Réplique à Michel David du Devoir sur le départ de Legault

Éloge d'une paresseuse nation ...

... qui travaille fort à son émancipation

Tribune libre

Hé, oui, monsieur David, vous vous situez au côté des défenseurs du néolibéralisme. L’accusation d’en être porte puisque vous la reconnaissez d’avance. Vous savez ce qu’elle signifie. C’est déjà ça de pris. Et en plus vous ergotez sur la nécessaire austérité du travail.
Bon. Maintenant, qu’est-ce qu’on fait avec ce triste constat ? On revient à la réalité. Celle du travail justement. Que nous soyons moins travaillants que les anglais, nous pouvons nous en faire une gloire. C’est la fierté du Front populaire ressuscité. Celle de la France reposée après son mois d’août qui revient au travail plus productive tout comme nous après de trop courtes vacances de la construction qui ont restauré nos muscles fatigués par le labeur physique. C’est la fierté du travail bien fait parce que les jours sont moins longs et moins pénibles.
Vous-même, scribouillard, ne pondez-vous pas vos chroniques sans y mettre la touche janséniste qui en ferait de plates lectures somnifères ?
En ces temps de crise, la France du Front populaire revient à la mode. Elle avait réhabilité Rabelais, ce jouisseur impénitent que l’on devrait ramener en classe au Québec dès le plus jeune âge pour que les dires du moine rondelet nous enseignent à ne pas nous sentir coupables de tous les tors que nous revendiquons devant les ascétiques lucides qui ne prêchent qu’en paroles en s’adonnant sans doute eux-mêmes, grand bien leur fasse, au bonheur du farniente tout en voulant le nier au peuple du Québec.
Jouissez, monsieur David, et laissez les Bouchard et les Legault s’apitoyer sur le sort du pauvre Québec dont les statistiques montrent pour une fois que nous sommes parmi les nations du monde qui savent le plus, avec ces allemands et leur bonne bière, profiter de la vie pour oublier les misères de nos inégalités avec le pendant anglophone de ce rigoureux Canada. Canada qui s’acharne sur les prisonniers et les jeunes pour tisser sa toile de conservatisme radical. Les États-Unis viennent de foutre Bush à la porte. Pourquoi attendre pour Harper ?
Jouissez, monsieur David, et évitez-nous ces plaidoyers pour le travail qui ne nous rapporterait rein de plus même si nous nous y adonnions comme ces damnés de la terre qui s’échinent pour quelques sous dans de longues et interminables journées d’usines qui les abrutissent.
Faites la leçon à nos éloquents défenseurs de la rigueur au travail pour qu’ils cessent de larmoyer sur notre paresse et qu’ils s’y mettent avec nous en bons bourgeois qui aimeraient leur peuple pour la qualité de vie qu’il insuffle à notre créatrice nation.
D’un amusement sans fin, n’avons-nous pas fait une transnationale du loisir et de la fête ? Nos cinéastes ont inventé la caméra à l’épaule et le cinéma vérité pour s’éviter tous les tracas et misères des grandes productions des États-Unis ou d’Europe. Les Japonais nous ont volé le concept de caméra à l’épaule ? Grand bien leur fasse, nous sommes généreux de nos innovations prêts à en laisser mûrir d’autres. Ceux qui nous le reprochent voudraient que tout ce qu’ils touchent se transforme en or. Ils veulent mettre à leurs mains une nation trop vivante, trop rebelle, pour se figer dans leur métal culte.
D’une saison morte nous avons fait la saison des longues cavales en motoneige. Pourquoi gémir sur notre paresse ? Nous en sommes bien loin. Parler de l’immobilisme d’une nation comme la nôtre c’est sans nul doute avouer son manque d’imagination pour la suite de ce monde indépendant que nous ferons … sans nos accusateurs s’il le faut. Nos poètes inspirés par la décolonisation chantent la liberté et leur voix porte si loin qu’on les sait traduits partout où l’homme est encore à rapailler.
Pleurez sur vos tristes figures et laissez-nous créer par dizaines des projets dignes du Cirque du Soleil coopératifs où les clowns et les acrobates s’amusent en travaillant.
Laissez-moi diffuser encore le magnifique « Droit à la paresse » de Paul Lafargue, comme un missionnaire ardent et passionné son catéchisme, pour déculpabiliser les gens de leur goût pour jouir de la vie au travail moins pénible, plus payant et que vos calculs d’économiste voudraient rendre plus fastidieuse.
Honte à vous qui n’écrivez pas pour rendre la vie plus belle mais qui vous appliquez à la faire expiatrice du premier péché d’Adam qui n’a croqué somme toute qu’une bien bonne pomme qui pourrait tout aussi bien venir de Rougemont. Là où on les cultive depuis des années pour nos goûters d’écoliers en mal de décrocher parce qu’on les accuse de paresser trop au lieu de se former une imagination créatrice à la hauteur des défis du monde contemporain qui accueille pourtant avec étonnement nos talents comme ceux de Lepage.
Vous voulez faire du travail vertu ? Cessez de le payer à rabais alors que les goussets s’emplissent et se font charitables plutôt que payeurs de taxes comme nous. Dites à vos maîtres nationalistes ou autres qu’une nation dont le cœur ouvrier s’arrête de rêver n’ira pas bien loin sur le chemin de son émancipation.
Cessez d’accuser. Cessez les procès. Nous sommes déjà tous au travail (à l’exception de ceux dont vous avez laissé fermer les usines) et taraudés de l’intérieur par le désir d’une liberté que vous voulez déjà soumettre pour toujours au salariat. N’en demandez pas plus fait avec moins. Cessez vos calculs mesquins et rendez-nous notre dû en revenu décent, en juste repos, en éducation gratuite, en services de santé publics et accessibles et en reconnaissance pour nos contributions à vous faire vivre grassement.
Toujours réalistes, nous voulons tout.
Guy Roy, un solidaire fier de l’être


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