Discours de John Baird devant le Congrès juif américian

l’histoire saura reconnaître la contribution juste et positive d’Israël, tout comme celle des États-Unis et du Canada

Canada-toutou ou de l'autisme oligarchique!





Shalom chaverim [paix, mes amis].
Je vous remercie de votre accueil chaleureux.
C’est un honneur de me trouver parmi les invités de marque qui s’exprimeront aujourd’hui. Et c’est un réel plaisir de revenir à Washington.
En dehors du fait que je suis de près la vie politique américaine, j’aime beaucoup cette ville, car elle incarne, selon moi, les espoirs et les aspirations d’une très grande nation.
Même dans les situations d’impasse politique !
Cette visite, cependant, revêt une importance particulière pour moi. Le Congrès juif américain accomplit un travail de promotion tellement important. Non seulement pour les Juifs d’Amérique et du reste du monde, mais aussi pour le respect de la dignité et celui de tous les peuples.
Il s’agit d’un travail vraiment louable et important.
Et dans votre travail, le Canada est un partenaire fiable, représenté ici, à Washington, par son ambassadeur — et mon bon ami — Gary Doer.
D’ailleurs, d’entrée de jeu, je tiens à préciser qu’à l’heure actuelle, Israël n’a pas de meilleur ami dans le monde que le Canada.
C’est d’ailleurs un élément que je souligne souvent partout dans le monde.
De fait, je le rappellerai encore lors de la visite du président [d’Israël] Shimon Peres, à Ottawa, la semaine prochaine.
Permettez-moi de vous le dire : notre ferme soutien à Israël n’a rien à voir avec notre vie politique intérieure, et il ne nous rend certainement pas très populaires aux Nations Unies.
Ce soutien a même valu au Canada d’essuyer bien des attaques.
En fait, pour nous, c’est une question de valeurs.
Car le Canada et Israël — comme les États-Unis — partagent les mêmes valeurs. Nous respectons la liberté, la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit.
Et la dignité des personnes que nous servons.
Nous avons toujours défendu les plus vulnérables, défié l’agresseur et affronté les forces du mal.
Dans la conduite de notre politique étrangère, nous ne choisissons tout simplement pas la voie de la facilité.
Au cours de son histoire, le Canada n’a jamais eu peur de défendre ce qui était juste et bon.
En fait, le Canada combat énergiquement la haine et l’intolérance sous toutes ses formes.
Et nos principes nous ont coûté cher.
Pendant les deux guerres mondiales — et les conflits qui ont eu lieu avant et après celles-ci — du sang a été versé et des vies ont été perdues. Chaque fois pour défendre la liberté, la démocratie et la dignité.
En matière de principes, nous joignons le geste à la parole.
Le Canada n’a rien d’un petit acteur à cet égard.
En Afghanistan, nous avons investi des milliards et des milliards de dollars, et sacrifié plus de 150 vies pour nous assurer que ce pays ne redevienne jamais plus un repaire de terroristes.
Nous n’adoptons pas ces positions et nous ne défendons pas nos valeurs par souci de popularité, mais parce que nous savons qu’il n’y a aucune équivalence morale entre le bien et le mal.
Aux Nations Unies et ailleurs, nous disons sans équivoque que le droit d’Israël à exister n’est pas négociable.
Nous votons contre les résolutions injustes et partisanes.
Quand Assad assassine des milliers de Syriens et fait un pied de nez au monde, quand l’Iran ne cesse de bafouer les droits fondamentaux de sa population tout en attisant la terreur et l’agitation internationales, le Conseil de sécurité des Nations Unies semble pris de paralysie.
Nous disons directement aux États membres des Nations Unies que les pires ennemis de cette organisation sont ceux qui restent assis, les bras croisés, à observer son lent déclin.
Nous croyons que ce qui est juste est juste.
Et que ce qui est mal est mal.
Et c’est pour défendre ces convictions que nous agissons.
Il y a une différence, selon nous, entre les démocraties libérales et les groupes terroristes internationaux.
