Lettre au premier ministre Justin Trudeau
C'est avec grand enthousiasme que nous avons pris connaissance de vos propositions au sujet du nouveau processus de nomination des juges à la Cour suprême. Nous nous réjouissons du processus que vous avez proposé, qui se veut enfin transparent, inclusif et responsable.
Nous avons aussi été très heureux d’apprendre que le bilinguisme fera dorénavant partie des critères de compétence exigés des futurs candidats à la Cour suprême. Toutefois, ces exigences nous interpellent. Vous indiquez que les juges devront être « effectivement bilingues » (sic). Par cette expression, vous entendez que la personne choisie devra être en mesure de « lire des documents et comprendre un plaidoyer sans devoir recourir à la traduction ou à l’interprétation ». Toutefois, elle ne sera pas tenue de « discuter avec un avocat pendant un plaidoyer et avec les autres juges de la Cour en français ou en anglais ».
Sur le site du gouvernement canadien, il est écrit à la section sur « les qualifications et critères d’évaluation » que la capacité de soutenir une conversation dans les deux langues officielles est un « idéal » et que l’on prévoit que le candidat sera en mesure de lire et de comprendre le français. Malgré l’avancée majeure que représente l’exigence du bilinguisme auprès des futurs juges de la plus haute cour du pays, le vocabulaire utilisé dans cette partie est déroutant et bien loin des exigences auxquelles nous étions en droit de nous attendre.
Est-ce à dire que les prochains juges de la Cour suprême n’auront pas toutes les compétences nécessaires pour bien effectuer leur travail et respecter les deux communautés de langue officielle ? Est-ce à dire que vous n’estimez pas essentiel qu’ils soient capables de s’exprimer à l’oral dans les deux langues officielles ? Toutes les personnes désirant être nommées à la Cour suprême devraient, entre autres, être soumises à une évaluation de leurs capacités linguistiques tant à l’oral qu’à l’écrit afin que l’on puisse véritablement apprécier leurs compétences.
Devant ces nouvelles exigences, nous sommes en droit de nous demander si les juges nommés à la Cour suprême pourront vraiment comprendre un plaidoyer sans devoir recourir à la traduction ou à l’interprétation. Pourquoi avoir choisi de perpétuer un obstacle à l’accès égal à la justice dans les deux langues officielles au lieu de le corriger ? Et pourquoi ne pas avoir choisi une solution durable comme, par exemple, une loi reconnaissant que la compétence linguistique dans les deux langues officielles est essentielle pour siéger à la Cour suprême dès la nomination ?
La réforme que vous proposez représente un pas dans la bonne direction, mais elle mériterait d’être mieux conçue pour que nous puissions parler d’un accès égal à la justice et au plus haut tribunal du pays pour les justiciables de langue française.
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