Ce qui se passe aujourd'hui, au moment où j'écris ces lignes, depuis plusieurs jours, est révoltant, inacceptable, indéfendable. Aucune raison ne saurait justifier une telle furie d'un autre temps. Il est temps d'arrêter de proclamer un État israélien dont la sécurité doit être assurée. Il est temps d'arrêter de prophétiser une Palestine indépendante, souveraine. Les mots suffisent. Les résolutions suffisent. Il faut passer à l'acte. Il est l'heure. Je salue sans hésiter le déplacement sur le terrain du président français, Nicolas Sarkozy. Cela compte. Je salue le poids de l'Union Européenne qui tente de peser sur le conflit pour un arrêt immédiat des combats et dont une délégation s'active sur le terrain. [...]
Nous aurons besoin de tous et de tous les moyens pour venir au secours du peuple palestinien. Cela paraîtrait étrange, incongru de dire qu'il faut venir également au secours d'Israël. Israël a peur de sa propre peur. Oui, Israël est un grand peuple, mais il serait plus grand encore s'il oeuvrait pour une vraie paix au sacrifice même des intérêts de ses dirigeants politiques si belliqueux. C'est cela le dépassement. C'est cela la grandeur.
Tous ceux qui peuvent peser sur Israël doivent se lever et arrêter le carnage et le massacre du peuple palestinien. Il n'y a pas d'autres mots: c'est un carnage indigne de notre siècle. Mais ce siècle risque d'être celui de la barbarie et les dirigeants politiques israéliens que je dissocie du peuple israélien, car les peuples ont toujours bon dos, doivent en assumer toutes les responsabilités. Le pire, c'est qu'Israël a sous-estimé les grosses conséquences de son agression contre Gaza.
L'année 2009 sera une année de peur et de vengeance. Nulle part dans le monde, Israël ne sera plus en sécurité. Ceux qui dirigent ce pays et qui ont pris la décision de mener de si horribles attaques contre les palestiniens ont mis en danger la paix du monde. Que personne, qu'aucun État encore moins l'ONU, ne viennent demain se désoler, condamner ou pleurer sur des morts innocents victimes de leurs hommes politiques uniquement préoccupés par leurs ambitions électorales. [...]
Israël étant communément considéré comme une excroissance des États-Unis, le pouvoir américain reste totalement coupable du massacre de Gaza. Nous savons tous que l'État américain a été mis au courant par Israël de son attaque contre la bande de Gaza. Si Bush avait dit non, on n'aurait pas assisté à tel bain de sang inutile, absurde, inhumain, insupportable. L'Amérique a laissé trop faire. Elle a évoqué ce qu'elle évoque depuis le matin du monde: Israël se défend légitimement. Elle a encore bloqué le pauvre Conseil de sécurité dans son vote. Il est temps aussi de changer l'ONU et ses mécanismes de fonctionnement.
Pour ma part, en dehors de cette attaque israélienne qui a pris des proportions inimaginables, j'ai toujours avoué et placé mon jugement sur Israël et la Palestine dans la roue de l'histoire des deux peuples et du drame qui les sépare. Ce n'est pas Israël qui a raison, c'est sa terrible, injuste et inacceptable histoire subie qui donnent raison à son peuple. Ce n'est pas l'héroïque et sainte Palestine qui a tort, c'est le droit international qui a tort.
L'Amérique d'Obama devra trouver la juste voie et très vite. Le nouveau président des États-Unis ne pourra pas passer sous l'eau sans se mouiller. Il faut enfin arrêter cette haine et y mettre tous les prix et tous les sacrifices. [...]
On a trop écrit sur le sable l'indépendance de l'État de Palestine. Il est temps de la graver pour de bon dans la pierre. Il est temps qu'Israël repose son peuple et sa diaspora qui vivent dans la peur d'attentats imprévisibles. [...]
C'est à Obama d'avoir le sens du destin et de la mission de résoudre enfin ce problème au Proche-Orient. Puisse t-il porter la sagesse du roi Salomon! C'est à lui, Obama, qu'il incombera de prendre ses responsabilités pour peser sur la voie de la paix et du progrès à côté d'une Palestine apaisée et installée dans un avenir moins douloureux. Israël aussi a besoin d'avoir enfin moins peur, même si c'est lui-même qui se fait peur en vivant dans cette paranoïa d'une haine arabe inexpugnable. La valeur ajoutée du succès d'une telle démarche, pour Obama et pour l'Amérique, serait que la tension mondiale baisserait et que nombre de pays arabes ainsi que l'Iran seraient désarmés par une paix affirmée qui désactiverait toute velléité de guerre ou de menace de guerre.
C'est la Palestine qui est la blessure centrale du monde arabe. La Palestine saigne dans chaque peuple arabe. Il faut fermer cette blessure. Israël serait plus grand encore que son nom si la Palestine accédait à l'indépendance dans une cohabitation économique, sociale, politique et culturelle pacifique. D'ailleurs, les poètes et les écrivains des deux pays devraient inaugurer de manière intense, au regard du poids que leur assigne leur mission de créateurs, des plans et démarches de paix. Ils ne portent pas la même lumière que les hommes politiques. [...]
Ce ne seront pas la guerre et la puissance d'Israël qui décideront de l'heure qu'il fera à Gaza. Seule une paix négociée, voulue, acceptée, respectée et garantie par la communauté internationale, au premier plan l'Amérique qui allaite Israël, nous conduira à l'apaisement d'abord, à la confiance ensuite, à l'existence définitive de deux grands peuples enfin, vivant côte à côte, sans peur, sans haine.
J'ai appris que l'on se trompe toujours, quand on juge avec peu de culture et beaucoup de moralité. Entre deux grands peuples que l'histoire a tant déchirés, l'esprit doit prendre le pas sur la tentation d'anéantissement. Israël a trop souffert pour imposer tant de souffrance au peuple palestinien. Israël sait qu'il est des blessures et des injustices pour lesquelles il n'existe pas d'oubli et le pardon toujours difficile. C'est quand on est fort, que l'on doit être humble.
La Palestine doit vivre ! Elle a tant attendu l'aube d'un temps nouveau! Combien de ses fils depuis des siècles ont répété ces mots terribles: «S'il doit y avoir la guerre, qu'elle ait lieu de mon temps afin que mon enfant puisse connaître la paix.»
Puisse notre siècle ne pas être inférieur au destin qu'on lui souhaite! Il me semble déjà si abîmé. Il a allumé trop de lampes le jour pour appeler la nuit. Que Dieu sauve les peuples et avant Dieu les hommes eux-mêmes.
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Amadou Lamine Sall, Poète, lauréat des Grands Prix de l'Académie française
Gaza, où j'ai si mal!
J'ai appris que l'on se trompe toujours, quand on juge avec peu de culture et beaucoup de moralité.
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