La peur s'empare des campus universitaires en Chine à la suite d'une série d'enlèvements visant à réduire au silence des militants étudiants de gauche, rapporte la chaîne américaine CNN. Ces derniers mènent une campagne pour l'amélioration des droits et de la sécurité des travailleurs.
Depuis août dernier, au moins neuf jeunes militants chinois ont été enlevés et détenus dans les principales villes du pays, signe de l’escalade de la répression politique du gouvernement chinois pour lutter contre le militantisme étudiant sur les campus universitaires.
« L’ensemble de l'Université de Pékin vit maintenant dans la terreur [de voir les forces de sécurité] s’en prendre aux gens, même ceux qui se trouvent simplement sur les lieux où les militants étudiants distribuent des tracts », a déclaré à CNN un étudiant de la prestigieuse Université de Pékin.
Vendredi, un diplômé de l’Université, Zhang Shengye, a été agressé et traîné de force dans une voiture par plusieurs hommes vêtus de veston noir, selon une lettre ouverte largement distribuée par les militants. « Quelqu’un m’a fait une prise de tête et m’a entraîné vers l’avant […] J’ai perdu mes lunettes dans la mêlée et j’ai été projeté au sol », rapportent l’auteur de la lettre et son collègue Yu Tianfu.
« En me débattant, je leur ai demandé : "Qui êtes-vous?" "Pourquoi faites-vous une chose pareille?" Montrant ma tête du doigt, l’un des hommes m’a menacé agressivement : "Arrête de crier ou je te repasse à tabac" ».
Un caillou dans le soulier de Pékin
Mené par des militants se réclamant du marxisme et revendiquant plus de droits pour les travailleurs, le mouvement étudiant est devenu, au cours des dernières années, un problème croissant pour le gouvernement chinois.
Le président chinois Xi Jinping. Photo : EPA/Wu Hong
Sous le régime du président Xi Jinping, Pékin a accentué sa répression contre toute forme de dissidence, y compris celle contre les militants pour les droits de la personne, les mouvements ouvriers et les organisations religieuses.
Militants et analystes n’ont d’ailleurs pas manqué de souligner l’ironie de voir le gouvernement socialiste chinois – dirigé par le Parti communiste, théoriquement pro-travailleurs – réprimer de la sorte de jeunes marxistes.
Depuis son accession à la tête du Parti communiste en 2012, le président Xi s’est montré particulièrement enthousiaste dans sa campagne de persuasion pour encourager ses compatriotes à épouser les convictions de ses racines marxistes.
Le berceau du mouvement
C’est un conflit de travail à Shenzhen, dans le sud de la Chine, qui est à l’origine de cette recrudescence de la répression gouvernementale. Un groupe de travailleurs a réclamé la formation d’un syndicat pour défendre ses droits.
Le gouvernement a rejeté leurs revendications et, après un mois de protestations, la police s’est mise à arrêter des dizaines de travailleurs, selon le groupe ouvrier. D’autres travailleurs soutiennent avoir été battus par le personnel de sécurité lors de manifestations.
Dans la foulée de ce conflit de travail, un groupe de militants étudiants de gauche – se réclamant du maoïsme - ont entrepris une tournée nationale pour appuyer les ouvriers, attirant l’attention de toute la nation.
Une militante issue de l’Université de Pékin, Yue Xin, a publié une lettre ouverte exhortant les étudiants de toutes les universités chinoises à signer une pétition et à se joindre au mouvement d’appui aux travailleurs.
L’attention publique croissante suscitée par le mouvement a toutefois conduit le gouvernement à resserrer ses filets autour des jeunes protestataires. Le 11 août dernier, l’un des principaux organisateurs du mouvement de protestations, Shen Mengyu, a été enlevé et détenu par un groupe d’hommes non identifiés.
Sa collègue Yue de même que plusieurs autres étudiants ont à leur tour disparu le 24 août sans qu’aucune arrestation officielle ne soit signalée par la police.
Shen et Yue n’ont pas été revus depuis.
Des militants persistent et signent
À la suite de ces disparitions, un groupe d’étudiants de l’Université de Pékin a mis sur pied le « Mouvement Trouvons Yue » afin de faire pression pour la libération des étudiants.
L’un des organisateurs de ce nouveau mouvement a disparu à son tour en compagnie de plusieurs de ses collègues.
Malgré les disparitions, les agressions et le climat de peur qui règne sur les campus universitaires, les militants de gauche ne sont pas tous rentrés dans le rang. Ils ont plutôt renommé le « Mouvement Trouvons Yue » par « Les surveillants des disparus de l’Université de Pékin ». Ils ont également publié une nouvelle lettre ouverte, dimanche, réclamant la libération de ses anciens membres.
« Nous ne pouvons laisser ceux qui ramassent le bois de chauffage pour les autres mourir de froid dans la neige et nous ne pouvons pas laisser ceux qui ont tracé le chemin de la liberté demeurer piégés dans les ronces », conclut la lettre.