Cessons les chicanes, célébrons la durée du français en anglais

Félix-Antoine Savard a dit non au Québec

Tribune libre

La Fête nationale marque l’arrivée de l’été. L’été québécois est trop court. Il met sur les routes tous les touristes en même temps. Les Québécois assoiffés de leur pays s’empressent d’aller apprendre les régions par les pieds. La mythique Charlevoix se taille la grande part des touristes étrangers, que nous y côtoyons sur les bateaux-mouches, vers le pays des Hautes-Gorges, à l’Acropole des draveurs.
Si un Français nous y demande qui est Menaud, maître-draveur, qui est son auteur Félix-Antoine Savard, saurons-nous le renseigner adéquatement?
Il y a fort à parier que de nos rapides études littéraires il ne nous reste que peu de connaissances de cet auteur à part son nom. Et le contenu de son roman nous laisse-t-il autre souvenir que de vagues scènes de drave héroïque?
Dans cette perspective, une petite visite à la bibliothèque s’impose pour connaître un auteur : Serge Gauthier, originaire de notre région cible, ethnologue et auteur, entre autres, de deux titres incontournables : « Un Québec folklorique » puis, « L’acropole des draveurs. Pour faire suite à Menaud, maître-draveur. » Cet auteur fait de la recherche au Centre de recherche sur l’histoire et le patrimoine de Charlevoix.
Petite déception en vue…
« Un Québec folklorique » rassemble de brefs essais sur le sort qu’a subi notre Patrie au fil de son évolution après l’assaut brutal des Généraux britanniques sur la Nouvelle-France insoumise. L’un de ceux-là nous dresse un parallèle des diverses éditions du roman « Menaud maître-draveur » que son auteur, le curé Félix-Antoine Savard, modifie au fur et à mesure des influences qu’il subit personnellement, jusqu’à sa promotion comme Monseigneur Savard.
Serge Gauthier nous apprend que Savard subit une étroite influence du folkloriste Marius Barbeau, dont la carrière au musée national du Canada à Ottawa en fit un scientifique dénationalisé, à la pensée assimilable à celle d’un Canadien de langue anglaise.
Cette amitié entre folkloristes explique pourquoi le vocabulaire de Menaud évolue de la révolte à l’acceptation entre les éditions de 1937 et la décennie 1980. Au début, Menaud se trouve opprimé par la multinationale forestière Price du Saguenay et son monologue intérieur parle de colère et de vengeance. Progressivement, Félix-Antoine Savard déplace géographiquement l’intrigue de son personnage vers Charlevoix. Là-bas, le contexte socio-économique diffère. Pas de coupe forestière massive, mais exploitation de croisières luxueuses sur le fjord du Saguenay et villégiature à Murray Bay (Pointe-au-Pic) dans les environs du chic Manoir Richelieu. L’humble peuple local y trouve son compte comme pourvoyeur au profit de ces riches touristes anglophones. Certains trouvent même une certaine fierté à côtoyer au quotidien une classe sociale qui démontre une certaine politesse envers leurs fidèles serviteurs… (travail moins rude que la drave?)
À l’échelle du Québec entier, l’évolution des mentalités d’un peuple conquis, résigné, collaborateur pour alléger le joug, mène à des situations comme nous vivons aujourd’hui à la Fête nationale : Cessons les chicanes, célébrons la durée du français en anglais…
L’auteur nous révèle même, si nous ne l’avons pas su, que Monseigneur Félix-Antoine Savard a lui-même adopté le discours de l’assimilation volontaire et lors de la grande consultation populaire de 1980 en vue d’un projet de Québec indépendant, il a milité pour le camp du NON !
C’est pour nous tenir en haleine que Serge Gauthier a voulu donner une suite au Menaud de Savard et qu’il a écrit : « L’acropole des draveurs. »

Squared

Ouhgo (Hugues) St-Pierre196 articles

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Fier fils de bûcheron exploité. Professeur retraité d'université. Compétences en enseignement par groupes restreints, groupes de réflexion, solution de problèmes. Formation en Anglais (Ouest canadien), Espagnol (Qc, Mexique, Espagne, Cuba), Bénévolat latinos nouveaux arrivés. Exploration physique de la francophonie en Amérique : Fransaskois, Acadiens, Franco-Américains de N.-Angl., Cajuns Louisiane à BatonRouge. Échanges professoraux avec la France. Plusieurs décennies de vie de réflexion sur la lutte des peuples opprimés.





