Québécitude

En stand-by

Pour un retour à l'identité canadienne-française

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Tribune libre

Après un an, on sait maintenant de quel bois se chauffe la CAQ. Le gouvernement Legault, l’élu des Canadiens-Français, ne fait que renforcer l’idéologie progressiste qui nous sert de nationalisme depuis 1968.


Ainsi les seuils d’immigration ne bougent pas, ainsi la loi 21 vient accentuer la distanciation entre l’État et un catholicisme pourtant consubstantiel à notre réalité nationale, ainsi une refonte plus inclusive du cours ECR et diverses mesures de promotion du français devraient compléter le programme d’ici 2022.


De ce bilan, la plupart se réjouissent, certains y voyant même le prélude à une renaissance souveraine. Seul Robert Laplante, dans son dernier papier, semble commencer à percevoir l’insignifiance identitaire et politique qu’entraîne le fait de n’être plus, aux yeux de Québec, que des « francophones ».


Car c’est bien là la place que les lois 101, 99 ou 21 nous attribuent : une communauté de francophones partageant un État et une identité avec une communauté anglophone et des Premières Nations. En québécitude, ni Québec français, ni nation française, mais bien l’obligation d’un bilinguisme d’État, d’une « laïcité », d’une neutralité officielle qui garantit la coexistence des multiples communautarismes culturels enrichissant la diversité québécoise.


Quoiqu’on dise, la québécitude est de jure et de facto une variation locale du post-nationalisme. Et en appelant toujours à renforcer un Québec idéalisé, en arguant sans cesse d’une supériorité de la québécitude sur le multiculturalisme, les « nationalistes québécois », pensionnés de la presse ou de la politique, ne font que masquer la tragique réalité que, pour l’essentiel, le post-nationalisme, qu’il soit de Québec ou d’Ottawa, c’est blanc bonnet et bonnet blanc.


Oh, ils furent habiles nos champions qui, péquistes hier, caquistes aujourd’hui, cherchèrent à centrer notre fierté nouvelle par des concepts aussi aléatoires que la francophonie, la laïcité ou la modernité; oui bien habiles, en tenant tout de même à nous reconnaitre une singularité ethnoculturelle, mais équivoque, qualifiée depuis de «  de souche » ou de « majorité historique ». Des périphrases qui ne veulent pourtant rien dire. Et nous, bonnes poires, on s’y raccroche comme à une planche de salut!


Être passé, en 50 ans, de Canadien-Français à Québécois francophone de souche est d’un grotesque achevé. Alors que nos prédécesseurs portaient, défendaient les droits et les revendications du Canada français face au Canada anglais, nation contre nation, notre combat d’aujourd’hui se réduit à soutenir une francophonie « laïque » au sein d’un État provincial tirant sa légitimité d'une « nation québécoise » toujours plus multiculturelle. C’est là une régression débilitante, en regard du droit, en regard du politique, en regard de l’histoire, en regard du simple bon sens.


Et nous en sommes là, en stand-by, en veilleuse, assistant à notre déclin accéléré, bercés par la prose inutile de nos vaillants chroniqueurs, pinaillant encore autour d’arguties légales, refusant surtout de voir la québécitude pour ce qu’elle est : un rejet de ce qui, aux travers des siècles, fondait notre existence nationale, un reniement de notre caractère français et catholique de culture d'où nous tirions notre force.


Tant que nous n’ouvrirons pas les yeux, tant que nous ne nous sortirons pas de ce mauvais rêve, tant que nous ne reformerons pas nation à nouveau, rien ne changera.



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2 commentaires

  • Alexandre Cormier-Denis Répondre

    23 janvier 2020

    Vous avez raison sur le bilan que vous faites de la CAQ : http://nomos-tv.com/bilan-apres-un-an-la-caq-est-un-parti-gauchiste


    Sur le bilan linguistique, rappelons que c'est la constitution canadienne qui oblige le Québec à accorder des commissions scolaires primaires et secondaires aux anglophones. Un gouvernement nationaliste pourrait décider, sans contraite constitutionnelle, de franciser le réseau des collèges anglophones ainsi que les trois universités ; McGill, Concordia et Bishop.


