Du pur esprit partisan

Ces comités parlementaires sont devenus une farce. Qu'ils ferment boutique!

Le grand cirque ordinaire des illusions « Canadian »



Sur la table de nos parlementaires fédéraux, il y a un projet controversé de réforme de l'immigration; il y a quatre projets de loi dont on craint qu'ils ouvrent la porte à la recriminalisation de l'avortement; il y a la guerre en Afghanistan, où des centaines de jeunes Canadiens risquent leur vie; il y a le terrible dossier de l'ex-enfant-soldat Omar Khadr, qui croupit à Guantanamo, seul détenu dont le pays n'a pas réclamé l'extradition.
Et que font nos députés? Ils se penchent sur l'affaire Couillard-Bernier, pour ne pas dire sur le décolleté de la dame. Ils passeront quatre jours de leur précieux temps - du temps chèrement payé par les contribuables - à examiner en comité parlementaire les problèmes de sécurité qu'aurait posés la liaison de l'ancien ministre avec une femme aux antécédents douteux (quoique non criminels).
Objet du scandale: les documents classés que M. Bernier aurait oubliés chez Mme Couillard. À qui fera-t-on croire que ces documents mettaient la sécurité du pays en danger? Quand on dit à la blague qu'ils contenaient la liste des capitales des pays membres de l'OTAN, on n'est peut-être pas loin de la vérité!
Et si, d'aventure, ces documents avaient une importance cruciale, pourquoi ne pas laisser le ministère des Affaires étrangères mener son enquête? Pourquoi ne pas faire intervenir la GRC, si l'affaire prend une tournure vraiment suspecte?
Quel besoin a-t-on d'entendre les députés de l'opposition faire leur petit numéro autour d'une question qui serait depuis longtemps tombée dans l'oubli, n'eussent été une paire de seins capiteux et des liens passés de Mme Couillard avec quelques personnages peu recommandables?
On comprend l'empressement de l'opposition à exploiter ce roman-savon. Le Bloc est prêt à tout - même à ébruiter des ragots de salon de coiffure - pour couler les Tories qui le talonnent. Les libéraux ont sauté à pieds joints sur cette diversion, eux qui, par peur d'aller en élection, viennent une fois de plus de s'écraser en s'abstenant de voter contre la réforme de l'immigration qu'ils dénoncent sur tous les toits.
On verra donc encore une fois le bloquiste Serge Ménard à l'affiche dans le rôle du Grand Inquisiteur, rôle qu'il avait répété lors de la comparution de Brian Mulroney devant un autre comité parlementaire. Dommage que Me Ménard gaspille ses indéniables talents de plaideur pour des causes aussi inutiles, et qui puent l'esprit partisan.
On aurait dû s'en douter. Nos députés d'arrière-ban n'allaient pas laisser passer l'occasion d'exploiter une affaire croustillante pour se faire voir à RDI et à Newsworld, eux dont la visibilité est quasi nulle en temps normal.
Il ne s'agit pas ici de minimiser les incidents qui ont mené à la démission forcée de Maxime Bernier, et qui feront un tort certain aux conservateurs et au premier ministre lui-même.
Ce dernier, on l'a dit et répété, a sérieusement manqué de jugement en nommant un néophyte à un ministère stratégique. M. Bernier lui-même a manqué de jugement en s'acoquinant publiquement avec une femme qui n'était pas le genre de compagne idéale pour un ministre, la preuve en étant que la pauvre fille n'a de cesse de déblatérer sur toutes les tribunes contre son ancien amant, après avoir tenté de monnayer ses confidences.
Mais on ne légifère pas sur le manque de jugement, on ne fait pas de comité d'enquête sur le manque de jugement. S'il y a eu bris dans la sécurité publique, c'est au ministère, puis éventuellement à la GRC de faire enquête.
Maxime Bernier s'est trompé - et plus d'une fois depuis que M. Harper l'a envoyé se fourvoyer dans ce ministère pour lequel il n'était pas fait. Il a été puni, et plus que puni. Pense-t-on à l'effet que ces révélations plus ou moins pertinentes auront sur sa carrière, et surtout sur ses deux enfants? Pourquoi continuer à l'humilier publiquement?
M. Harper aussi sera puni pour son manque de jugement, et pour son désir obsessionnel de tout contrôler en nommant à des ministères importants des gens inaptes à la fonction. Ce sont les électeurs qui le puniront en temps et lieu, en faisant baisser sa cote dans les sondages.
Ces comités parlementaires sont devenus une farce. Qu'ils ferment boutique!


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