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6 commentaires

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    29 juin 2009

    Monsieur Serge Gauthier,
    Merci de vous manifester ici avec enthousiasme. Le hasard a voulu que j’ouvre votre livre « Québec folklorique » sans que je vous connaisse. C’est grâce aux Éditions du Québécois que j’ai traversé le mot « suspect » de « Folklore » pour aller à la rencontre de votre œuvre de recherche historique, ethnologique. J’ai cessé de lire en diagonale vers la fin où vous décrivez cette observation minutieuse de l’œuvre de Félix-Antoine Savard en évolution à travers les diverses éditions.
    Le fait d’offrir mes réflexions aux vigiliens nous a mérité la manifestation de Barberis-Gervais, ici même, puis en un article séparé où se sont ajoutés MMV et Dostie, aujourd’hui avec des éléments nouveaux. C’est d’ailleurs là même que j’ai pu donner à Mme Vallée ma compréhension plus développée de votre thèse sur l’œuvre Savard. Vous y constaterez, et j’en suis ravi, que ma description recoupe étonnamment celle que vous nous donnez ici. Merci.
    http://www.vigile.net/Menaud-aurait-vote-OUI-Savard-a

  • Archives de Vigile Répondre

    28 juin 2009

    Je remercie Ouhgo et Robert Barberis notamment car ce débat sur Savard est bien intéressant. Il faudrait peut-être une rencontre-débat sur ce sujet et je suis disponible s'il y a lieu.
    Quelques remarques cependant et je ne veux pas aller trop loin en ce sens car ce serait peut-être ennuyeux à la longue...car j'ai étudié très longtemps ce sujet.
    1) je ne crois pas que l'on doive dissocier Menaud de Savard : c'est son personnage et Menaud c'est vraiment lui. J'en veux pour preuve des enregistrements d'entrevues avec Savard que nous possédons où lorsqu'il parle de l'écriture de Menaud il fait part de sa révolte notamment contre l'exploitation des travailleurs, contre le fait que les patrons sont anglais. Cette révolte est bien la sienne en 1936-1937 et cela évolue cependant avec le positionnement social de Savard par la suite alors qu'il passe de curé de campagne à professeur d'université . Et il y a ensuite l'influence de Marius Barbeau notamment qui change son point de vue. Mais au fond Savard demeure Menaud et Menaud est encore et toujours sa création à lui.
    2) Il ne faut pas trop être monolithique en ce qui concerne le conservatisme de Savard: Savard favorise l'industrialisation de Clermont où il est curé de 1931 à 1945 et il écrit des textes en faveur de cette industrialisation profitable sur le plan économique à cette localité. Il pose aussi des actions: fondation d'un syndicat, création d'une coopérative de travailleurs notamment. Savard est conservateur sur le fond mais il ne rejette aucunement l'industrialisation.
    3) J'ai rencontré souvent d'anciens draveurs et la question de la langue ne faisait pas partie de leurs revendications importantes. En région québécoise où tout le monde est francophone le problème se pose bien différemment qu'à Montréal par exemple. La préoccupation de la langue chez Menaud vient bel et bien de Savard surtout. Encore là il a minimisé le tout dans les éditions de Menaud subséquentes à 1937.
    4) Je crois pouvoir affirmer que Savard a été tenté et fut même indépendantiste ou à peu près à certains moments de sa vie. Dans une émission du Sel de la semaine il dit même Vive le Québec libre! à la suite du Général de Gaulle qu'il admirait beaucoup. C'est plus son évolution personnelle et les compromissions qui vont avec qui expliquent son cheminement vers le fédéralisme et là-dessus on a abusé de lui le plus souvent. Mais voilà Savard ne ressemble-t-il pas à beaucoup de Québécois d'hier et d'aujourd'hui ? C'est comme pour les draveurs que j'ai connu certains étaient indépendantistes et d'autre pas. Il n'y a pas d'absolu. Nous sommes encore dans un cadre de colonisation politique. L'exemple de Savard est intéressant à ce sujet; je pense pourtant que grâce à notre réédition aux Éditions du Québécois on peut désormais retrouver Menaud et Savard et dire sans gêne je l'espère avec eux : Vive le Québec libre!

