Spéculation

Fini le pétrole à bon marché

Mais, un jour, quelque part, quelqu'un pourrait bien ne plus payer.

Tribune libre

En première page du Devoir de ce matin, le 3 mars, l'Agence internationale de l'énergie nous annonçait la fin de l'ère du pétrole à bon marché. Si l'Agence devait avoir raison, l'économie mondiale n'aurait qu'à bien se tenir.
Le pétrole constitue ni plus ni moins que la force motrice de l'activité économique de la planète. En fait, le cours des prix du brut est capable d'enclencher des récessions, tout comme il peut éperonner l'inflation, avec des conséquences désastreuses pour à peu près tout le monde. Au début des années 2000, l'envolée des prix a donné lieu à des émeutes dans plusieurs pays européens. Dans les pays en voie de développement, ce genre de soulèvements populaires contre les hausses du coût de l'énergie sont chose commune, en raison de leur effet sur les coûts du transport en commun et ceux des aliments. Les gouvernements de ces pays se voient donc contraints de subventionner lourdement les coûts du pétrole. Mais, à la limite, cela peut devenir insupportable pour l'équilibre de leurs finances publiques. Personne n'est vraiment à l'abri des effets possibles d'une envolée soutenue des cours du brut.
En fait, l'importance du pétrole dépasse largement les strictes limites de la réalité économique, certains pays producteurs se servant de cette ressource essentielle comme d'un levier dans la poursuite de leurs visées diplomatiques. La Russie de Vladimir Poutine, par exemple, a déjà utilisé le gaz naturel pour tenter d'infléchir les politiques de l'Ukraine et de l'Europe. Les États-Unis, eux, aimeraient bien pouvoir s'affranchir de leur dépendance au pétrole saoudien. Malheureusement, ils doivent bien trouver quelque part les quelques 20 millions de barils qu'ils consomment chaque jour.
En résumé, donc, le pétrole peut à lui seul donner lieu à des récessions, enflammer l'inflation et donner lieu à des tensions géopolitiques. En effet, la nature a voulu que les pays producteurs soient en majorité pauvres, ou presque, alors que les grands consommateurs, eux, sont généralement riches. Ceci peut paraître de moins en moins vrai en raison du phénomène de la délocalisation des entreprises industrielles de l'Occident, mais il ne faut pas oublier que la production des entreprises délocalisées est en bonne partie consommée dans les pays dits développés. À tout événement, les pays producteurs tentent d'obtenir le meilleur prix possible pour leur ressource afin de diversifier leurs économies, alors que les utilisateurs veulent obtenir celle-ci au meilleur prix pour maintenir le niveau de consommation dans leur propres économies. Le prix du brut, donc, dépend-il exclusivement des forces du marché?
Jetons d'abord un coup d'oeil du côté de la demande. En 2009, la demande mondiale de brut aurait atteint 84,4 millions de barils par jour (mbj). En 2010, elle aurait été de 85,5 mbj, selon les données de l'OPEP. Et, pour 2011, on évalue qu'elle sera de 88,8 mbj, selon les prévisions lancées l'Agence internationale de l'énergie fin décembre 2010. On remarque donc une certaine stabilité dans le taux de croissance de la demande.
L'offre est-elle à la hauteur? Grosso modo, les producteurs appartiennent à trois grands groupes distincts. D'abord, il y a l'OPEP, qui comble environ 35 % de la demande mondiale. Son brut est de bonne qualité et il peut être extrait à très faible coût, ce qui permet à ce cartel d'influer sur le niveau des prix. S'il faut se fier aux données publiées par les diverses agences de surveillance de l'industrie des hydrocarbures, les réserves des pays du Golfe seraient encore abondantes, sans être infinies. Ensuite, il y a les producteurs hors-OPEP, dont les ressources sont généralement moins abondantes que celles des pays du Golfe, de moins bonne qualité et plus coûteuses. Règle générale, ils sont eux aussi pétrodépendants pour équilibrer leurs finances publiques. Ils ont donc intérêt à produire, sans pour autant dilapider leur ressource. Et, finalement, il y a les grandes pétrolières qui étendent leurs tentacules là où elles le peuvent. Mais, désireuses de se conformer aux exigences de profit des grandes places boursières, elles ont tendance à contrôler leurs dépenses d'exploration et d'exploitation dans le but d'obtenir le meilleur prix possible pour leur production. Elles ont passé la fin des années 90 et le début des années 2000 en mode consolidation. Au moindre recul soutenu des cours du brut, elles coupent exploration et production. Force est d'admettre, cependant, que l'on annonce régulièrement de nouvelles découvertes de pétrole.