Ils ne méritent pas d’être traités de la même façon.
Nous rejetons la notion de relativisme moral dans les relations internationales.
Nous nous y opposons constamment, peu importe que cette prise de position soit ou non populaire, commode ou opportune.
Au cours des 20 dernières années, je me suis rendu à plusieurs reprises en Israël. Une fois, alors que j’étais législateur provincial, et à l’occasion d’une réunion d’information pendant le dîner, dans une salle qui donnait sur la vieille ville majestueuse de Jérusalem, j’ai posé à un représentant canadien en Israël cette simple question :
« Pourquoi le Canada se prononce-t-il toujours en faveur de résolutions partiales qui condamnent l’État d’Israël, qui est une démocratie libérale ? »
Nous votions ainsi à l’époque.
Le représentant a marqué une pause, puis en me toisant comme s’il avait affaire à un politicien de province, au sens propre comme au sens figuré, il m’a répondu que nous ne voulions pas faire de vagues.
Selon lui, ces résolutions étaient sans importance, revenaient tous les ans et personne n’y prêtait attention.
Le Canada ne se comporte plus ainsi.
Pas tant que je serai ministre des Affaires étrangères.
Et pas tant que nous aurons ce premier ministre.
Nous portons attention à ces résolutions, nous pensons qu’elles sont utiles et nous sommes convaincus que ce type de rhétorique anti-israélienne nuit aux institutions mêmes qui devraient encourager les démocraties libérales, au lieu de leur faire obstacle.
Nous ne nous excuserons pas des prises de position que nous adoptons, parce que nous défendons ce qui est juste. Tout comme Israël, nous défendons la liberté et la dignité des personnes.
Nous voyons que ces éléments fondamentaux restent absents de régions confrontées à des bouleversements, agitées, en proie à la violence et qui ont soif de liberté.
Et de dignité.
Les familles veulent avoir la dignité de subvenir aux besoins de leurs enfants, de pratiquer leur religion, de vaquer aux activités de la vie quotidienne dans la paix et la sécurité.
La prospérité occupe une place essentielle dans ce débat.
L’absence d’emplois, d’espoir et de possibilités conduit à la violence, à l’agitation et à l’instabilité. Au Canada, nous comprenons cette vérité fondamentale : l’impact de l’économie nationale sur le ménage moyen — et sur les aspirations de nos concitoyens ; c’est pourquoi nous avons placé les questions économiques en tête des priorités de notre gouvernement.
L’emploi, la croissance et la prospérité à long terme.
Tout ce que nous faisons, nous le faisons pour les Canadiens dans cette optique.
Bien des gens que je rencontre sont surpris d’apprendre que le Canada possède les troisièmes réserves de pétrole du monde.
Nous sommes l’un des principaux pays miniers de la planète.
Et nous produisons plus d’hydroélectricité que pratiquement n’importe quel autre pays.
Nous avons beaucoup de chance.
C’est pourquoi nous aspirons à continuer de faire progresser notre pays.
Réduire la réglementation, équilibrer notre budget, exploiter nos ressources de façon responsable et les vendre dans le monde entier.
Vous avez sans doute entendu parler du fameux projet de l’oléoduc Keystone.
Il ne s’agit que d’un projet parmi tant d’autres qui peut créer des emplois et des possibilités — pas seulement pour les Canadiens, mais aussi pour les Américains.
Des dizaines de milliers d’emplois, des milliards de dollars de retombées et la sécurité énergétique que recherche l’Amérique depuis des générations.
Nous sommes confiants, le projet avancera.
Mais nous ne pouvons tout simplement pas vendre sur un seul marché.
C’est pourquoi nous nous tournons vers l’Asie, vers les économies en plus forte croissance de l’autre côté du Pacifique. Le Canada, comme les États-Unis, est un pays du Pacifique et, fondamentalement, composé de gens de commerce. Notre gouvernement continue d’ailleurs de négocier des accords commerciaux avec des pays du monde entier.