  • Archives de Vigile Répondre

    26 juin 2009

    A Ouhgo et à Serge Gautthier
    Je vous signale une analyse que j’ai publiée dans “La fin du mépris” (écrits politiques et littéraires (1966-1976) Parti pris, 1978, intitulée : Essai d’interprétation de Menaud maître-draveur. Mon livre est facilement trouvable dans les bibliothèques publiques.
    Mgr Savard signait ses lettres Menaud. J’ai démontré par une étude interne de l’oeuvre qu’il s’agit là d’une sorte d’imposture. Le narrateur, à première vue, décrit le drame de Menaud avec sympathie. Pourtant, la violence de Menaud est incompatible avec l’idéologie de Mgr Savard.
    Le problème de Menaud est un problème économique et un problème politique. Devant ce problème, Menaud concevra un projet de révolte violent ; un projet de fidélité aux valeurs du passé : le français. la religion catholique, l’agriculture, nos coutumes, nos chansons ; un projet séditieux au niveau de l’action, abattre les clôtures, continuer à chasser dans la forêt propriété des Anglais de la compagnie. Mgr Savard approuve la fidélité au passé mais rejette la violence.
    Le obstacles que Savard accumule devant le projet violent de Menaud indiquent son opposition radicale à ce projet. A ce projet de révolte et de violence, il oppose la sagesse du paysan Josime et sa réaction négative. La prédominance de la méditation sur l’action, la fonction de la poésie dans le récit, les thèmes concrets de l’arbre qu’on abat, de l’eau qui tue le fils de Menaud, du feu qui détruit indiquent que le projet de Savard n’est pas le même que le projet de Menaud.
    Au problème économique de Menaud, la solution de Savard est la colonisation de l’Abitibi pour fuir l’industrialisation qui est le fait de l’Anglais. Au problème politique, il n’y a pas de solution devant les députés patroneux. Et la révolte de Menaud est un cul-de-sac : elle conduit à la mort du fils par la violence de l’eau et à la folie de Menaud qui s’est perdu dans la tempête de neige en pleine forêt. Cette folie est un avertissement. si vous vous révoltez vous deviendrez fou comme Menaud et vous ferez peur aux enfants.
    Le roman de Savard est un hymne macabre à l’impuissance. Savard est un conservateur.
    Pas surprenant que son auteur ait voté NON devant le projet de pays proposé par les souverainistes, Menaud aurait voté OUI.
    Les descendants de Menaud dans Charlevoix et au Saguenay-Lac St-Jean votent majoritairement OUI à l’indépendance. Eux, ils sont fidèles à Menaud.
    Robert Barberis-Gervais, Vieux-Longueuil, 25 juin 2009

  • Archives de Vigile Répondre

    25 juin 2009

    Un Québec que nous méritons!
    C'est la même ruse que pour la nation que l'on nous reconnaît sans les moyens de l'exprimer!
    Nous avons un Québec soumis? Nous le méritons parce que non politisés, absents aux votes?
    C'est faire peu de cas des médias assimilateurs: TV et journaux complices à nier notre particularité culturelle et langagière, à nier notre droit de revendiquer, à dénigrer tout acte de résistance face à l'anglicisation, à la négation du français en Amérique: langue démodée et inutile!
    Guy-A. devra-t-il rendre des comptes à ses patrons de SRC? Il aura plutôt des félicitations: Tu les as bien eus: Le Québec qu'ils méritent, le Québec aveuglé de slogans, le Québec bien payant pour Bay Street: Ressources naturelles, main d'oeuvre à rabais, finances de dupes, peuple dominé, bon serviteur peu scolarisé et envieux des unilingues anglais, maîtres du monde. Québec enfin province comme les autres, matée!

  • Archives de Vigile Répondre

    25 juin 2009

    "Je vous souhaite le Québec que vous méritez !"
    C'est le nouveau slogan des Québécois résignés, lancé à la Fête nationale par le pape radiocanadien Lepage, non, pas le Lepage des silos de Québec, l'un des 4 motifs de fierté des Québécois tout le contraire de "à venir" mais "venus",(avec le Cirque, Céline et Picard Band), Guy-A., l'indépendantiste qui souhaite "Le Québec qu'ils méritent" à tous les peuples immigrés à Montréal, dans leur langue, sur le même pied d'égalité que la nation québécoise descendante de la Nouvelle-France, agressée par l'Empire britannique il y a 250 ans.
    Tout comme Félix-Antoine Savard l'a fait en 1980, le serviteur dominical d'Ottawa à SRC recommande de nous satisfaire du statut provincial que nous accorde la fédération canadienne. Il recommande de cesser la chicane avec nos voisins et de les laisser s'emparer de la Bourse, de la Caisse de Dépôt, des Grands hôpitaux, des universités qui aiment le bilinguisme et le multiculturalisme canadien. Cette résignation qu'il prêche, à la Menaud revisité, il ignore peut-être même que c'est la sournoise porte grande ouverte vers la Louisianisation, où quelques générations encore attireront les touristes pour this wonderful french livelyhood et où les grenouilles se laisseront bouillir à point comme les crawfish de la Nouvelle-Orléans. Ces Cajuns d'ailleurs en sont rendus à s'enorgueillir d'une culture préservée malgré la disparition de la langue...

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    23 juin 2009

    Une omission grave dans les références des volumes de l'auteur Serge Gauthier: il est publié chez
    les Éditions du Québécois.