Somme toute, à court et à moyen termes, il n'y a rien à craindre du côté de l'existence fondamentale de l'offre. Le pétrole est là. Bien sûr, les bouleversements qui ont lieu au Moyen-Orient à l'heure actuelle pourraient mêler les cartes. Et, les allégeances géopolitiques changeantes là-bas sont également susceptibles de compliquer les choses. Un fait demeure, cependant, à plus long terme, ces pays doivent produire pour survivre. Alors faut-il annoncer la fin du pétrole à bon marché? N'oublions pas, à cet égard, les efforts récemment entrepris pour libérer l'automobile de sa dépendance aux énergies fossiles.
Sans négliger les effets possibles des révolutions qui balaient actuellement le Moyen-Orient sur le cours du brut, il faut bien noter que la volatilité des prix n'a rien a voir avec la réalité de la demande et de l'offre. Fin 1998, le baril s'échangeait à 10,98 $US. Juillet 2008, il valait 147 $US. Apparemment, cela était attribuable aux rebelles nigériens, à des inventaires trop bas, à des hivers trop rigoureux, à un dollar US anémique et à une Chine trop gourmande. En fin d'hiver 2009, le brut touchait les 35 $US.
Hier, il atteignait 102 $US. Manifestement, la volatilité des cours ne peut s'expliquer par des déséquilibres entre la demande et l'offre. Il doit donc y avoir autre chose.
Alors, pourquoi ne pas jeter un coup d'oeil du côté des fonds spéculatifs. Au début des années 2000, ces fonds empruntaient dix fois leur capital, sinon plus, à 1% et prenaient ensuite des paris sur le pétrole et autres ressources. Une base de capital de 250 millions $US leur permettait donc de parier 2,5 milliards $US. Tant et aussi longtemps que les prix se sont maintenus à la hausse. ils ont engrangé des profits faramineux. Mais, lorsque les banques ont dû rappeler leurs prêts, les fonds ont liquidé leurs positions et entraîné la débâcle des prix. Évidemment, des faillites ont suivi. Et, on s'est alors empressé de tirer les coupables d'embarras à même les fonds publics. On retrouvera le détail de l'histoire en page B-10 du Globe and Mail du 17 novembre 2008. En page A-7 du Devoir du 15 octobre 2010, on apprend qu'en 2008, un baril de pétrole était vendu et racheté 27 fois entre sa production et sa livraison finale. En bonne partie, cela se passe sur le marché des produits dérivés, lequel, au total touchait les 600 000 milliards $US en 2010. Le PIB mondial, lui oscille autour des 60 000 milliards $US de dollars. Et, c'est à même ce montant que l'on prétend vouloir régler les paris de Wall Street et compagnie. Quelqu'un quelque part ne sait pas compter.
Et, ce même quelqu'un n'apprend pas de ses erreurs. À quoi, selon vous doit-on le fantastique retour boursier des deux dernières années? Aux banques qui empruntent à 1 % auprès des banques centrales pour reprêter aux fonds spéculatifs qui, eux, ont recommencé à parier sur les ressources, les indices boursiers, les devises et quoi encore. Comme la dernière fois, la fête va continuer jusqu'à ce que pour un motif ou pour un autre, les banques doivent rappeler leurs prêts. Il y aura alors une nouvelle débâcle. Encore une fois, on voudra sauver les coupables en agitant la menace d'une dépression, à grands coups de «plus jamais» et sur la foi de belles promesses de réformes. Mais, un jour, quelque part, quelqu'un pourrait bien ne plus payer.


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    4 mars 2011

    Qu'on fasse des autos électriques,des moteurs magnétiques qu,on se débarrasse une fois pour toute de cette énergie polluante.
    EMC une cie de Budapest a fait un générateur magnétique.Faut dévlopper d'autres thecnologies.Étudiez ce que Nikolai Tesla a inventé.
    Tapez Missing secrets of Tesla sur votre clavier,on n'a pas besoin de pétrole polluant.
    Fouillez Greenpowerscience.com
    Faut faire changer la loi qu'on est obliger de vendre l'électricité que l'on produit à Hydro et lui racheter à plus cher.Ils vendent au Vermont du courant 6 cents du kilowatt,il nous en coûte 9 cent du kilowatt.Charest a-il un compte à numéro en Suisse dans leqquel le Vermont dépose???