Les membres de l’Union européenne, la Jordanie, le Japon et l’Inde, pour n’en nommer que quelques-uns.
Nous élargissons nos horizons commerciaux. Et d’autres pays sont tout à fait disposés à commercer avec nous.
Les gens commencent à comprendre que l’agitation dans une région du monde peut avoir de lourdes conséquences, jusque chez eux.
Au cours de la dernière année, même des pays riches en ressources se sont trouvés en proie à l’agitation. Dans certaines parties du monde arabe, par exemple, c’est parce que l’abondance de ressources n’a pas mené à l’expression de droits fondamentaux, sauf pour une poignée de privilégiés.
Cela ne peut pas durer éternellement.
Et ce n’est pas justifiable.
Le Canada, cependant, est une démocratie libérale. Un pays qui respecte les droits de la personne et la dignité de sa population. Un pays dont le développement est responsable et dont les fondations sont les mêmes que celles de tous les pays stables et prospères.
En période d’incertitude, le Canada peut être une source de stabilité.
Nous exerçons ce que l’on appelle un pouvoir intelligent.
Nous avons ce qu’il faut pour jouer dans la cour des grands.
Nous sommes un géant de l’énergie.
Nous sommes un exemple pour la planète.
Les pays aux vues similaires ont de grands défis à relever. Il y a un lien très direct entre nos intérêts et nos valeurs, ces valeurs fondamentales que des pays comme les nôtres ont tellement à cœur.
La liberté, la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit.
La dignité de nos gens.
Nous menons une lutte incessante pour protéger ces valeurs fondamentales, sur les tribunes du G-8 et du G-20, aux Nations Unies et au Commonwealth.
Nous nous attachons à promouvoir et à protéger les valeurs auxquelles croient les Canadiens.
Le Canada ne choisira pas la voie de la facilité, ni ne fermera les yeux lorsqu’une minorité ne peut exercer ses droits en matière de droits de la personne, ou ses libertés fondamentales.
Il est de notre devoir à tous de faire respecter les droits des populations affligées, de nous faire entendre pour les sans-voix.
En tant que citoyens de la communauté planétaire, nous avons le devoir solennel de défendre les populations vulnérables, de faire face à l’agresseur, de protéger et de promouvoir les droits de la personne et la dignité humaine, aussi bien au Canada qu’à l’étranger.
Les femmes, les chrétiens, les Bahá’ís et les autres victimes de persécution en Iran ; les prêtres catholiques romains et les autres membres du clergé chrétien et les laïcs, forcés de pratiquer leur religion clandestinement en Chine ; les chrétiens chassés d’Iraq par Al-Qaïda, et les Coptes agressés et assassinés dans les rues d’Égypte.
Les gais et les lesbiennes dont la sexualité est menacée de criminalisation dans beaucoup trop de pays.
Malgré les multiples nationalités, l’humanité forme un tout unique.
Au cours du dernier siècle, le monde a souffert d’un amalgame néfaste, où l’idéologie utopiste a fait bon ménage avec le despotisme brutal, pour engendrer des régimes totalitaires qui ont réduit leurs propres citoyens à l’esclavage.
Certains apologistes ont voulu nous persuader que l’idéologie communiste n’avait été qu’un mal bénin.
Les Canadiens n’ont pas été dupes.
Nous avons pris position en faveur de la liberté et du respect des droits de la personne, des droits fondamentaux.
Nous avons combattu l’oppression dès les premiers jours de la Deuxième Guerre mondiale.
Nous avons été solidaires de ces peuples courageux, et de ceux d’autres pays captifs, en Europe centrale et en Europe de l’Est.
Mon grand-père était l’un de ces Canadiens.
Il incarnait la tradition canadienne de défendre ce qui est juste et bon.
Il croyait, comme je le crois aussi, qu’il est dangereux de s’obliger à penser comme tout le monde. Voilà qui est bien plus dangereux que de risquer sa vie pour protéger nos valeurs, nos libertés et notre dignité.
