PERSPECTIVES

Encore des nouvelles de la mondialisation

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La mondialisation ne fait plus recette

La mondialisation n’est plus ce qu’elle était. La croissance du commerce a perdu son bel élan, l’OMC a été abandonnée et les populations se méfient de plus en plus du libre-échange. Son avenir passera peut-être par la réhabilitation de l’approche nationale.
L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a dû réviser à la baisse, cette semaine, ses prévisions pour 2014 et 2015. Au lieu de la hausse du commerce mondial de 4,7 % prévue, on n’attend plus qu’une augmentation de 3,1 % cette année, et plutôt qu’une croissance de 5,3 % l’an prochain, on se contentera de 4 %. Ces prévisions — qui pourraient bien devoir encore être revues à la baisse avant longtemps — restent meilleures que la pauvre moyenne de 2,2 % affichée les deux dernières années, mais sont à des lieues des 6,8 % par an des deux décennies qui ont précédé la Grande Récession.

Cette spectaculaire baisse de régime est pour moitié le fait de facteurs conjoncturels, observait plus tôt ce mois-ci l’économiste de la Banque Royale Eric Lascelles. On pense, au premier chef, à la reprise économique encore poussive dans les pays développés. On pourrait citer aussi la guerre de sanctions commerciales entre la Russie et le reste du monde, les nombreuses explosions de violence au Moyen-Orient et autres virus Ebola. On sentirait aussi le retour d’une certaine forme détournée de protectionnisme.

L’autre moitié du problème viendrait d’un phénomène plus structurel — et donc plus permanent — lié au développement des économies émergentes comme la Chine, poursuivait Eric Lascelles. Après des années de rattrapage économique largement basé sur leurs exportations, ces nouveaux géants approcheraient d’un point où leur avantage comparatif, en termes de coûts de production, ne serait plus ce qu’il était, en même temps que les pays développés approcheraient du point où ils ne pourraient plus absorber plus de leurs produits exportés. Les pays émergents seraient ainsi forcés à se tourner de plus en plus vers le développement de leurs propres économies intérieures.

Stimuler le commerce

Aux prises avec une OMC en panne, les gouvernements qui veulent continuer à favoriser le commerce se sont tournés vers la négociation de traités bilatéraux et régionaux. Le Canada ne fait pas exception, lui qui a officiellement signé, cette semaine, un Accord économique et commercial global avec l’Europe (AECG) et un autre traité de libre-échange avec la Corée du Sud, et qui participe aussi, entre autres, au projet de Partenariat transpacifique avec 11 autres pays.

Ces gouvernements doivent cependant composer avec une opinion publique de plus en plus critique quant aux retombées de ce processus de libéralisation des échanges, qui ne se limite plus désormais à la simple réduction des subventions et tarifs dans le commerce des biens, mais cherche à s’étendre à des questions beaucoup plus complexes et délicates, comme les services, les contrats publics, les normes et règlements, la propriété intellectuelle et la mobilité de la main-d’oeuvre.

Ce scepticisme populaire se révèle particulièrement marqué dans les pays développés, rapportait la semaine dernière le Pew Research Center, dans un rapport couvrant 44 pays, mais pas le Canada. Sur 7 pays européens plus les États-Unis, la proportion médiane de ceux qui disent que le commerce est généralement une bonne chose pour leur pays s’élève tout de même à 79 %. Les choses se compliquent lorsqu’on entre dans les détails et qu’on demande aux gens s’il contribue à créer des emplois (44 %), à augmenter les salaires (28 %) ou à diminuer les prix (26 %). Fait à noter, ces proportions sont sensiblement plus élevées dans les économies émergentes, avec 52 % qui y voient une source d’amélioration en matière d’emplois et 45 % en matière de conditions salariales, et plus élevées encore dans les pays en voie de développement (66 % et 55 % respectivement).

Le Sud ne profite pourtant pas toujours de la libéralisation des échanges, observait au début du mois un rapport de la Conférence de l’ONU sur le commerce et le développement (CNUCED). On y citait l’exemple frappant de la Chine, qui, bien qu’elle assure désormais le tiers des échanges mondiaux totaux en matière de produits électroniques, ne verrait ses propres entreprises récolter que 3 % des bénéfices dans le secteur.

Stimuler la prospérité

Le problème du commerce mondial en est principalement un de croissance économique mondiale, observait à son tour la CNUCED. Et pour générer plus de croissance globale, il faut avant tout que chaque pays puisse maximiser son propre potentiel économique. Or, il faut prendre garde que la multiplication des traités de libre-échange ne limite pas trop la « marge d’action » économique, politique et budgétaire nécessaire aux gouvernements pour mettre notamment en place des politiques industrielles susceptibles de libérer ce potentiel de croissance nationale de même que pour « gérer la destruction créatrice ».

On ne nie pas le fait que de plus en plus d’enjeux — économiques et autres — nécessitent une coordination et des règles internationales. On souligne seulement qu’aucun « des pays aujourd’hui développés n’a été obligé de compter sur les seules forces du marché pour réaliser sa transformation structurelle et, ainsi, améliorer le niveau de l’emploi, de la productivité et du revenu par habitant ». Et l’on remarque, en passant, qu’il n’y a pas que les pays en développement qui ont redécouvert cette vérité avec la Grande Récession.


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