Finie, la politique du «nanane»

«Je propose par contre la participation active du Québec dans la gouvernance du Canada. Je prends cela très au sérieux.» - Impressionnant, non?!?

Hélène Buzzetti - Ottawa -- Le nouveau chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff, est conscient qu'il a une pente à remonter au Québec pour convaincre les électeurs d'appuyer son parti. Mais il promet qu'il ne basera pas sa tentative de séduction sur la promesse de «cadeaux».
«À propos du Québec, dit-il en cherchant le mot juste en français, je ne veux pas proposer de petits cadeaux, parce que je trouve cela méprisant, a-t-il expliqué au cours d'une entrevue avec Le Devoir cette semaine. Je propose par contre la participation active du Québec dans la gouvernance du Canada. Je prends cela très au sérieux.»
Voilà une référence à peine voilée aux promesses de Stephen Harper en 2005 d'accorder un siège au Québec à l'UNESCO ou encore d'avoir une charte du fédéralisme limitant le pouvoir fédéral de dépenser, charte qui n'est jamais venue. Dans son livre Terre de nos aïeux, publié ces jours-ci et dont Le Devoir faisait état hier, M. Ignatieff parle de l'importance d'accepter le sentiment nationaliste des Québécois, mais il ne propose pas d'initiative particulière visant à les rallier au projet national canadien. Il ne fait même pas mention de la reconnaissance de la nation québécoise, dont il avait été le premier instigateur en 2006.
Robert Asselin, un proche du chef et professeur à l'Université d'Ottawa, explique que la stratégie libérale sera différente sous Michael Ignatieff. «Il n'a pas une approche défensive face au Québec, une approche en fonction des demandes ou des revendications traditionnelles du Québec.»
Le nouveau chef du PLC a d'ailleurs jusqu'à présent évité de se prononcer sur l'harmonisation des taxes de vente fédérale et québécoise. Il a habilement évité le débat sur la création d'une commission pancanadienne des valeurs mobilières en suggérant de demander d'abord l'avis des tribunaux. Quant aux sujets chers aux Québécois, comme l'adoption d'une loi antibriseurs de grève, il souffle le chaud et le froid. «J'ai toujours dit que le diable est dans les détails avec l'"anti-scab" parce qu'il faut absolument garantir des services essentiels pour notre économie et je n'ai jamais vu un projet de loi "anti-scab" qui satisfait la nécessité de protéger les services essentiels.» En 2006, presque tous les libéraux avaient appuyé la loi bloquiste, avortée depuis.
Dans la même veine, M. Asselin estime que le Parti libéral n'abordera plus le Bloc québécois de Gilles Duceppe de la même manière. «On ne va pas dire que voter pour le Bloc, c'est un vote perdu. On estime que le fardeau de la preuve nous revient. Si les Québécois ne votent pas pour nous, c'est parce qu'on n'a pas su les intéresser, les convaincre.»
Construire des corridors
Dans l'esprit de M. Ignatieff, l'unité nationale se cristallisera en lançant «deux ou trois» projets nationaux d'envergure. Au nombre de ceux-ci, il y a la construction de trains à grande vitesse entre Québec et Windsor, Edmonton et Calgary, Vancouver et Calgary, mais aussi cette idée encore plus ambitieuse de bâtir des couloirs de transport d'énergie entre les provinces. Dans son livre, il se demande pourquoi l'Alberta et la Saskatchewan exportent leur pétrole aux États-Unis tandis que l'est du pays doit en importer, ou pourquoi le Québec envoie son surplus d'hydroélectricité au sud plutôt que vers l'Ontario.
En entrevue, le chef libéral est prudent. «Je sais que c'est aux provinces de régler cela. Ce n'est pas de l'ingérence fédérale, mais si nous [le fédéral] pouvons être des facilitateurs du point de vue politique, par exemple aider Terre-Neuve à se mettre d'accord avec le Québec afin de développement un réseau Est-Ouest, ce serait une bonne chose. Mais je ne veux en aucun cas dicter le travail d'Hydro-Québec.»
Il écrit aussi que les premiers Canadiens ayant entrepris la folle aventure de construire une ligne ferroviaire d'est en ouest (dont son arrière-grand-père George Monro Grant, qui a traversé le pays en 1872 pour en trouver le tracé idéal) diraient qu'il ne faut pas seulement penser à la logique du marché. «Combien de dollars et de cents le fait d'être Canadien vaut-il à nos yeux? écrit-il. Combien sommes-nous prêts à investir pour garder notre pays en un seul morceau?»
En entrevue, le chef dit que c'est une question d'équilibre. «La construction des chemins de fer à travers le Canada n'a pas obéi aux lois du marché parce que c'était un projet structurant pour notre identité nationale. Parfois, il faut mettre un peu de côté les exigences de marché, mais il ne faut jamais les négliger car ce sont les contribuables qui doivent payer. C'est une question d'équilibre.» Selon lui, lorsqu'il s'agit d'infrastructures permettant «d'approfondir les relations entre provinces», la rentabilité des projets devrait être exigée «à plus long terme».


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