Comment et pourquoi Québec solidaire est-il un parti de la rue

Tribune libre

Un jour j’ai lu, de la main d’un éditorialiste du Soleil, un journal de la Ville de Québec, que les organisateurs de manifestations comme moi offrent aux gens la possibilité de s’exprimer. C’était au moment des préparatifs de la guerre en Irak. Depuis on a su d’où venaient les mensonges et la propagande belliciste.
La déclaration du journaliste m’a pris de cours. Je n’étais plus ce « trouble-fête qui fait faire du temps supplémentaire aux policiers », comme on parle des militants de gauche dans les radios poubelles de Québec, j’étais un agent de la démocratie. Je n’étais plus ce subversif « qui veut que tout le monde soit sur le bien-être », mes initiatives avaient un poids politique sérieux. Je m’en suis senti fier. Je faisais quelque chose de positif, reconnu par un journal traditionnel. Ça m’a donné confiance. Je cite encore cette affirmation pour expliquer que nous servons nous aussi la liberté d’expression.
Les responsabilités que je prends d’organiser des manifestations avec d’autres sont le pendant du droit qui m’est reconnu de protester jusqu’à ce que nous soyons mis au pouvoir. Et je n’irai au pouvoir avec Québec solidaire ou avec le parti communiste, mon collectif dans Québec solidaire, que si l’occasion m’est donnée de l’exercer différemment, autrement. Je suis donc légitimement en droit de contester jusqu’à ce qu’on finisse par admettre que ma contestation est légitime. Elle est un moteur du changement. Dans le cas de l’Irak, l’histoire nous donne raison. Les États-Unis d’Obama s’en retirent en admettant leur erreur !
La plupart des gens laissent leurs représentants politiques élus parler pour eux. Ceux et celles qui viennent à nos manifestations décident de parler par eux-mêmes. « Ils votent avec leurs pieds », comme on dit. Ce sont des gens qui agissent. Ils prennent la peine de se déplacer. Parfois même sous la pluie. Ils viennent avec leur famille, leurs enfants sont avec eux. Nous n’avons de sérieux concurrents que chez les marchotons. Mais cela tient de la même implication personnelle.
Ces marchotons sont inspirés eux-mêmes historiquement d’une initiative de solidarité internationale de notre adolescence : les Rallyes Tiers-Monde. Ils consistaient, comme maintenant, à se faire commanditer selon la longueur de la marche individuelle, non pour soutenir la recherche, mais pour financer des projets de développement dans les pays du Sud. Il en existe encore une version dans la Marche des 2/3 qui en reproduit la tradition dans certaines écoles au secondaire.
Un de ces jours, nous aurons l’occasion politique d’expliquer aux participants de ces marchotons pour l’avancement des sciences que si les pharmaceutiques payaient leurs impôts au lieu d’encaisser les subventions sans avoir à en répondre publiquement, il y aurait bien plus de recherches sur toutes ces maladies pour lesquelles ils battent le pavé !
C’est cette présence populaire qui donne à nos manifestations un poids politique beaucoup plus important qu’un communiqué de presse du parti libéral, par exemple. Ainsi, à la suite de la guerre de Gaza, Israël a gagné militairement, mais politiquement, ils se sont isolés encore plus. Les manifestations à Québec sur ce thème, moins nombreuses que celles sur l’Irak, ont fait la deuxième page du Journal de Québec, un journal beaucoup lu dans les milieux de travail. Nos 450 ballons aux couleurs de la Palestine et pour chaque enfant tué ont eu autant sinon plus de portée, pour montrer d’où venait la barbarie des guerres, que les discours enflammés du maire Labeaume sur la barbarie des Talibans en Afghanistan que nos vaillants soldats sont sensé combattre. Les Talibans ont au moins le mérite de défendre leur pays contre une agression étrangère. Vous connaissez le dicton populaire : « Ces américains, ils ont le nez fourré partout. Qu’ils se mêlent donc de leurs affaires ».
Ces manifestations sont organisées par des militants de tous les horizons. La manifestation contre la présence militaire dans la Ville de Québec et en même temps en Afghanistan l’était sous la gouverne d’un groupe appelé « Guerre à la guerre » avec le thème décidé collectivement : « Ni à Kaboul, ni à Québec, pas d’armée dans nos cités ». Elle a été fort populaire. Elle a regroupé prés de 500 personnes sous une pluie battante qui ont donné la frousse à notre bon maire. Il faut dire que les employés de la ville en négociations et des nationalistes québécois avaient averti qu’ils avaient l’intention d’user de leur droit de manifester au moment où le maire recevait des hôtes de marque pour lancer les Fêtes du 400 ième anniversaire de la ville. Les parades des armes, et la cérémonie du droit de cité pour l’armé canadienne qui y étaient associées, nous avaient donné le goût d’y mettre notre grain de sel. Comme dans bien des cas, ce sont les anarchistes qui ont joué le rôle d’avant-garde pour convoquer tout le monde. Le poids politique de cette manifestation a été celui d’une belle gang d’antimilitaristes, y compris Québec solidaire, qui ont effectivement mis leur grain de sable dans la belle machine propagandiste du fédéral et de l’armée canadienne pour justifier l’occupation de l’Afghanistan et du Québec. Elle avait aussi le mérite de demander poliment à l’armée de ne plus considérer Québec comme un de ses retranchements en attendant de porter des coups aux peuples du monde sous le couvert de l’OTAN.
Une belle réussite qui est passée par la rue comme lieu de la libre expression pour clarifier les enjeux politiques de la présence militaire dans nos villes. À Ottawa dernièrement, s’est tenu un salon militaire qui a réussi à détourner un règlement municipal qui les interdit. Les protestataires contre la présence de ce salon, dont un conseiller municipal, expliquaient que ce sont les nations ou les pays qui déclarent les guerres, mais que ce sont les villes qui sont bombardées. Encore une occasion en or pour une petite manifestation qui porte le message bien au-delà de la scène de son déploiement car elle a bénéficiée d’une couverture médiatique qui en a répercuté les effets parmi le grand public.
Les artisans de ces gestes publics sont des gens comme vous et moi. Ils appellent la population par des affiches, des tracs, des communiqués de presse, … à user de ses droits et pouvoirs pour sortir de la quiétude de la maison et protester. C’est un droit démocratique contre lequel les policiers ne peuvent rien. Dans bien des circonstances, ils prétendent même le défendre. Et leur présence devrait selon eux en garantir l’exercice pacifique … quand ils n’y sont pas déguisés en provocateurs !
Les syndicats, les groupes populaires, les citoyens de tout ordre, … ont ce droit depuis des années. Il est garanti par les Chartes. S’il devait être nié un jour, ce serait une sérieuse entorse à la démocratie telle que nous la connaissons. Il l’a été à Québec en 1918 durant la première guerre mondiale à l’occasion de protestations populaires où l’armée canadienne a tiré sur la foule. Un monument a été élevé en l’honneur des victimes ouvrières de ce déni de droit.
Sous les suggestions de différents intervenants politiques en leur sein, dont Québec solidaire, les acteurs sociaux et politiques usent de ce droit pour manifester, et leur influence, et le pouvoir que nous avons de changer le cours des choses. C’est un instrument de notre pouvoir. Il ne devrait pas nous être nié en aucune circonstance à moins de servir les visées de criminels ou de fascistes qui n’auraient d’objectifs que de le nier au plus grand nombre.


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