Tout comme le fascisme et le communisme ont été le combat de sa génération, le terrorisme est aujourd’hui le combat de notre génération.
Et trop souvent, c’est le peuple juif qui est en première ligne de ces combats.
Il y a une vingtaine d’années, j’ai décroché un emploi d’été, justement au ministère des Affaires étrangères que j’ai maintenant le plaisir de diriger. Le jeune et fervent idéaliste que j’étais recevait un exposé des événements quotidiens, et l’on m’a simplement dit qu’il pleuvait sur Metula.
La plupart d’entre vous savez probablement que lorsqu’on dit qu’il pleut sur Metula, cela signifie qu’il y a des tirs de roquettes à l’aveugle sur l’une des villes situées le plus au nord d’Israël.
Je me suis mis à réfléchir fébrilement aux mesures à prendre. Devrions-nous publier un communiqué pour dénoncer la situation ? Devrions-nous aller devant les Nations Unies ?
Le jeune homme naïf que j’étais alors a demandé au fonctionnaire responsable : « Que devons-nous faire maintenant ? Que devrait faire le Canada ? »
Sa réponse est restée gravée dans ma mémoire.
Il m’a répondu : « John, dans ce dossier, il est difficile de savoir qui sont les bons, et qui sont les méchants. »
Je suis resté assis à mon bureau, à griffonner.
Bon, méchant.
Israël, Hezbollah.
Démocratie libérale, organisation terroriste.
Le meilleur ami du Canada, son pire ennemi.
Alors j’ai répliqué : « Les différences ne pourraient pas être plus marquées. »
Cet échange, comme d’autres que je vous ai relatés ce soir, a contribué à former ma vision du monde beaucoup plus que je n’aurais m’en rendre compte à l’époque. Plus que jamais, j’estime qu’Israël est un pays que nous ne pouvons pas nous contenter d’appuyer, mais plutôt un pays avec lequel nous devons nous serrer les coudes.
Les critiques internationales à l’endroit d’Israël ne devraient jamais faire l’amalgame avec une organisation terroriste internationale.
Une organisation qui lance des roquettes à l’aveugle pour causer mort, destruction et chaos.
Une organisation dont la charte [1] a comme principe central la destruction totale d’Israël.
Israël fait constamment l’objet de protestations et de critiques internationales.
Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que tout est parfait en Israël.
Mais le premier ministre [d’Israël Benjamin] Netanyahu a bien exprimé la situation aux manifestants [pro-Palestiniens] au moment où ils arrivaient en Israël le mois dernier :
« Vous auriez pu choisir de manifester contre la sauvagerie quotidienne du régime syrien à l’endroit de son propre peuple, qui a tué des milliers de personnes.
« Vous auriez pu choisir de manifester contre la répression brutale du régime iranien à l’endroit des dissidents et son appui au terrorisme partout dans le monde.
« Mais vous avez plutôt choisi de manifester contre Israël, l’unique démocratie au Moyen-Orient. »
C’est ce qui inspire ma réflexion, et celle de notre premier ministre : lutter contre ce relativisme moral éhonté, qui va à l’encontre de nos valeurs et de nos intérêts fondamentaux.
Dans cette tâche, nous devons constamment garder à l’esprit notre espoir, tout comme les moyens à notre disposition pour aller de l’avant.
L’énorme vague de changement qui a balayé plusieurs parties du monde cette dernière année a une voix.
Et c’est notre voix.
Et si nous continuons de parler d’une même voix, si nous continuons de promouvoir les mêmes valeurs, si nous continuons de résister face au mal, à l’oppression et au désespoir, alors ceux qui veulent un changement pourront faire entendre leur propre voix.
Je puis vous assurer ce soir, en toute confiance, que si nous continuons de faire entendre notre voix pour exprimer nos valeurs, dans un esprit favorisant notre dignité et notre prospérité mutuelles, l’histoire saura reconnaître la contribution juste et positive d’Israël, tout comme celle des États-Unis et du Canada.
Je vous remercie.
John Baird






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