Finie l'ouverture?

Plus le temps passe, plus la marge de manoeuvre de Stephen Harper rétrécit et la sympathie envers le Québec s'atténue

Harper - obsession et raideur


Le fédéralisme d'ouverture promis par Stephen Harper serait-il en train de s'échouer sur les écueils créés par la formule de péréquation, sa réforme du Sénat et son projet de refonte de la carte électorale fédérale? Depuis quelques semaines, les foyers de tension entre le gouvernement conservateur et les provinces ne font que se multiplier, une situation qui a de quoi préoccuper le Québec.
Son fameux discours de Québec, fait en pleine campagne électorale, n'est pourtant pas si loin. Pour la première fois depuis longtemps, un chef fédéral offrait une vision du fédéralisme qui répondait à certaines revendications du Québec. Présence à l'UNESCO, résolution du déséquilibre fiscal, encadrement du pouvoir fédéral de dépenser, le menu était appétissant et bien des Québécois ont réagi favorablement, donnant dix sièges aux conservateurs. Depuis, Harper a conclu un accord sur la présence du Québec au sein de la délégation canadienne à l'UNESCO, fait adopter une résolution reconnaissant la nation québécoise et, dans son dernier budget, franchi un pas vers la résolution du déséquilibre fiscal.
Mais le travail n'est pas terminé. On n'a toujours pas assisté à un nouveau partage de l'assiette fiscale, seule solution permanente de ce déséquilibre, ni à des discussions sérieuses au sujet du pouvoir fédéral de dépenser. L'encadrement de ce dernier reste la revendication centrale du gouvernement québécois, mais celle-ci pourrait bien demeurer lettre morte si le climat des relations fédérales-provinciales continue de s'envenimer.
Plus le temps passe, plus la marge de manoeuvre de Stephen Harper rétrécit et la sympathie envers le Québec s'atténue. Et tout cela par la propre faute du premier ministre fédéral.
La réforme de la péréquation représente la pire crise à secouer son gouvernement. On a beau dire que les changements proposés sont plus équitables que ce qui existait auparavant, il reste que le gouvernement fédéral n'a rien fait pour atténuer la colère prévisible des gens de l'Atlantique. Harper leur avait promis le beurre et l'argent du beurre - promesse irresponsable s'il en est -, mais la réalité l'a forcé à nuancer.
Le premier ministre terre-neuvien, Danny Williams, est tout de suite monté aux barricades, et le gouvernement Harper a répondu sur le même ton, sans tenter de s'expliquer sur les raisons de l'écart entre sa réforme et sa promesse. Il a bien tenté de s'entendre avec la Nouvelle-Écosse, mais l'Ontario a averti récemment qu'il n'accepterait pas un arrangement désavantageux pour ses contribuables.
Quant à la Saskatchewan, qui s'estime aussi lésée, elle a été ignorée par les conservateurs, qui y détiennent quand même 12 sièges. Le premier ministre Lorne Calvert n'a jamais réussi à avoir un tête-à-tête avec Harper et s'est plaint d'être réduit à la «diplomatie du mégaphone». Cette stratégie de l'affrontement fait en sorte qu'Ottawa risque de se retrouver dans l'obligation de défendre la constitutionnalité de sa réforme devant les tribunaux. Le premier ministre a mis les provinces au défi de le poursuivre. Calvert l'a pris au mot et Williams pourrait se joindre à lui.
La plupart des provinces, dont le Québec, n'apprécient pas non plus les projets de loi conservateurs sur le Sénat - le projet S-4, qui limite à huit ans le mandat des sénateurs, et le projet C-43, qui prévoit leur élection. À leur avis, la Chambre haute, qui est censée représenter les régions et les minorités, ne peut être réformée à la pièce ni à l'aide de projets de loi. Les provinces doivent être associées aux changements qui devraient être de nature constitutionnelle.
Le Sénat, à majorité libérale, a amendé le projet S-4, mais sans l'adopter. Il exige du gouvernement qu'il obtienne une opinion de la Cour suprême sur la nécessité ou non d'obtenir le consentement des provinces. Les conservateurs ont mal réagi, s'attaquant férocement aux libéraux. Ils avaient commencé avant même de connaître la conclusion du Sénat, comme le prouvent leurs dernières publicités négatives contre Stéphane Dion. Cette campagne confirme d'ailleurs les soupçons voulant que ces projets ne visent qu'à rassurer la base conservatrice de l'Ouest, qui tient à la réforme du Sénat et à pourfendre de façon populiste le Parti libéral.
Le hic est que des provinces et les minorités linguistiques sont entrées dans la danse. Malgré cela, Stephen Harper n'a rien fait pour les amadouer. Son gouvernement maintient qu'il peut procéder de façon unilatérale, une attitude contraire à l'esprit de la Constitution.
Il y a finalement le projet de loi sur la représentation électorale qui indispose le Québec et l'Ontario. À partir de 2011, l'Alberta et la Colombie-Britannique bénéficieront d'une représentation proportionnelle à leur poids démographique alors que le Québec verra sa propre représentation fléchir légèrement. L'Ontario, lui, sera la seule province à afficher un déficit important, malgré 10 sièges supplémentaires, et le gouvernement McGuinty examine la possibilité de contester cet état de fait devant les tribunaux. (Encore! Ça va finir par coûter cher... )
À l'extérieur du Québec et de l'Ontario, il n'est plus rare d'entendre des commentateurs accuser les conservateurs de ne pas tenir compte des petites provinces au profit de celles plus riches en sièges. Difficile, dans pareil contexte, de discuter de l'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser, un projet cher au Québec mais qui va à l'encontre de l'idée que bien des Canadiens se font du rôle du gouvernement fédéral, en particulier en Ontario, en Saskatchewan et dans l'Atlantique. Ottawa pourrait agir unilatéralement, mais ça ne ferait qu'alimenter la colère existante.
Depuis le souper informel tenu chez lui un mois après son élection, Harper n'a jamais réuni ses homologues pour tenter de calmer le jeu. L'opposition en profite pour lui mettre sous le nez sa promesse d'ouverture que, dans plusieurs provinces, on n'associe plus qu'au Québec. Répondre aux attentes de ce dernier en matière de pouvoir de dépenser ne ferait que renforcer ce sentiment. Alors pour les progrès, on repassera.
mcornellier@ledevoir.com


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