En réplique à Jean Baillargeon

Gauche et droite : conditionnement réciproque

Le centre, ce ventre mou de l'électorat

Tribune libre

[L’expression n’est pas de moi->33898], mais elle me semble pertinente et je veux en donner deux exemples dans la conjoncture politique récente. J’espère ainsi dissiper le mal entendu qu’en politique la vérité serait au centre.
Le syndicalisme québécois étant resté très politisé, il me semble que l’on devrait au moins lui reconnaître une maturité acquise au fil des débats sur sa pertinence même. Je me souviens encore des déclarations scandalisées de Denise Bombardier sur le droit de grève particulièrement dans les hôpitaux. Elle avait même porté, avec une évidente fierté, le débat jusqu’en France à la télévision. Elle stigmatisait un droit pourtant fondamental de nos démocraties, celui d’association pour voir à ses intérêts dans cette société marchande où dominent les valeurs du libéralisme économique et politique.
Cette maturité politique du mouvement syndical québécois s’est manifestée lors du dernier front commun par une campagne de publicité accompagnant la mobilisation des membres pour la défense des services publics. Elle semble régler un vieux dilemme du syndicalisme dans le secteur public : notre solidarité doit-elle s’exprimer entre salariés ou envers la population ? La campagne habile des syndicats a isolé Charest et l’a forcé à certaines concessions envers les salariés et pour la protection des services publics … tout le processus étant jugé fort déplorable par l’extrême droite.
Si on considère l’évolution historique de la sociale démocratie québécoise, décriée dans un vocabulaire radical par une certaine droite, on peut parler de « conditionnement réciproque ».
Je tirerai mon deuxième exemple du travail du Bloc à Ottawa. Sont membres de ce parti certaines personnalités qui s’identifient discrètement à la gauche du spectre politique. La reconnaissance de la nation québécoise par le pouvoir fédéral est inimaginable dans le paysage politique canadien sans la présence du Bloc aux Communes. Il s’agit à mon sens d’un « conditionnement réciproque ».
Comme j’associe la droite politique au conservatisme, au soutien aux transnationales, à une attitude dure et répressive de la criminalité, à une vision étroite et figée de la démocratie, … je ne me reconnais pas du tout dans les valeurs, les stratégies ou un pouvoir exercé par la droite.
Pour moi, et cela fait partie de mon apprentissage historique et politique comme Québécois, la gauche, même très marginalisée comme elle l’a été du temps des marxistes-léninistes, correspond à ce à quoi j’adhère comme projet de société. Elle me propose de combattre à ses côtés en faveur de ses projets enthousiasmants tant pour le présent que pour un avenir émancipateur.
Alors, même dans un climat de « conditionnement réciproque » sur le long terme, il me semble que les politiques de gauche doivent être soutenues par une activité militante organisée, comme à l’intérieur de Québec solidaire, de manière à peser au maximum sur le « conditionnement réciproque ».
Je me préoccupe du centre comme une frange de la population politisée à gagner à certains aspects de nos programmes de manière à créer une masse critique en faveur de changements qui font évaluer la société québécoise dans une recherche de progrès constant. Facilement influencée par les appareils de publicité des différents camps, une population au centre représente tout le défi de l’activisme politique. Je compte pour le relever sur des argumentaires rationnelles qui s’adressent à l’intelligence des gens pour faire en sorte que le pouvoir adopte nos programmes sous la pression populaire « par le bas » jusqu’à ce qu’on nous reconnaisse la légitimité d’accéder à ce pouvoir pour continuer « par le haut » nos objectifs de changement. Cela tout en respectant le rythme avec lequel la population veut bien voir ces changements réalisés. Il n’est pas interdit de penser que l’histoire s’accélère, comme en Tunisie, par exemple, et que nous prenions part à de vastes mouvements populaires en faveur de changements plus rapides.
Je ne comprends pas le combat politique comme une mise à jour de « complots », mais comme la contestation de stratégies ou programmes de la droite qui m’apparaissent comme des culs-de-sac ou des impasses en faveur du capitalisme, un système sclérosé dont les citoyens se fatiguent de plus en plus.
Quant à ma vision du projet socialiste, je laisse la question en suspend jusqu’à ce qu’elle fasse partie du débat public de façon plus urgente ou imminente.


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