une entreprise à comprendre son fonctionnement.
"Il faut se rappeler deux choses du contexte de l'époque, dit M. Parizeau. D'une part, il y avait un manque criant de capital de risque pour lancer ou agrandir des entreprises. Deuxièmement, on sortait d'une période où les rapports sociaux et les relations de travail étaient très tendus."
À la jonction de ces problèmes, l'idée d'organiser un fond finançant les entreprises qui seraient alimentées par les membres du syndicat et les employés amenait un changement radical.
"C'était invraisemblable le risque que Louis Laberge prenait avec ses membres en leur disant: votre seul rôle dans la vie n'est pas de faire la grève. Vous allez devenir actionnaires de vos propres compagnies."
L'idée d'apprendre aux membres de la FTQ à comprendre leur entreprise est certainement l'aspect le plus révolutionnaire de toute l'opération, croit l'ancien premier ministre.
"Ça a été extraordinaire parce que ça s'est fait sur une très grande échelle, dit-il. Et ça ne s'était jamais fait avant. Pour moi, ce rôle d'éducation reste le plus important, parce que ça change la mentalité d'une société."


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