    Vous dites : « Quoiqu’on dise, la québécitude est de jure et de facto une variation locale du post-nationalisme. » 


    Je crois plutôt que l'identité québécoise reposait sur l'idée de créer un patriotisme civique de type territorial et culturel qui devait mener à l'établissement d'une République souveraine. Le projet indépendantiste - en encore, il faut voir à quel point le PQ a réellement voulu la souveraineté - ayant échoué, le nationalisme québécois n'a eu d'autres choix que d'embrasser un récit assimilateur envers les nouveaux arrivants, sans avoir la puissance symbolique des les intégrer à la nation.


    Pour revenir à l'identité canadienne-française, il faudra assumer le retour de la question ethnique. Bien des souverainistes, même chez les nationalistes jugés « identitaires », seront incapables de faire ce saut conceptuel en le voyant comme une régression politique.


    • Éric F. Bouchard Répondre

      27 janvier 2020

      McGill français? Cette question est pourtant close depuis 1977, avec le préambule de la loi 101, on ne peut plus clair sur le bilinguisme québécois : « L’Assemblée nationale entend poursuivre cet objectif [faire du français la langue de l’État] dans un esprit de justice et d’ouverture, dans le respect des institutions de la communauté québécoise d’expression anglaise et celui des minorités ethniques, dont elle reconnaît l’apport précieux au développement du Québec ». Autrement dit, en québécitude, le français est certes langue officielle et d’usage, mais il n’est pas la seule. Et la loi 99 n’a fait que renforcer cet état de droit.


      Vu sur un autre angle, on pourrait dire que si le Québec promeut le français et s’il entend bien faire de sa population d'âge scolaire issue de l’immigration, des « francophones », ces derniers peuvent très légitimement rejoindre par la suite la précieuse « communauté québécoise d’expression anglaise » bien plus au diapason de la réalité nord-américaine. C’est ce qu’on constate toujours davantage en région montréalaise, notamment du fait des premiers signes de notre effondrement démographique. Legault n’y voudra rien changer, parce que fidèle à la québécitude, fidèle comme le serait n’importe quel gouvernement « nationaliste » québécois qui lui succéderait.


      La seule chose que tout ce beau monde peut faire, c’est ce que Frédéric Bastien propose : défendre encore et toujours la primauté de Québec sur Ottawa. En somme, ce que le PQ nous ressert ponctuellement depuis 50 ans avec les conséquences que l’on sait…


      À partir des années 1970, les néo nationalistes ont eux-mêmes « biculturalisé » l’État du Québec en reconnaissant statutairement cette « communauté québécoise d’expression anglaise » comme partie du peuple d’où ils entendaient désormais tirer leur légitimité pour prétendre à la souveraineté. Dès lors, la longue lutte des Canadiens-Français pour reconquérir un espace culturel, juridique et politique qui soit pleinement leur, leur combat pour établir des structures et des institutions pouvant leur assurer une pérennité nationale, cette quête menée depuis la Conquête jusqu’aux États généraux devenait caduque.


      Quand on s’identifie au Québec, quand on se dit Québécois (de souche ou non), a fortiori quand on parle en son nom ou à ce titre, quoique vous en pensiez, on ne fait que reconduire cette conception progressiste de la nation, que consolider cet état de droit qui nous condamne, nous les Canadiens-Français, à la déculturation et au déclin. D’où l’urgente nécessité de relever notre nationalité séculaire pour enrayer le processus. Il faut pouvoir réagir, il nous faut défendre nos intérêts nationaux à nouveau.


      Trop ethnique? Ce le sera toujours trop pour les progressistes. Et puis, si on prend un peu de recul, on constate bien que la plupart des nations réfèrent à un héritage ethnique particulier, Catalogne et Écosse comprises. Est-ce que tous les Hongrois sont Magyars? Non, mais la Hongrie se fait gardienne de la culture magyare. Pourquoi ne devrait-il pas en être de même pour nous? Pourquoi devrions-nous tout sacrifier? Une régression politique? Laissez-moi rire. Tant que nous nous sommes dressés pour faire respecter notre caractère français et catholique, nous avons eu la force de résister aux plus puissants, et on nous considérait pour ça.


      En fait, les seules régressions politiques majeures que nous ayons subies advinrent suite à des périodes de nationalisme parlementaire ou idéologique. Oui, l’échec lamentable des Patriotes qui fait précisément écho à celui des péquistes d’hier et d’aujourd’hui. Du reste, c’est une question de volonté.