Gilles Proulx n’a pas commis de faute

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L’équilibre entre le respect de la réputation des personnes attaquées et la liberté d’expression





Dans une décision rendue lundi, la Cour d’appel a infirmé le jugement qui avait condamné Gilles Proulx pour avoir porté atteinte à la réputation de la présidente d’un Syndicat  de salariés du secteur public québécois.


Les trois juges de la Cour d’appel ont estimé que Gilles Proulx n’a pas commis de faute en utilisant les mots qu’il a utilisés et en écrivant les propos qu’il a écrits au sujet de cette personne publique.


La juge Geneviève Marcotte, qui a écrit la décision de la Cour rappelle que ce ne sont pas tous les propos portant atteinte à la réputation d’une personne qui sont fautifs.  Pour déterminer s’il y eu une faute, il faut faire une analyse contextuelle des faits et des circonstances dans lesquels s’inscrit le propos. 


Dans cet exercice, il faut tenir compte des deux valeurs fondamentales qui s’opposent : la liberté d’expression et le droit à la réputation. La juge Marcotte explique que :


« le texte de Gilles Proulx, lu dans son ensemble, présente un point de vue sur un sujet d’intérêt public qui peut se défendre. Son opinion ne peut être qualifiée de déraisonnable dans le contexte de l’article, alors que le ton utilisé ne va pas au-delà de ce qui est acceptable : les mots « Tartuffe », « apparatchiks » et « chantage » constituent une forme de caricature verbale qui ne dépasse pas les bornes de la critique permise à l’égard des personnalités publiques dans le cadre d’une société démocratique. Conclure autrement m’apparaît susceptible de museler à excès les commentateurs publics et de sonner le glas de la critique dans notre société (...) »


La juge Marcotte ajoute que « dans un contexte journalistique, l’appréciation de la faute se rapproche généralement de celle des professionnels et comporte l’évaluation du respect des normes journalistiques » Mais, d’ajouter la juge, « lorsqu’il s’agit d’une chronique, qui s’avère plutôt un mélange d’éditorial et de commentaire qui permet l’expression d’opinions, de critiques et de prises de position, et peut même parfois faire place à l’humour et la satire, le comportement du journaliste ne relève pas des normes journalistiques. »


En somme, la détermination de la faute suppose une analyse de ce que l’auteur a écrit et une prise en compte du contexte. Et une telle analyse doit surtout rechercher un équilibre entre le respect de la réputation des personnes attaquées et la liberté d’expression.


Autrement dit, ce ne sont pas tous les propos qui peuvent paraître déplaisants qui sont fautifs. Le droit de défendre sa réputation ne confère pas aux personnes qui agissent dans l’espace public, un droit de veto sur ce qu’on dit à leur propos, sur les opinions que peuvent inspirer leurs faits et gestes.


Dans son jugement, la Cour d’appel convient qu’il n’existe pas de point d’équilibre parfait entre la protection de la liberté d’expression et de la réputation. Mais « les tribunaux doivent considérer l’atteinte à la réputation alléguée en portant une attention particulière au contexte et, dans certains cas, la tenue d’opinions même exagérées peut être tolérée(...) »


Certes, d’ajouter la juge, le fait qu’une personne choisit de participer à la vie publique ne confère pas de licence pour porter atteinte à sa réputation et à son honneur mais  les personnalités publiques doivent démontrer un niveau de tolérance plus élevé. Cela s’explique par le fait qu’ils sont engagés dans la vie publique et cela « les expose inévitablement à la critique, aux plaisanteries et à la satire. »


La Cour d’appel a même déjà considéré que c’est en quelque sorte un risque inhérent pour les personnalités publiques que de se trouver exposées à la critique et aux plaisanteries.


Cette décision de la Cour d’appel vient rappeler la nécessité d’analyser els propos polémiques en tenant compte de la liberté d’expression.  De tels propos ne sont pas automatiquement fautifs : ils doivent être analysés dans un contexte de débat public qui, comme il se doit, peut parfois ne pas donner dans la dentelle.


Proulx c. Martineau, 2015 QCCA 472 (CanLII)





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