En Allemagne, un préfet retrouvé mort, une balle dans la tête

82c1dac8be85c456f3ae045e8b71fc99

Assassinat politique en Allemagne : « Voilà ce qui arrivera à Merkel et aux autres. »

Qui a tué Walter Lübcke, le préfet de Cassel (Hesse), retrouvé sur la terrasse de sa maison, une balle dans la tête, dans la nuit du samedi 1er au dimanche 2 juin ? Les enquêteurs n’ont pas la réponse. Mais son assassinat est venu rappeler la haine que vouait l’extrême droite à ce chrétien-démocrate de 65 ans depuis qu’il avait soutenu la politique d’accueil d’Angela Merkel pendant la crise des réfugiés, en 2015.


Sur les réseaux sociaux, l’annonce de sa mort a suscité une avalanche de réactions haineuses venant de comptes identifiés comme proches de l’extrême droite. Parmi elles : « Le fils de pute a eu le coup de grâce. Respect ! » Ou encore : « Bien que ce traître nous ait quittés, hahaha, une balle dans la tête, hahaha. » Autre exemple : « Coupable, pas de pitié, voilà ce qui arrivera à Merkel et aux autres. »


Membre de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) depuis le milieu des années 1980, député au Parlement régional de Hesse de 1999 à 2009, M. Lübcke avait été nommé préfet (Regierungspräsident) du district de Cassel – ville universitaire de 200 000 habitants située entre Francfort et Hanovre –, par le ministre de l’intérieur de ce Land de l’ouest de l’Allemagne, Volker Bouffier (CDU), en 2009. Devenu depuis ministre-président de Hesse, M. Bouffier a rendu hommage, dès dimanche matin, à un « compagnon de longue date ».


En octobre 2015, un mois après la décision prise par Mme Merkel de ne pas fermer les frontières de l’Allemagne aux réfugiés fuyant les guerres du Moyen-Orient pour rejoindre l’Europe de l’Ouest en prenant la route des Balkans, M. Lübcke avait clairement pris position pour leur accueil, au nom des valeurs chrétiennes. « Ceux qui ne partagent pas ces valeurs peuvent quitter ce pays à tout moment », avait-il déclaré après avoir reçu des menaces de mort à l’occasion d’un débat citoyen. A cette époque, il avait été publiquement insulté par des membres du mouvement anti-islam et anti-migrants Pegida, fondé fin 2014 à Dresde (Saxe). Pendant quelques mois, il avait bénéficié d’une protection rapprochée.


Mardi, l’adjoint de M. Lübcke a rappelé que ce dernier, depuis cette époque, recevait régulièrement des menaces de la part de groupes d’extrême droite. Notamment des Reichsbürger (« citoyens du Reich »), issus d’une organisation de nostalgiques du IIIReich qui ne reconnaissent pas l’existence de la République fédérale d’Allemagne, refusent de payer leurs impôts et fabriquent leurs propres papiers d’identité. Selon l’Office fédéral de protection de la Constitution, ils seraient environ 20 000.


Plusieurs responsables politiques se sont indignés des commentaires exprimés sur les réseaux sociaux après l’annonce de la mort de M. Lübcke, relançant au passage le débat sur la loi de contrôle des réseaux sociaux (« NetzDG »), qui impose aux plates-formes d’échange sur Internet – comme Twitter, Facebook, YouTube ou Instagram – de supprimer les messages dont le contenu est « manifestement illégal » dans les 24 heures suivant leur signalement. En vigueur depuis le 1er janvier 2018, cette loi est contestée par les uns au nom de la défense des libertés, et critiquée par d’autres, qui la jugent trop peu efficace.


Mercredi, le président fédéral, Frank-Walter Steinmeier, s’est exprimé sur l’affaire depuis la tribune du congrès des maires, à Dortmund (Rhénanie-du-Nord-Westphalie). « Nous ne savons encore rien de l’origine du crime, mais il y a quelque chose de cynique, de détestable, de répugnant et d’odieux dans la satisfaction que certains ont exprimé sur les réseaux sociaux en apprenant sa mort. Pour être honnête, je souhaiterais plus d’indignation que je n’en vois pour le moment, ainsi que plus de sentiment de responsabilité de la part des plates-formes qui continuent de répandre de tels sentiments de haine », a déclaré M. Steinmeier.


L’enquête sur la mort de M. Lübcke pourrait être compliquée par le fait que son corps aurait été déplacé par un ambulancier arrivé sur place avant la police, ont révélé, mardi soir, Bild et le Spiegel. Interrogés sur ces révélations, les enquêteurs ont toutefois refusé de parler d’une « manipulation ».