Fin de campagne dans la ferveur patriotique pour Vladimir Poutine

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Fin de campagne dans la ferveur patriotique pour Vladimir Poutine

Assuré d’être réélu dimanche pour un 4e mandat, Vladimir Poutine n’a pas de temps à perdre avec des rassemblements politiques. Mercredi, à Sébastopol (Crimée), port d’attache de la flotte russe de la mer Noire, il a participé à son second et dernier rassemblement de campagne. Du bout des lèvres, à peine une minute de discours devant un public d’environ 7000 personnes qui l’attendaient depuis trois heures, rassemblées sur la principale place de la ville.


« Vous avez pris une décision historique il y a quatre ans », a lancé Vladimir Poutine, en référence au référendum organisé en une dizaine de jours par Moscou et encadré par l’armée et des milices russes qui venaient de déferler sur la péninsule. « Vous avez rendu Sébastopol et la Crimée à notre patrie, notre maison, mère-Russie […] avec cette décision, vous avez montré au monde entier ce que c’est qu’une véritable démocratie et non son imitation. » Hourra ! exulte la foule. « Il reste beaucoup à faire et nous y parviendrons, car lorsque nous sommes ensemble, nous constituons une force formidable capable de résoudre les problèmes les plus complexes. » Poutine remercie, fait le signe d’étreindre avec un bras, salue, et s’éclipse.


Un animateur s’avance vers le devant de la scène : « Vous avez fait votre choix pour les élections du 18 mars ? » La foule répond par des applaudissements. Les vedettes de la variété russe qui faisaient patienter la foule jusque-là reviennent animer le « rendez-vous concert Russie-Sébastopol-Crimée ».


La ferveur se lit sur de nombreux visages. Une bonne moitié du public est constituée de groupes organisés, portant tous le même long drapeau russe. On distingue de nombreux uniformes militaires, des cosaques à la mine sévère et des élèves d’écoles militaires en uniforme noir, coiffés d’une chapka. L’autre moitié se compose de familles et de petits groupes de retraités. Ils forment le coeur de l’électorat Poutine.


La dominante russe ne date pas d’hier à Sébastopol. Moscou considère ce port militaire comme d’une importance cruciale pour son flanc sud et avait négocié un bail avec l’Ukraine devenue indépendante en 1991. Son annexion en 2014, avec le reste de la Crimée, avait regonflé les voiles de Vladimir Poutine, le faisant apparaître comme le « rassembleur des terres russes » perdues à la fin de l’URSS. Le « rattachement de la Crimée » reste aujourd’hui son principal thème de campagne.


Ravis de l’attention toute particulière accordée à la ville par le chef d’État, les habitants répondent par un patriotisme russe redoublé. De nombreuses fenêtres et balcons arborent des drapeaux russes. « Ici, nous adorons Poutine », tonne Klavdia Romanenko, venue au rassemblement-concert avec son mari et ses deux enfants. « Il n’a pas eu peur de nous réunifier à la terre russe. Il n’a peur ni des Américains ni de personne. Pour moi, il peut bien être président à vie ! » Et les autres candidats ? « Personne, à part Poutine », s’écrie-t-elle.


« Personne, à part Poutine » est une phrase répétée comme un slogan par les personnes assistant au rassemblement-concert du président. Timour Chamoukhine, un marin à la retraite, la reprend à son compte. « Poutine a remis la Russie sur pied et en a fait une superpuissance », clame-t-il, répétant une phrase type de la propagande télévisuelle.


La foi en Poutine


« Maintenant, nous avons des missiles nucléaires qui font trembler les Américains », poursuit fièrement Timour Chamoukhine, faisant référence au discours de Vladimir Poutine devant le parlement le 1er mars dernier. Dévoilant alors pour la première fois son programme, le maître du Kremlin avait signifié que son prochain mandat serait axé sur la confrontation avec les États-Unis et la revanche sur l’issue de la guerre froide. Une thématique qui a fait mouche auprès de l’électorat de Sébastopol, nostalgique d’une Union soviétique qui choyait ses militaires.


« Les salaires des militaires restent faibles », reconnaît Chamoukhine, dont le fils aîné est militaire. « Mais le plus important, c’est que Poutine nous a redonné la foi en notre pays. Il fait construire des ponts, des routes, des hôpitaux. Nos enfants vivront mieux que nous. » Pour l’instant, quatre années après l’annexion, Sébastopol n’a guère changé. Même dans le centre-ville, la chaussée est par endroits défoncée.


Le soir, l’éclairage public défaillant donne aux rues l’aspect de coupe-gorge. Les façades décaties des maisons et des palais prérévolutionnaires rappellent que le port est encore très loin de recouvrer sa splendeur passée. « Vous avez entendu Poutine ? Il nous a demandé d’être patients. De toute façon, à part lui, personne n’est capable de faire ce boulot », tranche l’ancien militaire.


Sans opposition


Au pouvoir depuis 18 ans, Vladimir Poutine n’a, il est vrai, pas grand-chose à craindre de ses rivaux. Le plus menaçant, Alexeï Navalny, a d’emblée été exclu de la course. « La véritable opposition n’est pas autorisée à se présenter, elle est filtrée par la Commission électorale. Le principe est le suivant : aucun candidat susceptible de gêner une réélection triomphale de Vladimir Poutine dès le premier tour n’est autorisé à se présenter au scrutin. Les candidats autorisés forment une imitation d’opposition », estime le politologue Fiodor Kracheninnikov.


Les sept candidats autorisés par le Kremlin ont essentiellement fait campagne à travers des débats télévisés lors desquelles ils se sont copieusement invectivés, sans vraiment chercher à mordre dans l’électorat de Vladimir Poutine. Lequel n’a jamais participé à aucun débat.


« Poutine ne participe pas aux débats télévisés, ne s’expose pas aux critiques et ne se met pas au niveau de ses adversaires, poursuit Kracheninnikov. L’excuse est toujours la même : Poutine est trop occupé et n’a pas le temps pour les bavardages politiques avec des personnages incompétents. Poutine ne fait pas campagne et montre tout le mépris qu’il a pour le processus démocratique. Ce sont ses subalternes qui font campagne à sa place. »


Les deux seuls instituts de sondages autorisés en Russie — contrôlés par le Kremlin — donnent Vladimir Poutine gagnant dès le premier tour avec un score entre 63 et 73 %, d’après des études réalisées entre le 1er et le 10 mars. La seconde position est disputée entre le communiste Pavel Groudinine (entre 6 et 14 %) et le nationaliste Vladimir Jirinovski (entre 7 et 12 %). Les cinq autres candidats sont sous la barre des 2 %. La participation est attendue entre 69 et 73 %. Ainsi, les sondages officiels correspondent au « scénario 70/70 » élaboré dès 2016 par l’administration présidentielle russe, soit une élection-plébiscite avec 70 % de voix pour Poutine dès le premier tour sur la base d’une participation à 70 %.


> La suite sur Le Devoir.



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