En finir avec les clichés

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Les Québécois nostalgiques d'un esprit familial mis à mal par le libéralisme



L’année 2018 se terminera avec le Bye Bye, cette liturgie médiatique, miroir plus ou moins déformé de ce que nous devenons collectivement.




Cette cérémonie des adieux à l’année qui s’éteint est la démonstration la plus éclatante et troublante de notre sens grégaire. En effet, quiconque n’est pas de souche peut difficilement décoder ce « party du jour de l’An » qui réunissait jadis les « habitants » dans nos campagnes aujourd’hui envahies par les urbains en mal de vastitude.




Le Bye Bye, c’est la famille reconstituée au grand complet. C’est une réalité cathodique où nos complexes, nos faiblesses, nos mesquineries, mais aussi notre humour, notre irrespect, nos blessures secrètes et nos plaisirs toujours coupables sont révélés dans un concentré plus ou moins heureux selon les années.




On nous servira des clichés, mais on pourra mettre en scène nos psychodrames collectifs. Ce grand défoulement est sans doute inspiré plus ou moins inconsciemment du sacrement exceptionnel qu’est la confession.




Culpabilité maudite




Il faut entrer dans les églises pour découvrir les confessionnaux, des antres sombres où l’on avouait ses péchés avant de sortir l’âme allégée de la culpabilité maudite, ce trait culturel qui a perduré après la mise au rancart de l’Église.




De nos jours, les Québécois ne sont plus pardonnés de leurs péchés. Au contraire. Certains malins — cela inclut Couillard, Trudeau et des supporters néo-québécois — les accusent plus ou moins ouvertement d’intolérance et autres étiquettes se terminant en « phobe ».




Or, malgré les apparences, les Québécois sont démunis devant ces clichés accablants. La culpabilité remonte et il n’y a personne pour leur donner l’absolution.




Le Bye Bye est le rassemblement francophone le plus représentatif du Québec. En Floride, les « snowbirds » milliardaires et ceux de condition plus modeste repliés dans des terrains pour maisons mobiles sont tous devant leur écran après avoir fait bombance le 31 au soir. Bouder le Bye Bye est un crime de lèse-québécitude.




Éclatement social




Car les Québécois s’ajustent mal à l’éclatement social dans lequel les enferme la technologie actuelle. Ils s’ennuient des rassemblements familiaux d’antan, et quant à leurs enfants lors des partys, citoyens du monde, narcissiques, affranchis du passé et ricanant de la devise encore inscrite sur les plaques d’immatriculation, ces sauteries leur sont étrangères.




Les Québécois de 2018 sont moins à la mode, moins « tendance » que le laissent croire les antennes branchées de l’espace médiatique. Ils ont gardé au fond d’eux-mêmes une nostalgie qui surgit en cette période des Fêtes.




Ils vivent avec un manque non pas à gagner, mais à espérer. Ils cherchent non pas une direction, mais un sens à leur vie effrénée. Celle-là même qui a motivé les gens à s’engouffrer dans les centres commerciaux le 26 décembre. Ils sont à la recherche non pas d’aubaines plus ou moins bidon, mais de rêves dont ils arrivent mal à définir les contours.




N’est-ce pas ce que l’on appelle le mal de l’âme qu’aucun billet de banque ne peut adoucir ? Le ciel est une expression désuète pour décrire l’angoisse existentielle qui ombrage ce siècle.