En Hongrie, rien n’arrête la démocrature d’Orbán

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Viktor Orban : le grand résistant à l'ordre libéral-libertaire

Des élections législatives auront lieu en Hongrie le dimanche 8 avril prochain. Depuis son arrivée au pouvoir en 2010, le premier ministre hongrois, Viktor Orbán, baigne dans la surenchère populiste. Le discours au ton électoral qu’il a tenu le 15 mars dernier en est le parfait archétype. À quelques jours des élections, Viktor Orbán promettait une « revanche sur les plans moral, légal et politique » si son parti est réélu pour un troisième mandat. Une revanche aux accents anti-Europe, mais, surtout, nationalistes. Il n’y va surtout pas de main morte : l’Union européenne (UE), selon lui, « a ouvert la voie au déclin du christianisme » en ouvrant ses frontières aux migrants. Et seul son gouvernement « sait résister à l’envahissement de l’univers islamique ».


Face à la crise de migrants en 2015, la Hongrie d’Orbán s’est montrée des plus réfractaires. Durant la même année, le Conseil européen avait essuyé un refus de la Hongrie d’accepter un quota de près de 1200 réfugiés. À l’heure actuelle, un mur anti-migrants y est installé à la frontière sud. Et qu’arrive-t-il aux migrants qui tentent de déroger à la règle et d’y entrer illégalement ? Ils passent par la prison.


Mais l’intransigeance d’Orbán liée à la question migratoire n’est pas l’unique source d’embarras pour les institutions de l’UE. Depuis huit ans, la démocratie hongroise, elle aussi, se voit acculer au mur — au grand dam de Bruxelles. Et tout semble indiquer que la situation n’est pas sur le point de changer. À l’approche des élections législatives du 8 avril, le Fidesz, le parti de Victor Orbán, caracole en tête, loin devant les autres partis. Fort de sa majorité législative des deux tiers à la Diète, le Fidesz se cramponne certes au pouvoir grâce à sa forte popularité. Seulement, le populisme n’est pas l’unique clé de réussite dans l’équation : le système électoral est d’ores et déjà à la botte du parti.


La démocratie « illibérale » de Viktor Orbán prend ses aises en Hongrie. Et pour cause. Une étude publiée en mars par le groupe de recherche allemand Bertelsmann Stiftung dévoile que le tournant autoritaire du régime est, à l’heure actuelle, au seuil de l’autocratie. Si le Fidesz hérite aujourd’hui d’une forte majorité au Parlement, c’est la démocratie qui a écopé. En novembre 2012, une loi controversée est votée au Parlement : la carte électorale est alors retracée de fond en comble ; les assises du Fidesz se voient consolidées ; l’opposition est réduite comme peau de chagrin.


Cette loi électorale n’est pas sans rappeler la réécriture de la Constitution en 2013, les multiples atteintes à la liberté de la presse et l’effritement de la séparation des pouvoirs. En huit ans, les coups portés à l’encontre de l’État de droit se sont multipliés.


La presse n’échappe pas au collimateur du régime. En automne 2017, une « liste de journalistes ennemis » est publiée par le gouvernement. Leur crime ? D’avoir « discrédité » et « salit » l’image de la Hongrie avec leur « vision altérée de la réalité ».


Contrôler le message, voilà la maxime tacite à laquelle s’accroche Viktor Orbán. Depuis des mois, George Soros, un philanthrope américain d’origine hongroise, est la bête noire du régime de Viktor Orbán. Au point d’en constituer un véritable outil de campagne électorale. Sa faute ? « D’encourager l’immigration illégale » et « d’imposer à la Hongrie le modèle libéral venant de l’Ouest ». « Orbán a décidé qu’il avait besoin d’un ennemi extérieur pour mobiliser sa base, et il l’a trouvé en George Soros », note Frédéric Mérand, directeur du Centre d’études et de recherches internationales (CERIUM).


Les ONG, elles aussi, sont visées dans la foulée de cette campagne anti-Soros. Un texte législatif visant à restreindre les organisations « soutenant l’immigration » risque d’ailleurs d’être voté prochainement au Parlement.


Que fait l’UE ?


Si la Hongrie a intégré l’Union européenne en 2004 sous l’étendard des valeurs libérales, son tournant autoritaire irrite aujourd’hui Bruxelles. À l’heure actuelle, la démocratie hongroise « est, sur papier, la plus à risque au sein de l’Union européenne », note Frédéric Mérand. Sur le plan légal, un État membre de l’UE qui ne respecte pas les fondements de la démocratie est passible d’exclusion. Alors, comment Viktor Orbán fait-il pour éviter les sanctions dures de l’UE ? « En ménageant ses alliances politiques », explique le professeur Mérand. Et par la ruse politique.


Au sein du Conseil européen, Orbán compte des alliés de taille. La Pologne, par exemple, qui embrasse elle aussi depuis peu le populisme autoritaire, ne donnerait jamais son aval à l’exclusion de la Hongrie. En clair, l’intervention de l’Union européenne à l’endroit de la Hongrie est circonscrite.


Toutefois, il n’y a pas que le jeu des alliances qui renforce la position d’Orbán. Car même s’il contourne la démocratie par d’autres moyens légaux, « Orbán jouit d’une véritable légitimité démocratique » en raison du soutien fort de sa base électorale. « Ce n’est pas un dirigeant qui a pris le pouvoir par la force », rappelle le chercheur.


En conflit sur la question migratoire et sur les conceptions démocratiques, Budapest et Bruxelles sont-ils donc près de la rupture ? Orbán n’a aucun intérêt à ce que la Hongrie quitte l’UE, et ce, notamment pour des raisons économiques. Son pays est fortement dépendant des fonds européens, et il le sait. Deux visions s’opposent. L’Europe chrétienne vis-à-vis de l’Europe libérale ; voilà le nerf de la guerre. Celle d’Orbán est assombrie par les « nuages noirs » et l’immigration. Celle de Bruxelles est ombragée par le populisme et l’autoritarisme, qui ont le vent dans les voiles.



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